Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 1803400 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2019 et 13 juin 2019, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 25 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est senti en situation de compétence liée par rapport à l'avis émis par le collège de médecin ;
- il n'est pas établi que les médecins auraient rendu leur avis à l'issue d'une délibération collégiale ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière et en violation du principe du contradictoire en l'absence de communication de la fiche pays de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO) sur la Russie ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'irrégularité, faute pour le préfet de produire l'avis du collège de médecins ;
- elle est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant russe né le 22 janvier 1959, serait, selon ses déclarations, entré en France en 2011. Sa demande d'asile a été rejetée. Il a été mis en possession d'un titre de séjour pour raison de santé, valable du 7 mars 2016 au 6 mars 2017. Le 22 janvier 2017, il en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 25 avril 2018, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. D... relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. Il ne ressort, ni de la motivation de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. D... ou qu'il se serait estimé lié par l'avis émis le 8 juillet 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
5. L'avis du collège de médecins de l'OFII du 8 juillet 2017 vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016, ces textes posant le principe d'une délibération collégiale. Cet avis comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : " et il est daté et signé par les trois médecins qui l'ont composé. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. M. D... n'apporte aucun élément sérieux au soutien de son moyen tiré de ce que l'avis du collège n'aurait pas été rendu de manière collégiale, le privant ainsi d'une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que par un avis du 8 juillet 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celui-ci pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Le collège de médecins de l'OFII ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour M. D... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière et en violation du principe du contradictoire en l'absence de communication de la fiche pays de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine sur la Russie, doit en tout état de cause être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
8. Pour contester l'appréciation du collège de médecins de l'OFII, qui a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. D... produit, à nouveau en appel, les deux certificats médicaux des 23 janvier 2017 et 6 juin 2018 de son médecin généraliste révélant qu'il est atteint d'une hépatite C avec cirrhose et de troubles psychiatriques, quelques ordonnances médicales, un compte rendu de scanner effectué à la suite d'un léger traumatisme crânien, et un rendez vous consultation en neurochirurgie. Ces documents, qui ne se prononcent pas sur les conséquences de l'absence de prise en charge médicale de ses pathologies, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins. Le requérant verse au dossier un nouveau certificat établi par son médecin généraliste en juin 2019, selon lequel il est atteint désormais d'une leucémie lymphoïde chronique. Contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette maladie aurait été préexistante à la date à laquelle le préfet a pris la décision en litige. Compte tenu de la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII, la circonstance que M. D... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Russie, demeure sans influence sur la légalité de la décision de refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. M. D... soutient qu'il est proche de ses deux petits-enfants avec lesquels il vit au quotidien, sa fille assumant seule leur éducation depuis la mort de son conjoint en 2013. Toutefois, il n'est pas établi que sa présence serait indispensable auprès de ses petits-enfants. Par suite, la décision de refus de titre de séjour, qui n'a pas, par elle-même, pour objet ni pour effet de le séparer de ses petits-enfants, ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2011 et qu'il vit auprès de sa fille et de ses petits-enfants. Toutefois, M. D... n'établit pas, ni même n'allègue être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine. Si sa fille se trouve en situation régulière sur le territoire français, elle ne détient qu'un titre de séjour valable un an. M. D... ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle en dépit de ses années de présence en France. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, le préfet de Eure aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Celle-ci est, en l'espèce, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. D... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement.
15. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII s'est prononcé le 8 juillet 2017 dans un avis que le préfet a produit en première instance. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un vice de procédure faute d'avis du collège de médecins doit être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. D... fait valoir être désormais atteint d'une leucémie lymphoïde chronique, le seul certificat médical de son médecin généraliste, qu'il verse au dossier, n'est pas à lui seul de nature à établir que son état de santé ferait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement. Il appartiendra en revanche au préfet d'apprécier les conditions d'exécution de sa décision à la date à laquelle il l'exécutera.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, il y a lieu d'écarter le moyen tire de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ressort des pièces du dossier que M. D... est désormais atteint d'une leucémie lymphoïde chronique. Cette circonstance nouvelle est de nature à faire obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire.
18. Pour les mêmes raisons également que celles exposées au point 11, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet de Eure aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. D....
Sur la décision fixant le pays de destination :
19. M. D... se borne à soutenir, comme en première instance, que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, qu'elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde, qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 août 2019.
Le rapporteur,
Signé : V. PETIT
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°19DA00544
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N°"Numéro"