Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Résina a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche, venant aux droits de la commune de Landepereuse, à lui verser une somme de 15 051,66 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la facture impayée du 30 septembre 2007, assortie des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 15 novembre 2007.
Par un jugement n° 1503626 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2017 et 15 mai 2019, la société Résina, représentée par Me B... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche à lui verser une somme de 15 051,66 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 15 novembre 2007 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche à lui verser une somme de 15 051,66 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 15 novembre 2007 ;
4°) de mettre à la charge de la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché conclu le 15 mars 2007, le syndicat d'adduction en eau potable (SAEP) de Broglie a confié à la société Résina la remise en service du réservoir d'eau pour l'alimentation de la commune de Landepereuse, à l'exclusion du ravalement extérieur de l'ouvrage. La société Résina, qui a effectué ces travaux de ravalement, a demandé au tribunal administratif de Rouen la condamnation, sur le terrain contractuel, de la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche, venant aux droits de la commune de Landepereuse, à lui verser une somme de 15 051,66 euros TTC en paiement de ces travaux. La société Résina relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; (...) ; / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...). ".
3. La somme que demande la société Résina se rattache à l'année d'exécution des travaux de ravalement de façade extérieur du château d'eau, dont il est constant qu'ils se sont déroulés au cours de l'année 2007. En application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription quadriennale a donc commencé à courir le 1er janvier 2008 pour expirer normalement le 31 décembre 2011. Il résulte de l'instruction que par une lettre du 27 mai 2011, la société Résina a demandé à la commune nouvelle du Mesnil-en-Ouche le paiement de sa facture datée du 30 septembre 2007. La commune a répondu à ce courrier par une lettre du 3 juin 2011. Cette demande, qui a interrompu le délai de prescription quadriennale, a fait partir un nouveau délai de prescription de quatre ans qui, en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, expirait le 31 décembre 2015. La société Résina a adressé le 28 juillet 2015 une mise en demeure à la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche aux fins de paiement de la facture en litige et a saisi, le 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen d'une demande indemnitaire. Par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Mesnil-en-Ouche doit être écartée.
Sur la responsabilité contractuelle :
4. En premier lieu, alors que la société Résina exécutait un marché conclu avec le SAEP de Broglie pour la remise en service du réservoir d'eau pour l'alimentation de la commune de Landepereuse, celle-ci a également exécuté des travaux de ravalement de façade extérieur de l'ouvrage d'art, propriété de la commune de Landepereuse. Il résulte de l'instruction que la commune n'a jamais signé le devis que lui a adressé la société Résina avant réalisation de ces travaux. Aucun autre contrat écrit n'a été signé entre la société et la commune. Si l'acte d'engagement du contrat signé entre la société appelante et le SAEP de Broglie, les comptes rendus de chantier de ce marché et le courrier adressé par le SAEP à la société en réponse à sa demande de paiement indiquent tous que ces travaux devaient être pris en charge par la commune elle-même, aucun de ces documents n'émane de la commune de Landepereuse. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune, qui n'a jamais adressé d'ordre de service ni de demande écrite à la société, ait commandé, même oralement, à la société Résina les travaux de ravalement. En outre, la circonstance que la commune ait été destinataire des comptes rendus de réunions de chantier et qu'elle ait participé à la première réunion en qualité d'invité, ne saurait lui donner la qualité de contractant ni révéler son nécessaire accord pour la prise en charge des travaux de ravalement, évoquée lors de ces réunions. Par suite, en l'absence de tout contrat, la société Résina n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Mesnil-en Ouche sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
5. En second lieu, la société Résina fait également valoir que la responsabilité contractuelle de la commune est engagée, celle-ci devant être regardée comme ayant donné mandat au SAEP de Broglie. Toutefois, la circonstance que le SAEP de Broglie ait pu, à plusieurs reprises, notamment dans divers documents déjà cités au point précédent, faire état de ce que le ravalement extérieur du réservoir serait pris en charge par la commune, ne saurait faire regarder le SAEP de Broglie comme titulaire d'un mandat de la part de la commune de Landepereuse. Par suite, la société Résina n'est pas davantage fondée à demander la condamnation de la commune de Mesnil-en-Ouche sur ce fondement.
Sur l'enrichissement sans cause :
6. En l'absence de contrat, l'entrepreneur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'entrepreneur intéressé sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité. La société Résina invoque, pour la première fois en appel, l'enrichissement sans cause de la commune.
7. Il résulte de l'instruction que la société Résina a exposé des dépenses utiles pour la commune en procédant au ravalement de la façade extérieure du réservoir appartenant à celle-ci. La faute de l'entreprise, professionnel averti, qui a exécuté les travaux sans avoir au préalable obtenu un accord écrit de la commune sur le principe et le montant des prestations, n'est pas de nature à limiter son droit au remboursement des dépenses utiles ainsi exposées. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction que la société Résina aurait, de manière délibérée, exécuté les travaux tout en sachant qu'elle ne disposait pas du consentement de la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche. Par suite, la société Résina est fondée à demander la condamnation de la commune nouvelle de Mesnil-en Ouche sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
8. Il résulte par ailleurs de l'instruction, que les travaux dont le paiement est demandé ont bien été effectués. En fournissant la facture des travaux, qui décrit les prestations réalisées, la société Résina justifie de son préjudice. En revanche, elle est uniquement fondée à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité, et non à demander l'indemnisation du bénéfice que ces travaux lui auraient procuré. Il y a lieu, dans ces conditions, d'évaluer le montant des dépenses utiles à 85 % de la somme correspondant à la facture, le bénéfice escompté sur ces prestations devant être évalué en l'état de l'instruction à 15 % de cette même somme. Par suite, le montant dû par la commune, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, doit être fixé à la somme totale de 12 793,92 euros toutes taxes comprises.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Résina est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les intérêts :
10. La somme de 12 793,92 euros que la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche est condamnée à verser à la société Résina sur le fondement de l'enrichissement sans cause, doit être assortie, en l'absence de contrat applicable, des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche de la lettre du 27 mai 2011, cité au point 2, qu'elle lui avait adressée. Il résulte de l'instruction que cette lettre a été reçue au plus tard le 3 juin 2011, date du courrier par lequel la commune répond à cette demande. Dès lors, la somme doit être assortie des intérêts au légal à compter du 3 juin 2011.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Résina, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Résina et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 avril 2017 est annulé.
Article 2 : La commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche versera une somme de 12 793,12 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2011.
Article 3 : La commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche versera, à la société Résina, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Résina est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Résina et à la commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche.
1
2
N°17DA01020
1
3
N°"Numéro"