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31/07/2019 | FRANCE | N°17DA00817

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 31 juillet 2019, 17DA00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 janvier 2014 par laquelle le président de l'Université du Littoral Côte d'Opale (ULCO) lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et de condamner l'Université du Littoral Côte d'Opale à lui verser une somme de

10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1401431 du 2 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 janvier 2014 par laquelle le président de l'Université du Littoral Côte d'Opale (ULCO) lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et de condamner l'Université du Littoral Côte d'Opale à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1401431 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 29 mars 2019, Mme F... D..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 janvier 2014 par laquelle le président de l'Université du Littoral Côte d'Opale lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de condamner l'université du Littoral Côte d'Opale à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'université du Littoral Côte d'Opale la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lille, elle n'a pas procédé à la mutualisation de ses heures de cours ;

- elle est victime de harcèlement moral, ce qui affecte son état de santé et qui justifie qu'elle sollicite le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- en rejetant sa demande sans prendre en compte sa situation, l'Université du Littoral Côte d'Opale a méconnu son obligation de sécurité de résultat en matière de protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, l'Université du Littoral Côte d'Opale représentée par Me A... E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme F... D... de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A... E..., représentant l'Université du Littoral côte d'Opale.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., professeure certifiée et affectée dans l'enseignement supérieur depuis le 1er septembre 2002, enseignait l'anglais au sein de l'Université du Littoral côte d'Opale. Par une lettre du 17 décembre 2013 reçue le 19 décembre 2013, elle a demandé au président de l'Université à bénéficier de la protection fonctionnelle. Par une lettre du 7 janvier 2014, le président de l'Université a refusé de faire droit à cette demande. Mme D... relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans rédaction applicable au présent litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ", et aux termes de l'article 11 de la même loi, dans la même rédaction : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent, à la charge de l'administration, une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. Tout d'abord, Mme D... soutient qu'elle n'a pas procédé à une mutualisation de ses cours, et que c'est ainsi à tort que tant le président de l'Université que le tribunal administratif de Lille se sont fondés sur ce fait. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et d'ailleurs aussi des propres écritures de Mme D..., que les 25 et 26 janvier 2013, elle a dispensé un cours à une cinquantaine d'étudiants issus des niveaux 2 et 3 de licence " langues étrangères appliquées ", relevant du département de langues, ainsi qu'aux étudiants de master 1 " affaires internationales achat et négoce international ", relevant du département " économie et gestion ". Si l'Université admet qu'une telle pratique puisse exister, elle souligne qu'elle ne peut l'être qu'après accord de ses dirigeants ou des deux responsables des départements pédagogiques concernés. Or il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel accord ait été donné, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Lille. Au contraire, la réaction du directeur des études du département de langues étrangères appliquées montre qu'il a appris incidemment cette mutualisation de plusieurs cours et qu'il ne l'avait pas autorisée. Si elle fait valoir qu'elle aurait obtenu l'accord préalable de tous ses collègues enseignant en langues étrangères appliquées qui acceptaient de reporter leurs cours, ce dont le responsable du master " achat et négoce international " a témoigné, au demeurant plusieurs mois après les faits, et qu'elle aurait finalement dispensé les cours attendus aux étudiants de licence en langues étrangères appliquées au mois d'avril 2013, il n'en reste pas moins qu'elle n'avait ni sollicité, ni obtenu, l'accord préalable des responsables des départements concernés ou de la direction de l'Université pour procéder à une telle mutualisation. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que tant le président de l'Université que le tribunal administratif de Lille se seraient fondés sur des faits inexacts.

5. Ensuite, Mme D... soutient, à nouveau en cause d'appel, qu'elle a fait l'objet de " fausses accusations " et d' " affirmations mensongères et calomnieuses ", en particulier de la part du directeur des études du département de langues étrangères appliquées, et qu'" en conséquence de ces agissements, [son] service a été modifié d'autorité ", de sorte qu'elle s'est retrouvée en " sous-service " et qu'elle a " été littéralement écartée de l'ULCO ", ces agissements étant constitutifs de faits de harcèlement moral. Elle en déduit que c'est à tort que sa demande de protection fonctionnelle a été rejetée, alors que l'Université est soumise à une obligation de sécurité de résultat à son égard.

6. Il ressort des pièces du dossier que si le directeur des études du département de langues étrangères appliquées a tenu, le 25 janvier 2013, en présence des étudiants et d'un professeur invité issu d'une université anglaise, des propos désagréables à l'encontre de Mme D..., il avait néanmoins prévenu cette dernière de sa visite et du motif de celle-ci par un courriel auquel elle a d'ailleurs répondu. En outre, pour les motifs énoncés au point 4, les reproches qu'il lui a adressés à cette occasion, résultant de l'absence d'autorisation pour procéder à une mutualisation de plusieurs cours, étaient fondés. Dans ces conditions, en dépit du caractère particulièrement malvenu du moment et de la forme de la notification de ces reproches, ces faits, qui n'excédent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne sont pas constitutifs de harcèlement moral, ni ne constituent des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont elle aurait été victime à l'occasion de ses fonctions, au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires citées au point 2.

7. Si Mme D... insiste également sur un autre épisode des relations conflictuelles nées entre elle et le directeur des études du département de langues étrangères appliquées, qui s'est déroulé en octobre 2013 et dont ont témoigné, à sa demande, quelques étudiants, il résulte de ces témoignages que le directeur s'est borné à lui demander de sortir de la salle de cours et de prendre rendez-vous avec sa secrétaire alors qu'il avait déjà débuté le cours qu'elle a interrompu. En outre, s'il ressort aussi des pièces du dossier que le même directeur a adressé plusieurs courriels à des collègues enseignants, ainsi que des messages aux étudiants via le réseau social " Facebook ", afin de les mettre en garde contre les accusations portées par Mme D... à son encontre, il a agi en réaction à la pétition qu'elle avait lancée contre lui, et a d'ailleurs déposé une main courante pour ce motif. Dans ces conditions, nonobstant le caractère assez rude du ton employé tant oralement que par écrit par le directeur qu'elle met en cause, ces faits ne peuvent pas plus être regardés comme constitutifs de harcèlement moral ou de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont elle aurait été victime à l'occasion de ses fonctions, au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires citées au point 2.

8. Mme D... fait également valoir que " [son] service a été modifié d'autorité ", de sorte qu'elle s'est retrouvée en " sous-service " et qu'elle a " été littéralement écartée de l'ULCO ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que, saisi de plusieurs demandes en ce sens d'enseignants et de responsables de formation qui s'estimaient harcelés par Mme D..., le directeur de l'Université a procédé, comme il lui incombe d'ailleurs de le faire, à la fixation de la répartition des enseignements de l'intéressée pour l'année 2013-2014, ce qu'il lui a notifié par lettre du 13 décembre 2013. Il ne ressort pas de cette fixation une situation de " sous-service ", contrairement à ce qu'elle allègue encore en cause d'appel, en dépit du fait que les responsables des départements de langues étrangères appliquées et de droit n'ont plus souhaité qu'elle intervienne dans leur département à compter de la rentrée de l'année universitaire 2013-2014. Mme D... est ainsi demeurée, au titre de cette année universitaire, directrice des relations internationales de l'Institut supérieur de commerce international Côte d'Opale, lequel constitue une composante de l'Université et auprès duquel elle a continué d'exercer son service d'enseignement à titre principal, et elle intervenait, en outre, à titre accessoire et comme elle le faisait auparavant, auprès d'autres départements pédagogiques de cette Université. La fin de ses interventions pour les départements de langues étrangères appliquées et de droit n'est ainsi pas, à elle seule, de nature à établir la situation de " sous-service " et de " mise à l'écart " alléguée. Si elle fait aussi état des relations très dégradées avec certains de ses collègues et responsables de formation et de départements pédagogiques, il ressort des pièces du dossier, notamment des lettres adressées par ces derniers au président de l'Université, que Mme D... a aussi contribué, par son comportement, à la dégradation de ces relations. Il s'ensuit que cette situation qu'elle dénonce, qui ne révèle pas que les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique auraient été dépassées et qui constitue une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service en raison de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

9. Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits et agissements que Mme D... dénonce soient constitutifs de harcèlement moral ou de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont elle aurait été victime à l'occasion de ses fonctions, au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires citées au point 2. Il suit de là que le président de l'Université du Littoral côte d'Opale n'a pas méconnu ces dispositions en refusant, par la décision en litige, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

10. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille en accueillant la fin de non-recevoir opposée en ce sens par l'Université du Littoral côte d'Opale, il résulte de l'instruction que Mme D... n'a pas fait précéder les conclusions aux fins d'indemnisation dont elle a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande préalable, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas en cause d'appel. Dès lors, ses conclusions aux fins d'indemnisation sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Université du Littoral côte d'Opale, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par l'Université du Littoral côte d'Opale au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Université du Littoral côte d'Opale présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et à l'Université du Littoral côte d'Opale.

Copie en sera transmise pour information à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

N°17DA00817 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA00817
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET INGELAERE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-31;17da00817 ?
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