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08/07/2019 | FRANCE | N°19DA00558

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 08 juillet 2019, 19DA00558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination.

Par un jugement n° 1803569 du 3 janvier 2019, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination.

Par un jugement n° 1803569 du 3 janvier 2019, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, M. A... C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle méconnaît le droit qu'il tenait du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne d'être entendu préalablement à son édiction ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle puisque le fait qu'il soit scolarisé n'a pas été pris en compte ;

- elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'étant scolarisé, il aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire plus long ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le réexamen de sa demande d'asile est en cours d'instruction et qu'il ne pourra assurer sa défense devant l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant leur conséquence sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine.

Une mise en demeure a été adressée le 30 avril 2019 à la préfète de la Somme qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 9 mars 1997, déclare être entré en France le 2 septembre 2015 et a sollicité une première fois l'asile le 22 octobre 2015. Par un arrêté du 4 mai 2016, le préfet de la Somme a décidé son transfert aux autorités portugaises qui avaient accepté sa réadmission le 24 février 2016. Le 3 mars 2017, il a été interpellé par les services de police de Lille lors d'un contrôle d'identité. Le 11 septembre 2017, il a, à nouveau, sollicité l'asile. Par une décision du 27 septembre 2017, l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 3 avril 2018. M. C... relève appel du jugement du 3 janvier 2019 par lequel la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination. Postérieurement à l'arrêté en litige, le 20 décembre 2018, M. C... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile auprès de l'OFPRA, qui a déclaré sa demande irrecevable par une décision du 24 décembre 2018.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ", et aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

3. M. C... déclare être entré en France le 2 septembre 2015 et fait valoir qu'il vit, depuis cette date, sur le territoire français, et qu'il y poursuit des études pour l'année 2018-2019, en suivant une formation de peintre applicateur de revêtement au lycée professionnel de l'Acheuleen à Amiens. Toutefois, ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'apporte toujours aucune pièce sur le déroulement de ses études, notamment sur les appréciations portées par ses professeurs, sur ses notes et sur son assiduité. En outre, les circonstances tirées de ce qu'il maîtrise la langue française et de ce que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à les supposer établies, ne sont pas de nature, à elles seules, à démontrer qu'il est bien inséré dans la société française ainsi qu'il l'allègue. Enfin, s'il soutient également que toute sa famille réside en France, il ne produit toujours aucune pièce de nature à l'établir, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de la Somme ait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C.... Par suite, les moyens invoqués doivent être écartés.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Tout d'abord, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait et doit, par suite, être écarté.

6. Ensuite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

7. Enfin, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". Si M. C... soutient que c'est à tort que le premier juge a relevé qu'il n'avait pas sollicité le réexamen de sa demande d'asile, il ressort pourtant des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1, que ce n'est que postérieurement à l'arrêté attaqué, le 20 décembre 2018, que sa demande de réexamen a été enregistrée, de sorte que le réexamen de cette demande n'était pas pendant à la date de l'arrêté contesté, ainsi que l'a relevé le premier juge, nonobstant la circonstance que, par une lettre du 15 novembre 2018, la responsable du guichet unique de la préfecture de la Somme a informé l'intéressé de la procédure à suivre pour former une demande de réexamen au titre de l'asile et lui a fixé un rendez-vous à cette fin pour le 18 décembre 2018. En tout état de cause, il ressort aussi des pièces du dossier que, par une décision de l'OFPRA du 24 décembre 2018, cette demande de réexamen a été déclarée irrecevable, et que M. C... ne démontre ni même n'allègue avoir formé un recours contre cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

Sur la décision fixant un délai de départ volontaire à trente jours :

9. En premier lieu, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait été empêché de faire valoir les éléments de sa situation personnelle, tirés notamment de son inscription au lycée professionnel de l'Acheuleen à Amiens pour l'année 2018-2019, dont le certificat de scolarité qu'il produit est au demeurant postérieur à la date de l'arrêté attaqué, justifiant que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.

10. En deuxième lieu, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Ainsi qu'il a été précisé au point 9, l'intéressé ne s'est pas prévalu d'éléments de sa situation personnelle justifiant que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme ait méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à trente jours, qui est le délai normalement applicable ainsi qu'il a été dit, le délai de départ volontaire imparti à l'intéressé pour exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être rejetées.

Sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

13. M. C... fait à nouveau valoir en cause d'appel qu'il craint pour sa vie, sa liberté et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, les éléments produits par M. C..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée tant par l'OFPRA, y compris dans le cadre de sa demande de réexamen, que par la CNDA, ainsi qu'il a été dit au point 1, ne sont pas de nature à établir la réalité et l'actualité des risques auxquels il prétend être exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- M. Hervé Cassara, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : H. CASSARA

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

N°19DA00558 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00558
Date de la décision : 08/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-08;19da00558 ?
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