Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité du refus opposé le 31 mai 2013 à sa demande de prolongation de son congé de maternité, à savoir une perte de traitement, à charge pour l'administration de déterminer le montant de cette dette, une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, une somme de 1 794 euros au titre des frais d'avocat, enfin, la prise en compte de son premier enfant né sans vie au titre de ses droits à la retraite.
Par un jugement n° 1500752 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 25 avril 2019, Mme D... E..., représentée par Me F... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat, d'une part, à compenser la perte de traitement consécutif au fait qu'elle n'a pas pu bénéficier de l'allongement de son dernier congé maternité à la date prévue en réservant expressément à l'administration la charge de déterminer le montant de cette dette, d'autre part, à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi, enfin, au remboursement de la totalité des factures émises par son avocat à hauteur de 1 794 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me F... C..., représentant Mme D... E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., professeure certifiée affectée dans l'académie de Rouen, a demandé à bénéficier d'un allongement de son congé maternité au titre de sa troisième grossesse. Par une décision du 31 mai 2013, le directeur des relations et ressources humaines du rectorat de l'académie de Rouen a refusé de faire droit à cette demande. A la suite du recours gracieux formé par l'intéressée le 18 juin 2013, l'allongement de congé maternité sollicité lui a été accordé par une nouvelle décision du 23 septembre 2013. Mme E... relève appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision initiale du 31 mai 2013.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient Mme E..., il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Rouen, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés par les parties, ait omis de répondre aux moyens qu'elle avait utilement soulevés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article 79-1 du code civil : " Lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. / A défaut du certificat médical prévu à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. L'acte dressé ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l'effet de statuer sur la question. ". Il résulte de ces dispositions que l'établissement d'un acte d'enfant sans vie par l'officier d'état civil ne préjuge pas de la viabilité ou de l'absence de viabilité de cet enfant.
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale : " Pendant une période qui débute six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix semaines après celui-ci, l'assurée reçoit une indemnité journalière de repos à condition de cesser tout travail salarié durant la période d'indemnisation et au moins pendant huit semaines. ", et aux termes de l'article L. 331-4 du même code : " La période d'indemnisation prévue au premier alinéa de l'article L. 331-3 est portée à huit semaines avant la date présumée de l'accouchement et à dix-huit semaines après celui-ci, lorsque l'assurée elle-même ou le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants dans les conditions prévues aux premier et quatrième alinéas de l'article L. 521-2, ou lorsque l'assurée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables. La période d'indemnisation antérieure à la date présumée de l'accouchement peut être augmentée d'une durée maximale de deux semaines ; la période d'indemnisation postérieure à l'accouchement est alors réduite d'autant. / Quand la naissance a lieu avant la date présumée de l'accouchement, la période d'indemnisation de vingt-six semaines n'est pas réduite de ce fait ". Il résulte de ces dispositions que la viabilité des enfants nés antérieurement à la maternité en cause est l'un des critères retenus pour que l'allongement de la période d'indemnisation de l'assurance maternité soit accordé.
5. Il résulte de l'instruction qu'un acte d'enfant sans vie, dressé par l'officier d'état civil le 21 octobre 2010, mentionne que Mme E... a accouché d'un enfant sans vie, le 20 octobre 2010. En refusant, par sa décision du 31 mai 2013, la demande formée par Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 331-4 du code de la sécurité sociale au motif que " le premier enfant de Mme E... n'étant pas né viable mais sans vie, la loi ne permet pas de lui appliquer l'allongement du congé de maternité ", déduisant ainsi de l'acte d'enfant sans vie du 21 octobre 2010 qui lui avait été transmis par la requérante que cet enfant n'était pas né viable, alors que cet acte ne préjugeait pas de la viabilité ou de l'absence de viabilité de cet enfant ainsi qu'il a été dit au point 3, le directeur des relations et ressources humaines du rectorat de l'académie de Rouen a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'illégalité soulevés par Mme E..., cette dernière est fondée à soutenir que la décision du 31 mai 2013 est illégale, pour ce motif, et que cette illégalité est constitutive d'une faute.
6. Mme E... demande, tout d'abord, la réparation de la perte de traitement qu'elle estime avoir subie du fait de l'illégalité mentionnée au point 5. Elle soutient que le congé maternité qui lui a été accordé n'a débuté que le 14 juin 2013 au lieu de débuter comme initialement prévu le 31 mai 2013, et qu'il aurait même dû débuter le 17 mai 2013. Il résulte toutefois de l'instruction que par deux arrêtés du 4 octobre 2013, le recteur de l'académie de Rouen a régularisé sa situation à la suite de la décision du 23 septembre 2013 qui a fait droit à sa demande, en la plaçant en congé de maternité, avec plein traitement, du 31 mai 2013 au 1er décembre 2013 inclus, et en congé supplémentaire pour grossesse pathologique, également avec plein traitement, du 17 au 30 mai 2013 inclus. Par suite, ces arrêtés prévoyant l'attribution d'un plein traitement pour l'ensemble de la période considérée, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait effectivement subi la perte de traitement, qu'elle ne chiffre d'ailleurs pas, qu'elle allègue.
7. Mme E... demande, ensuite, la réparation d'un préjudice moral qu'elle estime avoir subi en s'appuyant sur deux arrêts de travail du mois de mai 2013, dont l'un fait état de contractions en position debout prolongée, et sur un certificat médical du 3 février 2014 par lequel son médecin généraliste se borne à certifier qu'elle présentait des symptômes dépressifs mi-décembre 2013 qui persistaient à la date à laquelle il a établi ce certificat. Toutefois, ces seules pièces, qui ne font au demeurant pas état de la cause des symptômes mentionnés apparus plusieurs mois après la date de la décision de refus illégale, ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre l'illégalité mentionnée au point 5 et le préjudice moral allégué, à le supposer même établi.
8. Enfin, Mme E... demande le remboursement des frais d'avocat qu'elle indique avoir engagés pour faire aboutir sa demande de manière gracieuse puis pour saisir la juridiction administrative aux fins de réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Toutefois, les deux factures qu'elle produit, au demeurant dépourvues de toute indication quant à leur auteur, sont adressées à M. B... A... et non à elle. Par suite, Mme E... ne démontre pas la réalité du préjudice personnel qu'elle invoque.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
N°17DA01335 4