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25/06/2019 | FRANCE | N°19DA00685

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (quater), 25 juin 2019, 19DA00685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a prononcé son transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1900055 du 15 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2019, M. A..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge

ment ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a prononcé son transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1900055 du 15 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2019, M. A..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative ou subsidiairement, de ces dernières dispositions.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant ivoirien né le 18 décembre 1981, s'est présenté en préfecture de la Seine-Maritime le 21 novembre 2018 pour y demander l'asile. La consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées en Italie, le 17 juin 2016, à l'occasion d'une précédente demande de protection internationale. Une demande de reprise en charge a été adressée le 29 novembre 2018 aux autorités italiennes, sur le fondement des dispositions du paragraphe 1 sous b de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Constatant leur accord implicite à la reprise en charge de M. A..., la préfète de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 17 décembre 2018, prononcé le transfert de l'intéressé vers l'Italie. M. A... fait appel du jugement du 15 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en annulation de cette décision.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 5 de l'article 5 et du paragraphe 3 de l'article 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et du paragraphe 4 de l'article 5 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :

2. En premier lieu, l'article 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride prévoit, en son paragraphe 1, que les Etats membres veillent à ce que les autorités chargées de l'exécution des obligations de ce règlement disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, en son paragraphe 3, que ces autorités reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du règlement. Ces dispositions sont relatives aux modalités de coopération entre les Etats et n'ont pas pour objet, ni pour effet, de créer au profit des demandeurs de protection internationale un droit dont ils seraient susceptibles de se prévaloir à l'encontre de l'administration. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 35 du règlement (UE) n° 604/2013 doit donc être écarté.

3. En second lieu, il résulte des paragraphes 2 et 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale que, lorsqu'une autorité distincte est désignée pour " traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 ", les " États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive ". L'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désigne le préfet de département et, à Paris, le préfet de police en tant qu'autorité compétente, en particulier, pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et prononcer une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 de ce code. Le même article prévoit la possibilité pour le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de l'asile de donner par arrêté conjoint compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements.

4. Si M. A... soutient qu'aucune disposition n'a été édictée pour assurer la transposition en droit interne des objectifs rappelés au point précédent de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, celles du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 prévoyant que l'entretien individuel dont bénéficie le demandeur d'asile afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable est " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ", sont, en tout état de cause, d'effet direct en droit interne. L'absence de règle spécifique précisant en droit français la notion de " personne qualifiée " au sens de ces dernières dispositions ne fait, par ailleurs, pas par elle-même obstacle à ce que les préfets de département territorialement compétents prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que les agents placés sous leur autorité et affectés à l'accueil des demandeurs d'asile présentent une qualification suffisante pour l'accomplissement de cette mission, en particulier en leur assurant une formation ou, à tout le moins, l'accès à une information suffisante comme le prévoit la directive.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'entretien du 21 novembre 2018 s'est déroulé dans le service d'accueil des demandeurs d'asile placé sous l'autorité de la préfète de la Seine-Maritime, compétente en vertu de l'arrêté du 20 octobre 2015 visé précédemment, pour les départements de la Seine-Maritime et de l'Eure. Il n'est pas sérieusement contesté que M. A... a bien été reçu lors de cet entretien par un agent de ce service. Celui-ci doit être regardé, en l'absence notamment de tout élément permettant de supposer un défaut de formation ou d'accès à une information suffisante, comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, des articles 3 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

7. L'Italie étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait à tort considéré que cette présomption était irréfragable. M. A... ne produit, en outre, que des documents généraux concernant les demandeurs d'asile en Italie, mais aucun élément propre à sa situation particulière, dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités italiennes dans des conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, en décidant de prononcer le transfert de M. A... vers l'Italie, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. En second lieu, l'article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit le droit de toute personne à son intégrité physique et mentale. En vertu des stipulations des articles 4 de cette Charte et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, son transfert vers cet Etat aurait pour effet de le soumettre personnellement à une situation qui mettrait en péril son intégrité physique ou psychique, ou l'exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants. En outre, dès lors que M. A..., n'apporte ni précision, ni justification sur les craintes éprouvées pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour en Côte d'Ivoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure serait entachée d'une violation par ricochet des stipulations mentionnées au point 8.

Sur les autres moyens :

10. En ce qui concerne les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et de ce que la préfète de la Seine-Maritime aurait insuffisamment examiné la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté figurant au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le requérant n'apporte en appel aucun élément de droit ou de fait de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le magistrat désigné sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-Maritime, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°19DA00685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA00685
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-25;19da00685 ?
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