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11/06/2019 | FRANCE | N°18DA01774,19DA00156

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (ter), 11 juin 2019, 18DA01774,19DA00156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme A... B...épouse D...C..., d'une part, et M. D... D...C..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler respectivement l'arrêté du 25 mai 2018, par lequel le préfet de la Somme a refusé de délivrer à Mme D... C...un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le même préfet a prononcé à l'encontre de

M. D... C...une obligation de quitter le territoire français dans un délai de tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme A... B...épouse D...C..., d'une part, et M. D... D...C..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler respectivement l'arrêté du 25 mai 2018, par lequel le préfet de la Somme a refusé de délivrer à Mme D... C...un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le même préfet a prononcé à l'encontre de M. D... C...une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801805 du 30 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 30 mai 2018, a enjoint au préfet de la Somme de délivrer à M. D... C...un certificat de résidence dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1801806 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de Mme D...C....

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête, enregistrée le 22 août 2018 sous le n° 18DA01774, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801805 du 30 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D... C....

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II/ Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019 sous le n° 19DA00156, Mme D...C..., représentée par Me F... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801806 du 28 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet de la Somme ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord conclu le 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18DA01774 et n° 19DA00156 concernent la situation de deux époux et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. D... C...et Mme D...C..., ressortissants algériens nés respectivement le 13 novembre 1980 et le 13 juin 1991, sont entrés en France en novembre 2015. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 30 décembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 3 octobre 2017. En novembre 2017, invoquant son état de santé, Mme D... C...a demandé la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Par un arrêté du 25 mai 2018, le préfet de la Somme a refusé d'accorder à Mme D... C...un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a imparti à cet effet un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet de la Somme, après avoir examiné la possibilité d'admettre M. D... C...au séjour au titre de la vie privée et familiale, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du même article, lui a imparti à cet effet un délai de trente jours et désigné le pays de renvoi.

3. Par la requête enregistrée sous le n° 18DA01774, le préfet de la Somme fait appel du jugement du 30 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 30 mai 2018.

4. Par la requête enregistrée sous le n° 19DA00156, Mme D... C...fait appel du jugement du 28 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 25 mai 2018.

Sur la requête de Mme D...C... :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

6. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence sollicité par Mme D... C...sur le fondement de ces stipulations, le préfet de la Somme s'est fondé, au vu de l'avis émis le 7 mai 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sur ce que le défaut de la prise en charge médicale nécessitée par l'état de santé de l'intéressée ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical établi le 18 novembre 2017 par le médecin psychiatre consulté par Mme D... C...et, dans la mesure où ils se rapportent à son état de santé à la date de l'arrêté contesté, des certificats des 5 juin et 1er septembre 2018, que l'intéressée souffre d'un " état anxio-dépressif important et persistant avec une humeur triste, de fortes angoisses et des insomnies, apparaissant en rapport aux résurgences d'un état de stress post-traumatique " provenant de maltraitances subies dans le cadre familial au cours de sa jeunesse et en raison desquelles elle a attenté à sa propre vie à deux reprises durant l'adolescence. Elle bénéficie d'un traitement médicamenteux et psychothérapeutique par ce médecin. Ces documents médicaux, qui précisent que l'interruption de cette prise en charge risque de provoquer une " décompensation majeure aux conséquences d'une exceptionnelle gravité ", contredisent les conclusions du collège de médecins sur le degré de gravité des conséquences pour Mme D... C...de l'absence d'un traitement adapté à sa pathologie. Dès lors, en se fondant sur ce seul motif pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par la requérante sur le fondement des stipulations précitées du paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet de la Somme a fait une inexacte application de ces stipulations.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen, que Mme D... C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet de la Somme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la situation de Mme D...C.... Il y a lieu d'adresser à la préfète de la Somme une injonction en ce sens et de lui impartir à cet effet un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur la requête du préfet de la Somme :

9. M. D... C...fait valoir qu'il vit en France depuis 2015 avec son épouse et leurs quatre enfants, nés respectivement en 2009, 2012, 2016 et 2018, les trois plus âgés étant scolarisés. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme D... C...souffre d'une pathologie mentale grave, en lien avec la situation familiale vécue durant sa jeunesse en Algérie, et bénéficie d'une prise en charge médicale en France. A la date de l'arrêté contesté, elle attendait son quatrième enfant et se trouvait particulièrement fragilisée en raison de son état de grossesse. En outre, M. D... C... fait preuve d'une volonté d'insertion en participant à des activités bénévoles et en justifiant de la possibilité d'exercer un emploi dans le secteur de la restauration, et le couple a tissé des liens amicaux en France. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'arrêté du 30 mai 2018 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de M. D... C....

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 30 mai 2018 obligeant M. D... C...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801806 du 28 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet de la Somme sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Somme de réexaminer la situation de Mme D... C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La requête n° 18DA01774 du préfet de la Somme est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Somme, à M. D... D...C...et à Mme A... B...épouse D...C....

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N°18DA01774,19DA00156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA01774,19DA00156
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES ; SCP FRISON ET ASSOCIES ; SCP FRISON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-11;18da01774.19da00156 ?
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