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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA00404

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (quater), 28 mai 2019, 17DA00404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à l'indemniser des préjudices résultant de l'hystérectomie totale qu'elle a subie dans cet établissement en 2007. Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut a demandé la condamnation de cet établissement au remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Val

enciennes à verser, d'une part, à Mme B... une somme de 23 000 euros en réparati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à l'indemniser des préjudices résultant de l'hystérectomie totale qu'elle a subie dans cet établissement en 2007. Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut a demandé la condamnation de cet établissement au remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Valenciennes à verser, d'une part, à Mme B... une somme de 23 000 euros en réparation de ses préjudices et, d'autre part, à la CPAM du Hainaut une somme de 30 532,40 euros en remboursement de ses débours, incluant notamment les arrérages de la pension d'invalidité versés à Mme B...jusqu'au 28 février 2013, ainsi que, sur présentation de justificatifs, les arrérages à échoir postérieurement à cette date.

Par un arrêt n° 13DA01567 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête présentée par le centre hospitalier de Valenciennes et l'appel incident de Mme B... contre ce jugement.

Par une décision n° 392882 du 8 février 2017, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le centre hospitalier de Valenciennes, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'il statuait sur la réparation des pertes de revenu et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité de Mme B... et sur les droits de la CPAM du Hainaut au remboursement des la pension d'invalidité versée à la victime, et a renvoyé l'affaire à la même cour dans la mesure de la cassation prononcée.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires, enregistrés après renvoi les 24 mai 2017, 11 janvier et 12 mars 2018, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par Me A...C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler le jugement du 17 juillet 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il l'a condamné à rembourser à la CPAM du Hainaut la pension d'invalidité servie à Mme B... depuis le 1er mai 2010, ainsi que les arrérages échus du 1er mars 2013 au 3 juin 2013, les arrérages échus postérieurement au 3 juin 2013 et ceux à échoir à compter du 13 juillet 2013.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 8 mars 1958, a subi une hystérectomie totale au centre hospitalier de Valenciennes, le 24 octobre 2007 à la suite de laquelle elle a présenté une incontinence urinaire provoquée par une fistule vésico-vaginale, suturée au cours d'une intervention réalisée le 12 janvier 2009. Le 22 juillet 2009, Mme B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes devant le tribunal administratif de Lille qui, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise, a estimé par un jugement du 17 juillet 2013 que, si l'apparition d'une fistule vésico-vaginale à l'issue de l'intervention du 24 octobre 2007 procédait de la réalisation d'un aléa thérapeutique, le retard de diagnostic de cette lésion était la conséquence de fautes imputables au centre hospitalier de Valenciennes et engageait son entière responsabilité. Le tribunal a ainsi condamné cet établissement à verser, d'une part, à Mme B... une somme de 23 000 euros en indemnisation de ses préjudices et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut une somme de 30 532,40 euros en remboursement de ses débours, incluant notamment, à hauteur de 14 054,93 euros, les arrérages de la pension d'invalidité versés à la victime jusqu'au 28 février 2013 ainsi que, sur présentation de justificatifs, les arrérages échus et à échoir postérieurement à cette date. Par une décision du 8 février 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 13DA01567 du 23 juin 2015 de cette cour, confirmant le jugement sur appel du centre hospitalier de Valenciennes et appel incident de Mme B..., en tant que l'arrêt statuait sur la réparation des pertes de revenu et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité de Mme B... et sur les droits de la CPAM du Hainaut au remboursement de la pension d'invalidité versée à la victime. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur la mise hors de cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) :

2. L'arrêt n° 13DA01567 du 23 juin 2015, qui a prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM, est devenu définitif sur ce point. Il n'y a dès lors plus lieu pour la cour de se prononcer à nouveau sur les conclusions à cette fin présentées par l'Office et dont elle ne peut être regardée comme à nouveau saisie, alors même que celui-ci a été invité à présenter ses observations après le renvoi partiel de l'affaire par le Conseil d'Etat.

Sur les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation des pertes de revenu et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité, et celles de la CPAM du Hainaut tendant au remboursement de la pension d'invalidité versée à la victime :

3. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi du recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

5. Pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il y a lieu de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par Mme B...en raison des fautes commises par le centre hospitalier de Valenciennes entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y avait lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension.

6. En premier lieu, Mme B...exerçait, selon les fiches de paie produites, la profession de veilleur de nuit à la maison de retraite d'Anzin, dans le cadre d'un contrat aidé à durée déterminée arrivant à son terme le 30 octobre 2008. Elle ne justifie pas d'une chance sérieuse d'être recrutée définitivement par cet employeur, dont elle aurait été privée en raison de son état de santé. Dans ces conditions, l'existence d'une perte de gains professionnels de la victime en lien avec la faute n'est pas établie postérieurement à cette date.

7. En second lieu, selon le rapport d'expertise déposé en première instance et non contredit sur ce point par des éléments plus récents, Mme B... est demeurée atteinte d'une incapacité définitive de porter des charges supérieures à cinq kilos, résultant de l'éventration en lien avec les interventions subies inutilement en juin et septembre 2008. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les activités professionnelles exercées par l'intéressée avant l'accident médical aient imposé le port de telles charges. Elle ne produit, par ailleurs, aucun élément suffisamment précis dont il résulterait qu'elle aurait été susceptible, en l'absence de cet accident, d'exercer une profession comportant une telle contrainte. Il s'ensuit que l'existence d'une incidence professionnelle de l'incapacité en lien avec la faute ne peut davantage être retenue.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Valenciennes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la CPAM du Hainaut la somme de 14 054,93 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre des arrérages échus jusqu'au 28 février 2013 de la pension d'invalidité servie à MmeB..., et à rembourser à la caisse primaire les arrérages de cette pension d'invalidité à compter du 1er mars 2013, assortis des intérêts au taux légal. Mme B... n'est, quant à elle, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions en indemnisation des préjudices correspondant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que les frais non compris dans les dépens exposés par Mme B... et par la CPAM du Hainaut soient mis à la charge du centre hospitalier de Valenciennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Valenciennes à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 14 054,93 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre des arrérages échus jusqu'au 28 février 2013 de la pension d'invalidité servie à MmeB..., et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie, les arrérages de cette pension d'invalidité à compter du 1er mars 2013, assortis des intérêts au taux légal.

Article 2 : La demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut présentée dans cette mesure devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013 du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté ses conclusions en indemnisation des pertes de revenu et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité et à ce que la cour condamne le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme totale de 290 282,18 euros au titre de ces deux postes de préjudice sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Valenciennes, à Mme D...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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N°17DA00404


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