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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA00250-17DA00251

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2019, 17DA00250-17DA00251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, concluant aux mêmes fins, M. E...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de mettre en cause d'office l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), conformément à l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, afin de procéder à l'indemnisation de ses préjudices, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de procéder à la mise en cause forcée de l'O

NIAM, dans le respect de la règle de la décision préalable, à titre infiniment ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, concluant aux mêmes fins, M. E...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de mettre en cause d'office l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), conformément à l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, afin de procéder à l'indemnisation de ses préjudices, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de procéder à la mise en cause forcée de l'ONIAM, dans le respect de la règle de la décision préalable, à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens est responsable d'une perte de chance de 90 % de pouvoir rapporter la preuve des fautes de soins commises par le CHU, faute de communication de son dossier médical par cet établissement et de condamner le CHU d'Amiens à lui verser la somme totale de 1 142 102,39 euros en réparation de ses préjudices tant patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux.

Par un jugement conjoint n° 1301795-1400267 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes ainsi que les conclusions de la caisse du régime social des indépendants et mis les dépens de l'instance s'élevant à 3 100 euros à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17DA00250, le 7 février 2017 et le 20 avril 2018, M.C..., représenté par Me B...F..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de mettre en cause d'office l'ONIAM afin de procéder à l'indemnisation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de procéder à la mise en cause forcée de l'ONIAM, dans le respect de la règle de la décision préalable ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner le CHU d'Amiens, responsable d'une perte de chance de 90 % liée aux fautes de soins à l'origine de sa cécité, à lui verser la somme totale de 1 203 556,86 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant le centre hospitalier universitaire d'Amiens.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., alors âgé de cinquante ans, exerçant la profession de plombier chauffagiste, a été victime d'une explosion de gaz au domicile d'une cliente le 29 juillet 2005 à la suite de laquelle il a été brûlé à 70 % au deuxième degré au visage, au cou, au cuir chevelu, au tronc, à la face antérieure des cuisses et aux membres supérieurs dont les mains. Il a été admis au service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens où il a été pris en charge de 20 heures à 23 heures 30 avant d'être transféré au centre des grands brûlés de Bruxelles vers 1 heure 30 du matin, en l'absence de place disponible dans un service des grands brûlés en France. Placé en coma artificiel pendant un mois et demi en raison de l'ampleur de ses brûlures, il a été constaté à son réveil qu'il était atteint d'une cécité bilatérale totale. M. C...a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens et a saisi, le 15 juillet 2008, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI), qui, après avoir prescrit une expertise le 7 septembre 2009, a rejeté sa demande, par un avis du 2 juin 2010 lequel indiquait que le cas échéant, la responsabilité de l'Etat pouvait être recherchée pour défaut d'organisation du service public de santé à raison de la pénurie de capacité d'accueil dans les services prenant en charge les grands brûlés. Par un jugement du 13 mai 2015, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre l'Etat et ordonné une expertise avant dire droit aux fins de se prononcer sur la responsabilité du CHU d'Amiens dans la survenance des préjudices de M.C.... A la suite du dépôt du rapport d'expertise, M. C...a demandé la mise en cause de l'ONIAM en vue d'être indemnisé de ses préjudices au titre de la solidarité nationale. Il relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

2. Les requêtes n° 17DA00250 et n° 17DA00251 présentées par M. C...présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel principal :

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. M. C...soutient qu'il y a une forte présomption que la neuropathie optique ischémique dont il a été atteint soit la conséquence d'un retard en apport hydrique lié à un défaut de " remplissage " pendant les premières heures de prise en charge par le CHU d'Amiens. Il résulte cependant de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par le tribunal que la conduite de la réanimation par le centre hospitalier universitaire d'Amiens a été conforme aux données de la science et satisfaisante au regard des paramètres biologiques relevés lors de l'admission de M. C...au centre des grands brûlés de Bruxelles, en particulier en ce qui concerne le taux de lactates et celui de l'hémoglobine. Il n'a été relevé aucun manquement aux bonnes pratiques médicales et les délais d'évacuation et d'arrivée au centre des grands brûlés de Bruxelles n'ont pas porté préjudice à l'état de santé de M. C...qui est resté stable pendant le transport. Si un retard d'apport volémique de neuf litres de liquide a été constaté par le centre des grands brûlés de Bruxelles, il ressort de l'expertise que les règles de " remplissage " ne sont pas les mêmes en Belgique et en France et que cette différence de pratique peut expliquer ce constat. En outre, les experts relèvent qu'au regard des données de la littérature, l'hypovolémie évoquée par les médecins belges n'apparaît pas comme facteur de cécité. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et en l'absence de tout autre élément médical de nature à infirmer ces conclusions expertales, qu'il n'y a eu aucune faute commise dans la prise en charge médicale de M.C..., ni dans l'organisation du service à l'origine d'une perte de chance d'éviter le dommage qu'il a subi par la suite à raison de la survenue d'une cécité bilatérale. Si M. C... soutient que la perte de son dossier médical par le CHU d'Amiens constitue une faute dans l'organisation du service, il résulte de l'instruction que celle-ci n'a pas eu de conséquences sur sa prise en charge par le centre des grands brûlés de Bruxelles et que sa prise en charge par le CHU d'Amiens a pu être évaluée par les experts à partir des données relevées lors de son admission dans ce centre. Par suite, le centre hospitalier universitaire d'Amiens n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale à raison d'un accident médical :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...). II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ".

6. M. C...soutient que la cécité dont il est atteint est consécutive à un acte de soins et correspond à un aléa thérapeutique dont les conséquences sont anormales au regard de l'absence de son état antérieur et de l'évolution prévisible de ses lésions initiales. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les causes de la cécité de M. C...peuvent être multiples, voire multifactorielles, et que la survenue d'une neuropathie optique ischémique bilatérale apparaît au décours de l'évolution de brûlures graves qui perturbent la micro-vascularisation et entraînent des désordres biologiques divers. Ainsi, la cécité bilatérale dont M. C...demeure atteint, dont les causes ne peuvent être formellement identifiées, sont liées à son état pathologique d'une extrême gravité consécutif aux brûlures dont il souffrait. Par suite, il n'est pas établi que cette cécité soit directement imputable à un acte de soins. En conséquence, les conditions de mise en oeuvre d'une réparation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Sur l'appel incident du centre hospitalier universitaire d'Amiens :

7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

8. Si M. C...est la partie perdante dans la présente affaire, il résulte cependant de l'instruction que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Amiens a été rendue nécessaire afin de déterminer les conditions dans lesquelles l'appelant a été pris en charge par le centre hospitalier universitaire d'Amiens et les mesures thérapeutiques mises en oeuvre par cet établissement en raison, notamment de la perte du dossier médical de l'intéressé. Compte tenu de ces circonstances particulières, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge définitive du CHU d'Amiens les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 3 100 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes. Les conclusions incidentes du centre hospitalier universitaire d'Amiens sont rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...le versement au centre hospitalier universitaire d'Amiens d'une somme au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C...sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par le centre hospitalier universitaire d'Amiens et celles présentées par cet établissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., au centre hospitalier universitaire d'Amiens, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants du Nord-Pas-de-Calais.

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N°17DA00250,17DA00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00250-17DA00251
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SYLVIE VERNASSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-28;17da00250.17da00251 ?
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