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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA00155

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2019, 17DA00155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner solidairement le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 60 143,85 euros en remboursement de l'indemnisation versée à Mme C...et, d'autre part, de condamner solidairement le CHRU de Lille et la SHAM

à lui verser les sommes de 700 euros au titre des frais d'expertise et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner solidairement le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 60 143,85 euros en remboursement de l'indemnisation versée à Mme C...et, d'autre part, de condamner solidairement le CHRU de Lille et la SHAM à lui verser les sommes de 700 euros au titre des frais d'expertise et de 9 021,57 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2014 et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement n° 1409486 du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2017, l'ONIAM, représenté par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement le CHRU de Lille et son assureur, la SHAM, à lui verser d'une part, la somme de 60 143,85 euros en remboursement de l'indemnisation versée à Mme C... et, d'autre part, les sommes de 700 euros au titre des frais d'expertise et de 9 021,57 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2014, date de réception de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHRU de Lille et de son assureur, la SHAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...souffrant de troubles du canal carpien, a été admise le 24 juillet 2009 au centre hospitalier régional universitaire de Lille pour y subir une cure du canal carpien gauche afin de libérer le nerf médian. A la suite de la survenue de complications post-opératoires, une reprise chirurgicale a été réalisée le 7 août 2009, qui a mis en évidence une plaie partielle du nerf médian de l'ordre de 40 %. Malgré la réalisation d'un transfert tendineux le 23 octobre 2010, Mme C...demeure atteinte de troubles sensitifs majeurs sur le pouce et l'index. L'intéressée a saisi, le 2 novembre 2011, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI), qui, après avoir prescrit une expertise le 21 décembre 2011, a estimé, par un avis du 16 mai 2012, que le dommage était imputable à une faute médicale et qu'il revenait en conséquence au CHRU de Lille d'indemniser l'intéressée. L'assureur de ce centre hospitalier ayant refusé de faire une proposition d'indemnisation, l'ONIAM, qui s'est substitué à celui-ci à la demande de MmeC..., a conclu le 18 novembre 2013 avec l'intéressée un protocole d'indemnisation transactionnelle pour un montant total de 60 143,85 euros. L'ONIAM, subrogé, à l'issue de cette transaction, dans les droits de la victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, relève appel du jugement du 30 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant d'une part, à la condamnation solidaire du CHRU de Lille et de son assureur, la SHAM, à lui verser la somme de 60 143,85 euros en remboursement de l'indemnisation versée à Mme C...et, d'autre part, à la condamnation solidaire du CHRU de Lille et de la SHAM à lui verser les sommes de 700 euros au titre des frais d'expertise et de 9 021,57 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2014 et capitalisation de ceux-ci.

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille :

2. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que les conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont réparées par le professionnel ou l'établissement de santé dont la responsabilité est engagée. Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 de ce code organisent une procédure de règlement amiable confiée aux CRCI. En vertu de l'article L. 1142-14, si la CRCI estime que la responsabilité de l'établissement de santé est engagée, l'assureur qui garantit la responsabilité civile de celui-ci adresse aux intéressés une offre d'indemnisation. L'article L. 1142-15 prévoit que si l'assureur refuse de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur. L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou son assureur. Il peut en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise et la condamnation de l'assureur à lui verser une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité accordée. La transaction avec la victime est opposable à l'assureur qui peut contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis.

3. Saisie d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, il appartient à la juridiction administrative de déterminer si la responsabilité de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.

4. En premier lieu, Mme C...a subi le 24 juillet 2009 une intervention visant à la libération chirurgicale du nerf médian au niveau du canal carpien gauche par la section du ligament annulaire du carpe selon la technique de la mini incision dite " mini abord " qui limite l'incision sous-cutanée et induit qu'une partie de l'acte se fasse sans vision directe. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI, que lors de la réalisation de ce geste dans la partie se faisant avec une vision limitée, l'opérateur a sectionné une partie du nerf médian. Les séquelles dont demeure atteinte MmeC..., soit une perte de la sensibilité du pouce et de l'index et de la fonction motrice du pouce sont en rapport direct et certain avec cette lésion nerveuse. Selon l'expert, l'utilisation de cette technique n'est pas inappropriée et il n'existe pas de données dans la littérature médicale faisant état de lésions plus fréquentes par l'utilisation de cette technique chirurgicale par rapport à la chirurgie conventionnelle ou endoscopique, celles-ci étant de l'ordre de 0,2 et 0,3 %. L'expert souligne qu'aucun élément ne laisse penser que la réalisation technique de l'acte chirurgical n'aurait pas été conforme aux règles de l'art, ni que l'intervention se serait déroulée dans des conditions non acceptables. Par suite, et malgré le caractère stéréotypé du compte-rendu opératoire de l'intervention en cause qui reprend de manière identique le compte-rendu de l'intervention réalisée en 2006 lors d'une précédente opération de Mme C...du canal carpien droit, il résulte de l'instruction que cette dernière a été victime d'un aléa thérapeutique inhérent à la mise en oeuvre de la technique chirurgicale retenue sans qu'aucune maladresse fautive ne puisse être retenue à l'encontre du praticien et sans que le choix de cette technique soit contre-indiqué par rapport à la pathologie de la patiente. Par suite, le centre hospitalier régional universitaire de Lille n'a commis aucune faute dans la prise en charge médicale de Mme C...de nature à engager sa responsabilité.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que, malgré des douleurs persistantes à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 24 juillet 2009, Mme C...n'a pas pu, malgré sa demande réitérée, être reçue en consultation au CHRU de Lille avant le 6 août 2009, à l'issue de laquelle une reprise chirurgicale a été décidée et pratiquée le 7 août. Ce retard dans la prise en charge post-opératoire de la patiente constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHRU de Lille. Cependant, il ressort du rapport d'expertise que le délai qui s'est écoulé entre le 24 juillet et le 6 août 2009 n'a pas modifié le potentiel de récupération nerveuse de Mme C... et la qualité de la repousse nerveuse. Il résulte de ces éléments que ce manquement dans la prise en charge post-opératoire de Mme C...n'est pas à l'origine d'une perte de chance d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional universitaire de Lille ne peut être engagée. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai n'est pas fondée à demander le remboursement de ses débours, ni le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Lille et son assureur, la SHAM, qui ne sont pas les parties perdantes, versent à l'ONIAM une somme au titre de ces dispositions. Ces mêmes dispositions font également obstacle à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Lille verse à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à la société hospitalière des assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.

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N°17DA00155


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