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14/05/2019 | FRANCE | N°17DA00208

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 14 mai 2019, 17DA00208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI " Les 3 M " et M. et Mme E...H...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2012 par lequel le maire de Canteleu leur a interdit l'accès à une zone de sept mètres de large au pied de la falaise au droit de laquelle est implantée leur propriété ainsi que l'accès à la cavité dont est percée cette falaise, et la décision du 2 mars 2012 par laquelle le maire de Canteleu a rejeté leur demande tendant à la réalisation de travaux de confortement de cette falaise

, d'enjoindre au maire de Canteleu de réexaminer leur demande et de prescrire l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI " Les 3 M " et M. et Mme E...H...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2012 par lequel le maire de Canteleu leur a interdit l'accès à une zone de sept mètres de large au pied de la falaise au droit de laquelle est implantée leur propriété ainsi que l'accès à la cavité dont est percée cette falaise, et la décision du 2 mars 2012 par laquelle le maire de Canteleu a rejeté leur demande tendant à la réalisation de travaux de confortement de cette falaise, d'enjoindre au maire de Canteleu de réexaminer leur demande et de prescrire la mise en oeuvre, par la commune et à ses frais, des mesures de sûreté préconisées par le rapport établi par le Centre d'études techniques de l'équipement Normandie Centre (CETE) en novembre 2010, de condamner la commune de Canteleu à leur verser la somme de 275 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur réclamation préalable, en réparation des dommages résultant de l'exposition de leur maison à un risque d'éboulement d'une falaise.

Par un jugement n° 1201342, 1201880, 1202081 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 12 janvier 2012, ensemble la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté en tant que le maire de Canteleu n'a pas prescrit des travaux de protection de la falaise au droit de laquelle sont implantés les bâtiments de la propriété des 54 et 56 du quai Gustave Flaubert, et la décision du 2 mars 2012 par laquelle le maire de Canteleu a rejeté la demande tendant à la réalisation de travaux d'intérêt collectif de confortement de la falaise, a enjoint au maire de Canteleu, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de procéder à un nouvel examen des notes d'études techniques et rapports d'expertise portant sur l'état de dangerosité de la falaise au droit de laquelle sont implantés les bâtiments de la propriété des 54 et 56 du quai Gustave Flaubert et, au vu de la situation actuelle des lieux, de prendre un nouvel arrêté complétant les mesures édictées par celui du 12 janvier 2012 par les travaux de protection nécessaires, a laissé les frais d'honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 10 647,15 euros, à la charge de la commune de Canteleu, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er février 2017, les 10 juillet, 30 août et 21 décembre 2018 et le 11 avril 2019, M. et Mme H...et la SCI " les 3 M ", représentés par Me F...G..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner la commune à leur verser la somme de 260 000 euros à parfaire avec intérêt à taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable, en indemnisation de leurs préjudices ;

3°) de prononcer la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Canteleu la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me F...G..., représentant la SCI " Les 3 M " et M. et MmeH..., et de Me A...D..., substituant Me C...B..., représentant la commune de Canteleu.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Canteleu, a été enregistrée le 30 avril 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI " Les 3 M ", dont M. et Mme H...sont les associés, a fait l'acquisition, le 29 août 2006, d'une propriété localisée aux 54 et 56 du quai Gustave Flaubert sur le territoire de la commune de Canteleu, située en contrebas d'une falaise, et composée d'un manoir, d'un bâtiment annexe, et d'une maison de gardien. La SCI et les époux H...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2012 du maire de la commune interdisant l'accès aux cavités perçant le pied de la falaise, et à leur terrain sur une bande de sept mètres à partir de cette falaise, et d'annuler la décision du 2 mars 2012 par laquelle la commune a refusé de prendre en charge les travaux de confortement de la falaise, et de condamner la commune à leur verser la somme de 275 000 euros en indemnisation de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement du 8 décembre 2016 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. Le tribunal administratif de Rouen a visé le code général des collectivités territoriales, le code général des impôts, et le code de justice administrative, et a cité, au point 4, l'article L. 2212-4 et le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dispositions dont il a fait application. Le tribunal administratif de Rouen a, ce faisant, satisfait aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative cité au point précédent.

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué, qui a répondu à l'ensemble des moyens développés par les requérants dans leur demande, et qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de ces moyens, a statué sur l'ensemble des conclusions présentées, et n'est entaché d'aucune omission à statuer.

5. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement qu'ils contestent serait irrégulier.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune en appel :

6. Par une délibération du 15 avril 2014, versée aux débats, le conseil municipal de Canteleu a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, donné délégation au maire pour la durée de son mandat aux fins notamment d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre les intérêts de la commune dans les actions en justice intentées contre elle, tant en première instance, qu'en appel devant les juridictions de toute nature. Par suite, le maire a qualité pour défendre en justice au nom de la commune, dans l'instance d'appel. Par suite, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les mémoires en défense présentées par la commune.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune pour la délivrance d'informations d'urbanisme erronées :

7. Si la délivrance par le maire d'une commune, d'une note de renseignements d'urbanisme incomplète quant aux risques auxquels est exposée une parcelle, est susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, cette responsabilité ne peut entraîner la réparation du dommage allégué si ce dernier est sans lien direct avec cette faute. A la demande du notaire chargé de la vente, la commune de Canteleu a rédigé, le 26 juin 2006, une note de renseignement d'urbanisme concernant la propriété dont les requérants se portaient acquéreurs. Cette note de renseignement ne contenait aucune information relative à l'état de la falaise bordant la propriété concernée ou aux risques d'éboulement, alors qu'il résulte de l'instruction que la commune avait connaissance de ces risques, depuis, au moins, le mois de septembre 1999, date d'un rapport d'expertise judiciaire qui précisait, s'agissant de la propriété située aux 54 et 56 du quai Flaubert, que " des blocs instables tombent fréquemment sur la voie d'accès arrière " et que d'autres risquaient de se détacher au-dessus des portes d'entrées des grottes et qu'il fallait prévoir la purge des blocs et la " mise en place de barrières grillagées pour interdire l'approche de la falaise et stopper les petits éboulements ". Un bloc rocheux s'était, en outre, effondré sur une parcelle située à proximité de la propriété, au début du mois de février 2006, soit quelques mois avant la rédaction de cette note. Dans ces conditions, l'omission, dans la note de renseignement, des informations relatives au risque d'éboulement rocheux constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

8. M. et Mme H...soutiennent que cette faute les a empêchés de prendre connaissance de l'existence et de la gravité du risque d'éboulement de la falaise préalablement à l'acquisition de la propriété. L'existence de la falaise ne pouvait, toutefois, être ignorée par les requérants au moment de l'achat de la propriété, celle-ci restant, contrairement à ce que soutiennent les requérants, parfaitement visible malgré la présence épisodique de végétaux sur ses pans. Les requérants résidant, avant l'achat, à Fécamp, commune également concernée par les éboulements de falaise, ne peuvent sérieusement soutenir avoir découvert, au moment de l'acquisition de leur propriété, les risques d'éboulement inhérents à l'existence d'une falaise calcaire en bordure de leur propriété, même si cette seule circonstance ne leur permettait pas de mesurer l'ampleur des risques propres à la falaise située en bordure de leur terrain. Il résulte néanmoins de l'instruction que le premier compromis de vente rédigé par l'agence immobilière chargée de la transaction, mentionnait qu'" une partie du terrain est dans une zone de risque de chute de blocs avec nécessité de purge des blocs instables et barrières grillagères à installer ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette mention était suffisamment précise pour leur permettre de prendre connaissance de l'existence du risque d'éboulement et de la nécessité de prendre des mesures. Par ailleurs, M. et Mme H...ne peuvent sérieusement soutenir que le plan de zones de protection des falaises n'a pas été effectivement annexé aux compromis, ni à l'acte final alors qu'il leur appartenait, avant de signer l'acte authentique d'achat de leur propriété, de s'assurer qu'ils avaient pris connaissance de l'ensemble des documents qui devaient y être annexés. Il résulte également de l'instruction que le centre d'études techniques de l'équipement (CETE) a émis, le 27 avril 2006, soit plusieurs mois avant la signature de l'acte authentique de vente, un devis relatif à la réalisation d'un diagnostic de stabilité de la falaise située au n° 56 du quai Gustave Flaubert à Canteleu. Les époux H...ne peuvent sérieusement soutenir ne pas avoir sollicité le CETE alors que le devis mentionne que " M. E... H...a sollicité " son laboratoire régional des ponts et chaussées de Rouen " sur les conseils de la mairie de Canteleu ", et qu'il " souhaite acquérir très prochainement ce bien et savoir, avant l'engagement définitif, si cette propriété est potentiellement menacée par des instabilités de grande ampleur ". Ils ne contestent en tout état de cause pas avoir reçu ce devis, ni en avoir pris connaissance. Il résulte, par suite, de l'instruction que les requérants avaient connaissance d'un risque d'éboulement de la falaise au plus tard deux mois avant la rédaction de la note de renseignement d'urbanisme du 26 juin 2006, et avaient la possibilité d'en connaître l'ampleur. L'imprudence dont ils ont fait preuve en ne faisant pas réaliser le diagnostic par le CETE et en ne s'assurant pas qu'ils avaient été mis en mesure de prendre connaissance des documents annoncés comme annexes à l'acte authentique, est de nature à exonérer entièrement la commune de la faute commise en omettant de signaler le risque d'éboulement dans la note de renseignement d'urbanisme. M. et Mme H...et la SCI " Les 3 M " ne sont donc pas fondés à demander l'indemnisation de leur préjudice d'agrément et des préjudices liés à la perte de chance de ne pas acheter leur propriété, et de ne pas y réaliser les travaux de rénovation intérieurs, qui trouvent leur origine dans leur imprudence.

9. S'agissant de la lettre de non-opposition à déclaration préalable de travaux rédigée par la commune en 2007, il résulte de l'instruction que, compte tenu de la nature des travaux déclarés, la commune n'avait pas, dans ce document, à mentionner les risques d'éboulement de la falaise. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'omission de cette mention constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune au titre de la carence fautive dans l'exercice des pouvoirs de police du maire :

S'agissant de la faute commise par la commune :

10. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour but d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser (...) les éboulements de terre ou de rochers (...) ". L'article L. 2212-4 du même code dispose que : " En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) ". La responsabilité de la commune peut être engagée pour la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, les risques d'éboulement de la falaise en contrebas de laquelle est située la propriété des requérants sont connus depuis au moins l'année 1999. Le maire de la commune de Canteleu a, le 9 février 2006, mis en demeure le propriétaire du fond supérieur et de la falaise, auquel les travaux incombaient, de procéder à une purge des blocs instables, et à la mise en place de mesures d'interdiction de passage à proximité de la falaise. A la suite des diagnostics, réalisés par le centre d'études techniques de l'équipement en 2006 et 2010, le maire de la commune a, le 5 janvier 2011, mis en demeure le propriétaire de la falaise de purger certains compartiments, de procéder au débroussaillage, et de faire poser une couverture grillagée sur le pan de falaise, mise en demeure renouvelée le 22 juin 2011. La commune a informé, en août 2011, les services préfectoraux des difficultés rencontrées, et le préfet de la Seine-Maritime a, par courrier du 12 décembre 2011, rappelé au maire qu'il pouvait faire usage de ses pouvoirs de police afin de sécuriser le pied de la falaise, et de prescrire l'exécution des mesures de sureté, et que la charge des mesures de sureté revenait à la commune, qui devrait, " dans un premier temps ", en assumer la charge financière. Par arrêté du 12 janvier 2012, le maire de la commune de Canteleu a interdit l'accès aux cavités dont la falaise est percée et à la portion de la propriété des requérants située dans une zone de sept mètres à compter du pied de la falaise jusqu'à la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour mettre fin aux risques. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé cet arrêté en tant qu'il ne prescrivait pas les travaux de protection nécessaires. A la suite de ce jugement, le maire de la commune a, par arrêtés des 15 mai 2017 et 7 février 2018, enjoint au propriétaire de la falaise d'effectuer les travaux nécessaires, puis a finalement procédé, par elle-même, aux travaux, qui se sont achevés le 23 février 2019. Il en résulte que la commune s'est abstenue d'agir entre le 12 janvier 2012 et le 15 mai 2017, soit durant une période de cinq ans durant laquelle les époux H... ont continué à solliciter les services municipaux, leur demandant notamment de procéder d'office aux travaux nécessaires et ont subi des désordres. La seule circonstance que l'expertise judiciaire, sollicitée par la commune en 2012, ait duré trois années, ne suffit pas à établir que cette durée, anormalement longue, durant laquelle elle s'est abstenue d'agir, était justifiée par des circonstances particulières. Cette carence et cette inertie dans l'exercice de ses pouvoirs de police par le maire de la commune de Canteleu constituent une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des époux H...et de la SCI " Les 3 M ".

S'agissant des préjudices :

12. Les requérants se prévalent, en premier lieu, d'un préjudice professionnel lié notamment à l'impossibilité de louer le bâtiment annexe. Ils n'établissent toutefois ni la réalité de ce préjudice, ni l'existence d'un lien de causalité direct avec la carence de la commune. Il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à la demande des requérants au titre de ce poste de préjudice.

13. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 11, il résulte de l'instruction que la commune de Canteleu a réalisé les travaux de dévégétalisation et de confortement de la falaise. Il n'est pas établi que les requérants, qui, n'étant pas propriétaires de la falaise, n'ont pas la charge financière de son entretien, devraient faire réaliser, à leurs frais, des travaux supplémentaires. Ils ne sont donc pas fondés à solliciter une indemnisation à ce titre.

14. Il résulte, en troisième lieu, de l'instruction que les requérants essaient, vainement, de vendre leur propriété depuis 2010. Si ces difficultés trouvent en partie leur origine dans l'interdiction d'accès à la partie de leur terrain située dans une zone de sept mètres à partir du pied de la falaise, et, dès lors, dans l'inertie de la commune à prescrire ou à exécuter d'office les travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'accès, elles sont également liées à l'existence même de la falaise, et au comportement de son propriétaire. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice de la SCI " les 3 M " lié à la perte de chance de vendre sa propriété en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.

15. Les requérants sollicitent, en quatrième lieu, l'indemnisation de la perte de valeur vénale de leur propriété. Il résulte toutefois de l'instruction que la valeur vénale de leur maison est, en dépit des risques d'éboulement, estimée à un montant supérieur à celui résultant de la somme du prix d'achat et du montant des travaux de rénovation qu'ils ont effectués. Dans ces conditions, et compte tenu de la réalisation, par la commune, des travaux de confortement de la falaise qui se sont achevés en février 2019, ils n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité entre la perte de valeur vénale alléguée et la carence fautive de la commune.

16. M. et Mme H...établissent l'impossibilité, pour eux, de jouir pleinement de leur propriété en raison de l'interdiction d'accès à une partie de leur terrain, qui perdure depuis l'année 2012. Il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence en leur allouant à ce titre une somme de 10 000 euros.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le montant des préjudices subis par la SCI " Les 3 M " et M. et MmeH..., et que la commune de Canteleu doit être condamnée à leur verser, s'élève aux sommes respectives de 10 000 euros et 10 000 euros.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H...et la SCI " Les 3 M " sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

19. Considérant que la SCI " Les 3 M " et les épouxH..., dont la demande préalable d'indemnisation a été reçue le 20 février 2012, ont droit aux intérêts au taux légal sur les indemnités qui leur sont allouées par le présent arrêt à compter de cette date. Il y a lieu également de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 20 février 2013, date à laquelle était due une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.

Sur la subrogation :

20. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il détermine le montant et la forme des indemnités qu'il alloue, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour que sa décision n'ait pas pour effet de procurer à la victime d'un dommage, par les indemnités qu'elle a pu ou pourrait obtenir en raison des mêmes faits, une réparation supérieure au préjudice subi. Une procédure est en cours devant le tribunal de grande instance de Rouen, initiée par les époux H... et la SCI " Les 3 M " à l'encontre des notaires ayant rédigé l'acte authentique de vente, de l'ancien propriétaire de leur fond et du propriétaire de la falaise. Il y a lieu, en conséquence, de subordonner le paiement des sommes dues par la commune de Canteleu en exécution de la condamnation prononcée par le présent arrêt à la subrogation de la commune de Canteleu dans les droits des requérants à l'encontre du propriétaire de la falaise dans la limite de cette condamnation.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la SCI " Les 3 M " et des épouxH..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Canteleu le versement à la SCI " Les 3 M " et aux époux H...de la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Canteleu est condamnée à verser à la SCI " les 3 M " la somme 10 000 euros.

Article 2 : La commune de Canteleu est condamnée à verser à M. et Mme H...la somme de 10 000 euros.

Article 3 : Les sommes mentionnées aux articles 1 et 2 porteront intérêts au taux légal à compter du 20 février 2012. Les intérêts échus à la date du 20 février 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le bénéfice des condamnations prononcées aux articles 1 et 2 du présent arrêt est subordonné, à concurrence des montants de celles-ci, à la subrogation de la commune de Canteleu dans les droits de la SCI " les 3 M " et de M. et Mme H...à l'encontre du propriétaire de la falaise.

Article 5 : Le jugement n° 1201342, 1201880, 1202081 du 8 décembre 2016 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La commune de Canteleu versera à M. et Mme H...et à la SCI " Les 3 M " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...H..., à la SCI " Les 3 M " et à la commune de Canteleu.

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N°17DA00208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00208
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : EARTH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-14;17da00208 ?
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