Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 3 juin 2015 du directeur du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye prononçant son licenciement à titre disciplinaire et d'enjoindre au centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions.
Par un jugement n° 1501936 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2017 et le 19 février 2018, M. D..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 3 juin 2015 du directeur du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions ;
4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a été recruté par le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye à compter du 1er avril 2008, pour une période d'un an, en qualité de praticien hospitalier attaché associé, par un contrat du 20 mai 2008 qui a été renouvelé à compter du 1er avril 2010 pour une période de trois ans. Il relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2015 du directeur du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye prononçant son licenciement à titre disciplinaire et à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions.
Sur la légalité externe :
Sur le défaut de motivation :
2. Aux termes de l'article R. 6152-626 du code de la santé publique : " Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens attachés sont : / 5° Le licenciement. (...) Les décisions relatives à ces sanctions sont motivées (...) ".
3. La décision du 3 juin 2015 vise les textes dont elle fait application, notamment les articles R. 6152-632, R. 6152-626 et R. 6152-633 du code de la santé publique, la teneur de l'avis de la commission médicale d'établissement émis le 11 mai 2015 et l'ensemble des faits reprochés à M.D.... Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée au regard des dispositions précitées.
Sur les vices de procédure :
4. Il ressort des dispositions de l'article R. 6152-626 du code de la santé publique que les sanctions autres que l'avertissement et le blâme sont prononcées par le directeur de l'établissement après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, de la commission médicale d'établissement locale. L'avis du médecin inspecteur régional de santé publique n'est plus requis depuis le 1er octobre 2010, date d'entrée en vigueur du décret n° 2010-1137 du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé dont l'article 63 a modifié l'article R. 6152-626 du code de la santé publique. Si le contrat liant M. D...au centre hospitalier faisait mention de cette consultation, la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que le médecin inspecteur régional n'a pas été consulté préalablement à son licenciement.
5. Il ressort de l'examen du procès-verbal de la commission médicale de l'établissement du 11 mai 2015, chargée d'émettre un avis sur la proposition de la sanction du licenciement pour motif disciplinaire de l'intéressé, que le directeur de l'organisation médicale et de l'efficience du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye, chef du service des urgences, à l'origine de l'engagement de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M.D..., n'a pas participé à la délibération de celle-ci et n'a pas pris part au vote contrairement à ce que soutient le requérant. La circonstance que ce médecin ait été entendu lors de la réunion de cette commission n'est pas de nature à entacher son avis de partialité. Par suite, le vice de procédure ainsi invoqué doit être écarté.
Sur la légalité interne :
6. Aux termes de l'article R. 6152-626 du code de la santé publique : " Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens attachés sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° La réduction d'ancienneté de services entraînant une réduction des émoluments ; / 4° L'exclusion temporaire de fonctions prononcée pour une durée ne pouvant excéder six mois et privative de toute rémunération ; / 5° Le licenciement. (...) ".
7. Le directeur du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye a, après avoir recueilli l'avis favorable de la commission médicale de l'établissement, prononcé la sanction du licenciement pour motif disciplinaire à l'encontre de M. D...en se fondant sur un ensemble de manquements commis par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions au cours de l'année 2014.
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
Sur la matérialité des faits et leur qualification :
9. En premier lieu, il ressort d'un courriel émanant de la directrice d'une société d'ambulance agréée participant au service d'urgence, que le 11 février 2014, appelé en intervention auprès d'un patient dont l'état se dégradait, installé dans le véhicule de cette société, M. D...a fait preuve de dénigrement concernant l'installation intérieure du véhicule devant la famille du patient, le médecin traitant et les agents du service départemental d'incendie et de secours. Il ressort du rapport du 16 janvier 2015 établi par le responsable du service des urgences au directeur du centre hospitalier que le médecin traitant du patient, contacté à la suite de cet incident, a confirmé le comportement déplacé de M.D.... La préoccupation d'assurer la sécurité du patient, invoquée par le requérant, ne dispensait pas celui-ci de son obligation de réserve et de retenue.
10. En deuxième lieu, il ressort, notamment des extraits du registre d'accueil des urgences et du rapport du 16 janvier 2015 précité, que l'intéressé n'a pas participé ou de manière limitée les 19 mars, 23 mars, 27 mars, 10 avril, 16 avril, 6 juin, 18 juin, 20 juin, 22 juin, 1er juillet, 6 juillet et 9 septembre 2014 à la prise en charge des patients accueillis au service des urgences. En particulier, le 23 mars 2014, alors que trente patients avaient été admis aux urgences, M.D..., qui était en poste au SMUR et n'avait effectué sur un créneau horaire d'une heure qu'une seule intervention, n'a pris en charge aucun de ces patients dont cinq sont repartis sans avoir été examinés. M. D...ne peut utilement soutenir en appel qu'il n'avait pas à participer au fonctionnement du SAMU, son contrat l'affectant exclusivement au SMUR. Il ressort en effet de celui-ci que l'intéressé était recruté pour exercer au sein du service UPATOU/SMUR et devait participer sous l'autorité du chef de service à l'ensemble des missions de service public. Une telle obligation résulte également des dispositions de l'article R. 6152-632 du code de la santé publique en vertu desquels les praticiens attachés associés peuvent être appelés à collaborer à la continuité des soins. Cette participation de l'équipe du SMUR à l'activité des soins d'urgence, inscrite dans le règlement intérieur sur le temps de travail du centre hospitalier, avait été rappelée au requérant en février 2014.
11. En troisième lieu, il ressort du compte-rendu de l'exercice relatif à l'accueil des patients infectés par le virus Ebola effectué le 2 décembre 2014, dans le cadre du plan national de lutte et de prévention pour cette infection, que M.D..., qui n'était pas en intervention SMUR au moment de l'exercice et qui, contrairement à ce qu'il soutient, n'était pas le seul médecin au service des urgences, n'a pas participé à l'exercice. L'intéressé a par ailleurs eu des absences ou des retards non justifiés les 18 avril, 2 juillet et 3 novembre 2014. Il ressort notamment de la fiche d'incident rédigée par un cadre supérieur de santé en fonction au service des urgences le 2 juillet 2014 que M.D..., informé d'un départ SMUR à 8h20, n'avait toujours pas rejoint à 8h35 le véhicule devant partir en intervention qui est parti finalement à 8h45 avec le médecin de relève.
12. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. D...a fait preuve de négligence dans la tenue des dossiers de ses patients au service des urgences les 3 mars, 8 mars, 2 avril, 18 avril, 15 juin et 4 septembre 2014, soit 2 à 5 dossiers par jour, en renseignant les volets médicaux dont il a la charge et qui regroupent l'ensemble des éléments relatifs aux patients, de manière illisible ou incomplète rendant ainsi difficile la lecture du diagnostic, la tenue et la continuité des soins.
13. Ces faits, dont la matérialité est établie, présentent un caractère répété, malgré plusieurs entretiens et rappels à l'ordre de M. D...les 24 avril 2014 et 9 juillet 2014 et constituent des manquements à ses obligations professionnelles. Ils mettent également en cause la qualité et la continuité des soins ainsi que le bon fonctionnement du service. Ils présentent un caractère fautif et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Les attestations produites par l'intéressé, qui se bornent à faire état de son comportement général, sont sans lien avec les événements concernés et ne sont par suite pas de nature à remettre en cause ni l'exactitude matérielle des faits à l'origine de la décision en litige, ni leur qualification juridique.
Sur l'erreur d'appréciation :
14. Si à l'appui du moyen tiré de la disproportion de la sanction, M. D...se prévaut d'un rapport favorable, établi dans le cadre de la procédure d'autorisation d'exercice pour les praticiens ne disposant pas de la nationalité française ou de la nationalité d'un pays membre de l'Union européenne, en ce qui concerne ses compétences, ses aptitudes au travail en équipe, son respect des règles d'organisation du service et de la permanence des soins, son assiduité et son bon comportement, ce rapport ne porte que sur sa capacité à exercer la médecine en France et a été rédigé le 21 août 2014, soit sept mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire et ne pouvait ainsi tenir compte de la majorité des faits reprochés à l'intéressé. Il n'est ainsi pas de nature à remettre en cause les manquements réitérés constatés, étrangers à sa bonne pratique de la médecine, portant atteinte à l'organisation du service et de nature à compromettre la sécurité des patients malgré les rappels à l'ordre qui lui ont été faits. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et eu égard aux fonctions exercées par M.D..., que la sanction du licenciement n'est pas disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés. Par suite, le directeur du centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye n'a pas, en le licenciant pour motif disciplinaire, par la décision du 3 juin 2015 en litige, commis d'erreur d'appréciation. La circonstance que M. D...a été autorisé à exercer les fonctions de médecin généraliste par un arrêté du 27 juillet 2017, soit postérieurement à la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité et n'est, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause l'appréciation des faits qui lui sont reprochés dans l'exercice de ses fonctions au centre hospitalier de Montdidier-Roye.
Sur le harcèlement moral dont procéderait la sanction :
15. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
16. M. D...soutient à nouveau que les agissements du directeur de l'efficience et de l'organisation médicale de l'établissement étaient constitutifs de harcèlement moral à son encontre et qu'il a été victime également de discrimination. Toutefois, il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M.D..., qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye.
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