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04/04/2019 | FRANCE | N°18DA02067

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 avril 2019, 18DA02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour du préfet du Nord l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806578 du 31 juillet 2018, le ma

gistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour du préfet du Nord l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806578 du 31 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2018, M. A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre la décision d'interdiction de retour du territoire prise le 12 juillet 2018 par le préfet du Nord ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 25 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Une mise en demeure a été adressée au préfet du Nord le 8 janvier 2019, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n°1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, né le 25 décembre 1986, serait, selon ses déclarations, entré en France en octobre 2015. Par arrêté du 28 mai 2018, le préfet du Nord a ordonné la remise de M. A... aux autorités italiennes, lesquelles ont refusé cette demande le 25 juin 2018. Par un arrêté du 12 juillet 2018, le préfet du Nord a obligé M. A... à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 31 juillet 2018 en tant uniquement que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

3. En application de ces dispositions, il incombe à l'autorité administrative de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a fixé la durée de l'interdiction de retour, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

4. La décision par laquelle le préfet du Nord a fait interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an mentionne le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise qu'aucune circonstance humanitaire ne justifie que M. A... ne fasse pas l'objet d'une interdiction de retour. Elle fait état des conditions de son entrée en France et de ses conditions de séjour depuis octobre 2015, ainsi que de la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et n'est pas motivée par une menace pour l'ordre public que constituerait la présence de M. A.... Par suite, la décision contestée, qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et répond aux exigences rappelées aux points précédents, est suffisamment motivée.

5. Aux termes de l'article 25 du règlement (CE) n°1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 : " Conditions auxquelles sont soumis les signalements de ressortissants de pays tiers jouissant du droit de libre circulation dans la Communauté. / 1. Un signalement concernant un ressortissant de pays tiers qui jouit du droit de libre circulation dans la Communauté au sens de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (1), est conforme aux règles adoptées dans le cadre de la mise en oeuvre de ladite directive. / 2. En cas de réponse positive à un signalement introduit en vertu de l'article 24 qui vise un ressortissant d'un État tiers bénéficiant du droit de libre circulation dans la Communauté, l'État membre d'exécution du signalement consulte immédiatement l'État membre signalant par l'intermédiaire du bureau SIRENE en suivant les dispositions du manuel SIRENE, afin de décider sans délai des mesures à prendre. "

6. M. A... soutient que les dispositions citées au point précédent ont été méconnues dès lors que, détenteur d'un titre de séjour italien de durée illimitée, il ne peut faire l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen. Toutefois, les dispositions de cet article ont justement pour objet de fixer les conditions auxquelles sont soumis les signalements de ressortissants de pays tiers jouissant du droit de libre circulation dans la Communauté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., titulaire d'un titre de séjour italien long séjour CE, déclare être entré en France en octobre 2015. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration du délai de trois mois lui permettant de séjourner sans titre de séjour en France, et n'a jamais effectué de démarche pour régulariser sa situation. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France hormis la présence de sa compagne, de nationalité marocaine et titulaire d'un titre de séjour espagnol, dont il n'est pas établi qu'elle serait en situation régulière sur le territoire français. Par ailleurs, la circonstance que M. A... fasse l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen ne fait pas, à elle seule, obstacle à ce qu'il puisse se rendre en Italie. Dans ces conditions, en dépit de l'intégration professionnelle de M. A..., le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, et alors que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 2 doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français du 12 juillet 2018 prise par le préfet du Nord. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- M. Hervé Cassara, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 avril 2019.

Le rapporteur,

Signé : V. PETIT

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°18DA02067

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02067
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-04;18da02067 ?
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