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31/10/2018 | FRANCE | N°18DA00926

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2018, 18DA00926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1709218 du 31 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M. B

...A..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1709218 du 31 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M. B...A..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

1. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

3. Après que M. A...a déposé une demande d'asile le 20 juin 2017 en France, la consultation de la base Eurodac a fait apparaître qu'il était demandeur d'asile en Italie. Il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié à cette date d'un entretien individuel et de la remise des brochures prévues par l'article 4 cité au point 1, en langue française, langue qu'il a déclaré ne pas comprendre. Ces brochures, toutefois, lui ont été remises par l'intermédiaire d'un interprète en langue soussou, langue qu'il a déclaré comprendre. Il n'est, en outre, pas sérieusement contesté que M. A...a compris l'entretien individuel et a contresigné, sans faire d'observation, le compte rendu d'entretien du 20 juin 2017 au terme duquel il a attesté que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié, le 20 juin 2016, dans les locaux de la préfecture du Nord, de l'entretien individuel prévu par ces dispositions. L'arrêté en litige énonce que cet entretien a été mené " par un agent dûment habilité de la préfecture ". Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'agent de la préfecture qui a mené l'entretien n'aurait pas été mandaté à cet effet par le préfet du Nord et qu'ainsi il ne serait pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. M. A...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été méconnues en l'espèce.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande adressée par le préfet du Nord aux autorités italiennes le 21 juin 2017 a été transmise par l'intermédiaire du réseau de communication DubliNET, qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile. Ainsi, la copie de l'accusé de réception DubliNET versée aux débats par le préfet du Nord permet d'attester que les autorités italiennes ont été saisies de la demande de prise en charge de M. A...sur leur territoire. Dès lors que les autorités italiennes ont gardé le silence sur cette demande, elles sont réputées avoir donné leur accord implicite au terme du délai de réponse prévu par le règlement, comme en témoigne le " constat d'accord implicite " établi par la préfecture et transmis le 29 août 2017 aux autorités italiennes, sans que cette nouvelle transmission n'ait suscité de réaction de leur part. M. A...n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il n'est pas démontré que la demande de prise en charge formée par le préfet du Nord a bien été envoyée aux autorités italiennes et reçue par ces dernières.

7. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 : " Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. / La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le préfet du Nord a adressé une requête aux autorités italiennes, le 21 juin 2017, tendant au transfert de M. A...sur leur territoire. L'appelant n'apporte aucun élément permettant de penser que cette demande n'aurait pas été formulée à l'aide d'un formulaire type prévu par les dispositions citées au point précédent. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités italiennes auraient estimé que les informations transmises par le préfet étaient insuffisantes pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur leur responsabilité avant que n'intervienne leur décision implicite d'acceptation. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité de la procédure à ce titre.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert est entachée d'illégalité.

Sur la décision d'assignation à résidence :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.

11. Une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse.

12. La décision attaquée indique que M. A... dispose d'une domiciliation auprès de l'Association Insertion Rencontre à Lille et l'assigne à l'adresse de cet organisme. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait informé le préfet qu'il résidait en dehors du périmètre de l'arrondissement de Lille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00926
Date de la décision : 31/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-31;18da00926 ?
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