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11/10/2018 | FRANCE | N°16DA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 16DA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société K. Line a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la société nationale des chemins de fer (SNCF) a rejeté sa demande du 5 mars 2013 tendant au paiement direct de ses prestations réalisées en qualité de sous-traitante dans le cadre du marché portant sur le remplacement des menuiseries extérieures de la gare de Douai et de condamner la SNCF à lui verser la somme de 119 149,49 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2

013.

Par un jugement n° 1302713 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société K. Line a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la société nationale des chemins de fer (SNCF) a rejeté sa demande du 5 mars 2013 tendant au paiement direct de ses prestations réalisées en qualité de sous-traitante dans le cadre du marché portant sur le remplacement des menuiseries extérieures de la gare de Douai et de condamner la SNCF à lui verser la somme de 119 149,49 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2013.

Par un jugement n° 1302713 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2016 et 30 mai 2018, la société K. Line, représentée par la SELARL Avoxa Nantes, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public SNCF Mobilités le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- le décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...A..., représentant la société K. Line, et de Me B...D..., représentant l'établissement public SNCF Mobilités.

Considérant ce qui suit :

1. La Société nationale des chemins de fer français (SNCF), devenue SNCF Mobilités, a confié à la société Serrurerie Métallerie Artois (SMA) les travaux de remplacement des menuiseries extérieures de la gare de Douai. Par lettre du 8 octobre 2012, la SNCF a notifié à la société K. Line un acte spécial de sous-traitance par lequel elle l'acceptait en qualité de sous-traitante de la société SMA et agréait les conditions de son paiement direct à hauteur d'un montant total de 213 159,22 euros hors taxes (HT). La société SMA a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Arras du 7 novembre 2012 et a cessé toute activité à compter du 28 novembre 2012, ce dont l'appelante a été informée la veille par un courrier électronique de la SNCF. Par lettre du 5 mars 2013, la société K. Line a demandé à la SNCF, au titre du droit au paiement direct, le paiement de la somme de 119 149,49 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant au montant cumulé de quatre factures établies pour des prestations sous-traitées par la société SMA. Le silence gardé par la SNCF sur cette demande a donné naissance à une décision implicite de rejet. La société K. Line a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation de la SNCF à lui verser la somme correspondant à ce à quoi elle aurait eu droit au titre du paiement direct, assortie des intérêts. Elle relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le droit au paiement direct :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de cette loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ".

3. Les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures à l'entrepreneur principal. Ainsi, une entreprise dont le contrat conclu avec l'entrepreneur principal n'a pas les caractéristiques d'un contrat d'entreprise mais d'un simple contrat de fournitures n'a pas droit au paiement direct de ses fournitures par le maître d'ouvrage délégué, nonobstant la circonstance qu'elle a été acceptée par ce dernier en qualité de sous-traitante et que ses conditions de paiement ont été agréées.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que les prestations effectuées par la société K. Line pour le compte de la société SMA, dans le cadre du marché portant sur le remplacement des menuiseries de la gare de Douai, portaient sur la production et la livraison de châssis de fenêtres. Il est constant que la société K. Line ne participait pas à l'exécution des travaux de remplacement des fenêtres. Si elle soutient que les châssis qu'elle devait fournir étaient adaptés aux spécifications du marché, en particulier aux dimensions et aux coloris des baies de l'étage, elle n'établit pas que leur production impliquait une technique de fabrication spécifique à cette commande, incompatible avec une production en série normalisée. En particulier, les techniques mises en oeuvre correspondaient à celles des produits proposés sur son catalogue. Enfin, l'assistance technique apportée par la société K. Line à la société SMA pour la mise en place des châssis, dont il résulte de l'instruction qu'elle s'est traduite par la transmission d'une documentation technique, n'est pas davantage de nature à conférer au contrat qui la liait à cette société le caractère d'un contrat d'entreprise. Dès lors, la société K. Line avait la qualité de simple fournisseur de la société SMA et ses prestations n'entraient pas dans le champ d'application de la loi du 31 décembre 1975.

5. D'autre part, il résulte des principes rappelés au point 3 que la société K. Line ne peut se prévaloir d'un droit au paiement direct de ses prestations qui résulterait de l'acte spécial de sous-traitance conclu entre la SNCF et la société SMA dès lors que, comme il a été dit au point précédent, ses prestations relevaient en réalité d'un simple contrat de fournitures.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que la société K. Line n'est pas fondée à demander la condamnation de la SNCF à lui verser la somme demandée au titre du droit au paiement direct du sous-traitant.

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la SNCF :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le contrat conclu entre la société K. Line et la société SMA présentait le caractère d'un contrat de fournitures et non d'un contrat d'entreprise. Dès lors, la SNCF ne pouvait légalement accepter la société K. Line en qualité de sous-traitant et agréer les conditions de son paiement direct. En concluant avec la société SMA un acte spécial de sous-traitance ayant cet objet, la SNCF a méconnu les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 citées au point 2 et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Toutefois, si la notification à la société K. Line de l'acte spécial de sous-traitance a pu l'induire en erreur sur sa qualité et la conduire à penser qu'elle était protégée contre une éventuelle défaillance de l'entreprise titulaire du marché, il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en toute hypothèse, elle n'avait pas vocation, en qualité de simple fournisseur, à bénéficier d'un paiement direct de ses prestations par le maître d'ouvrage. L'appelante n'établit pas, ni même d'ailleurs n'allègue, qu'elle aurait renoncé à contracter avec la société SMA en l'absence de notification d'un acte spécial de sous-traitance conclu par cette dernière avec la SNCF. Elle ne soutient pas davantage qu'ayant été induite en erreur sur sa qualité par la faute commise par la SCNF, elle a été privée d'une chance d'obtenir en temps utile le règlement de ses factures. Dès lors, il n'est pas démontré qu'il existe un lien de causalité entre la faute commise par la SNCF et le préjudice subi par la société K. Line, résultant de l'absence de paiement de ses factures. L'appelante n'est, par suite, pas fondée à demander la condamnation de la SNCF à lui verser une somme en réparation du préjudice qu'elle a subi à ce titre.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société K. Line n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions reconventionnelles de SNCF Mobilités :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions reconventionnelles de l'établissement public SNCF Mobilités tendant à ce que la société K. Line soit condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour requête abusive.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public SNCF Mobilités, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société K. Line de la somme qu'elle demande sur ce fondement.

12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société K. Line le versement de la somme de 1 500 euros à l'établissement public SNCF Mobilités sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société K. Line et les conclusions reconventionnelles de l'établissement public SNCF Mobilités sont rejetées.

Article 2 : La société K. Line versera la somme de 1 500 euros à l'établissement public SNCF Mobilités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société K. Line et à l'établissement public SNCF Mobilités.

N°16DA02320 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02320
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Sous-traitance.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS AVOXA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-11;16da02320 ?
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