Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille, par une première demande enregistrée sous le n° 1404028, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique, de faire cesser le danger ponctuel imminent pour la santé publique résultant de l'absence d'alimentation en électricité du logement dont elle est propriétaire, situé 83A rue Jean Jaurès à Santes, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 2 juin 2014 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique, de faire cesser le danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de son logement, ainsi que de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 000 euros en réparation du préjudice subi. Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1405478, Mme E...a de nouveau demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 2 juin 2014.
Par un jugement n° 1404028-1405478 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes de MmeE..., les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 septembre 2016 et 31 août 2018, Mme D...E..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 26 décembre 2013 et du 2 juin 2014 ;
2°) d'annuler ces arrêtés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...est propriétaire d'une maison d'habitation située 83A rue Jean Jaurès à Santes, qu'elle a donné à bail à M. A...F.... Par courrier du 12 décembre 2013, le maire de Santes a signalé à l'agence régionale de santé que le logement n'était plus alimenté en électricité. Par un arrêté du 26 décembre 2013, pris sur le fondement de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique, le préfet du Nord a ordonné à Mme E...de rétablir immédiatement l'alimentation en électricité du logement. Un rapport d'enquête sanitaire établi par l'agence régionale de santé ayant fait apparaître un certain nombre de désordres présentant un danger imminent pour la santé ou la sécurité de l'occupant, le préfet du Nord a mis en demeure MmeE..., par un second arrêté du 2 juin 2014, pris sur le fondement de l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes enregistrées sous les nos 1404028 et 1405478, d'annuler ces deux arrêtés et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a joint les demandes de l'intéressée et les a rejetées. Mme E... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 26 décembre 2013 et 2 juin 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme E...a produit, le 18 juillet 2016, soit postérieurement à la clôture de l'instruction et à l'audience du 30 juin 2016, un mémoire dans lequel elle expliquait que les arrêtés en litige étaient entachés d'illégalité dans la mesure où l'occupant du logement avait accepté de le quitter. Si ce mémoire a été enregistré par le greffe et versé au dossier, il n'est pas mentionné par les visas du jugement attaqué, de telle sorte que le jugement ne permet pas de vérifier que la formation de jugement en a pris connaissance. Le jugement qu'elle a rendu est donc, en application des principes rappelés au point précédent, entaché d'une irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par l'appelante au titre de la régularité du jugement, Mme E... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 26 décembre 2013 et 2 juin 2014.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme E... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 décembre 2013 :
5. Aux termes de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique : " En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre (...) ".
6. Par l'arrêté en litige, le préfet du Nord, relevant qu'il ressort d'un rapport motivé du maire de Santes, transmis à l'agence régionale de santé, que le logement en cause présente un danger ponctuel imminent pour la santé ou la sécurité de son occupant, du fait de l'interruption de son alimentation en électricité, ordonne à MmeE..., sur le fondement des dispositions citées au point précédent, de rétablir dans un délai de vingt-quatre heures l'alimentation en électricité du logement et de remettre en fonctionnement les pompes situées dans la cave.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, le logement en cause était alimenté en électricité par l'intermédiaire d'une habitation voisine, occupée par le fils de Mme E..., sa consommation lui étant ensuite refacturée par la famille de l'appelante. Il est constant que l'alimentation en électricité du logement a été coupée par le mari de Mme E...au motif que son occupant ne payait plus les sommes qui lui étaient réclamées à ce titre. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'aucun compteur électrique en état de fonctionnement n'existe dans le logement en cause et que l'occupant en est réduit à utiliser un générateur électrique pour alimenter le respirateur dont il a besoin pendant la nuit et des batteries de voiture pour éclairer sa salle de bains. Mme E...ne saurait sérieusement prétendre que, compte tenu de ces expédients, il ne serait pas nécessaire de rétablir l'alimentation en électricité du logement. Par ailleurs, si elle fait valoir qu'il existerait un compteur électrique " à front à rue " et qu'il suffirait à l'occupant du logement de souscrire un abonnement auprès d'un fournisseur d'électricité pour en bénéficier à nouveau, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de preuve au soutien de cette allégation, qui est d'ailleurs contredite par l'ensemble des pièces du dossier. Enfin, dès lors que l'arrêté en litige se borne à prescrire le rétablissement de l'alimentation du logement en électricité, et non la réalisation de travaux tels que l'installation d'un compteur individuel, et qu'en outre sa légalité s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, Mme E... ne saurait utilement se prévaloir, en tout état de cause, de l'obstruction du maire de Santes qui ferait obstacle à l'installation d'un compteur ou de changements de circonstances postérieurs à l'édiction de cet arrêté et qui le priveraient de son objet.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 26 décembre 2013.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2014 :
9. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé (...) concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. / Le directeur général de l'agence régionale de santé établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d'urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble ou de l'un des immeubles concernés (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1331-26-1 du même code : " Lorsque le rapport prévu par l'article L. 1331-26 fait apparaître un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le représentant de l'Etat dans le département met en demeure le propriétaire, ou l'exploitant s'il s'agit de locaux d'hébergement, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Il peut prononcer une interdiction temporaire d'habiter ".
10. L'arrêté en litige, relevant qu'il ressort du rapport de l'agence régionale de santé du 18 avril 2014 que le logement en cause présente un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à son insalubrité, en raison de l'absence d'alimentation en eau potable et en électricité, des anomalies de l'installation électrique et de la présence d'un convecteur bois/charbon dans le séjour, met en demeure Mme E...de procéder, dans un délai de sept jours, à la mise en sécurité de l'installation électrique et au rétablissement de la fourniture en électricité, avec la pose d'un compteur individuel, au rétablissement de la fourniture en eau potable, avec là aussi la pose d'un compteur individuel ou d'un système de coupure, et à la remise en état des installations de chauffage et des systèmes d'évacuation des gaz de combustion par un professionnel qualifié, la création des ventilations réglementaires dans les pièces et de tés de purge, l'entretien des appareils et le ramonage mécanique des conduits de fumée.
En ce qui concerne la légalité externe :
11. Aucune disposition ne prévoit, et aucun principe n'impose, que la visite du logement par l'agence régionale de santé en vue de l'établissement du rapport prévu par les dispositions, citées au point précédent, de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique soit réalisée de manière contradictoire avec le propriétaire. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'appelante n'a pas été avertie de la visite du logement par l'agence régionale de santé en vue de l'établissement de son rapport est inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne :
12. Saisi d'un recours de plein contentieux formé contre un arrêté préfectoral de mise en demeure pris en application de l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique afin que le propriétaire prenne les mesures appropriées afin de faire cesser un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le juge administratif peut être amené à constater que les mesures prescrites, qui étaient légalement justifiées lorsqu'elles ont été prises, ne sont plus nécessaires à la date à laquelle il statue.
S'agissant du bien-fondé des travaux prescrits :
13. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il résulte de l'instruction que le logement en cause ne dispose pas d'un compteur individuel en état de fonctionnement et qu'il ne peut être alimenté en électricité que par l'intermédiaire de l'habitation voisine, occupée par le fils de MmeE.... Si celle-ci fait valoir qu'il existerait un compteur " à front à rue " de nature à permettre à son locataire de souscrire un abonnement de fourniture d'électricité, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme E...aurait fait procéder aux travaux prescrits ou que ceux-ci ne seraient plus nécessaires. Enfin, il n'est pas démontré que ces travaux seraient techniquement ou juridiquement impossibles. En particulier, ni le besoin d'une servitude de passage sur les parcelles voisines, qui appartiennent également à Mme E...et à sa famille, ni le classement de ces parcelles par le plan local d'urbanisme, qui n'interdit pas en tout état de cause le passage des réseaux, ne sont de nature à établir l'existence d'une telle impossibilité, contrairement à ce qui est soutenu. Dès lors, l'arrêté en litige, en tant qu'il prescrit le rétablissement de l'alimentation en électricité du logement avec la pose d'un compteur individuel, n'apparaît pas contraire aux dispositions citées au point 9.
14. Le moyen de Mme E...tiré de ce que les prescriptions de l'arrêté en litige relatives à la remise en état des installations de chauffage et des systèmes d'évacuation des gaz de combustion ne seraient pas nécessaires n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.
15. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté en litige ne prescrit pas l'isolation des conduits d'évacuation des eaux usées. Le moyen tiré de ce que cette prescription serait sans fondement est donc inopérant dans le cadre de la présente instance.
S'agissant des autres moyens :
16. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Santes se soit opposé à l'installation d'un compteur électrique correspondant au logement situé au 83A rue Jean Jaurès. En tout état de cause, cette opposition, à la supposer même établie, demeure sans influence sur la réalité du danger imminent pour la santé ou la sécurité de l'occupant du logement, relevée par l'arrêté en litige, et sur le bien fondé des mesures prescrites par cet arrêté pour y remédier. Dès lors, elle ne saurait être utilement invoquée par Mme E...à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
17. Si l'occupant du logement s'était engagé à quitter les lieux au mois de septembre 2016, il résulte de l'instruction et des écritures de l'appelante elle-même qu'il s'est finalement maintenu dans le logement. Mme E...n'est, dès lors, pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'arrêté en litige devrait être annulé en raison de la libération du logement.
18. Si par ailleurs il résulte de l'instruction que les causes de danger relevées par le préfet sont, pour certaines, partiellement imputables à l'occupant du logement, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige, dès lors qu'elle ne remet en cause ni la réalité du danger en résultant, ni le bien-fondé des mesures prescrites par le préfet pour y remédier. Il en va de même de la circonstance, à la supposer même établie, que l'occupant du logement s'opposerait à la réalisation des travaux. Mme E...dispose de voies de droit lui permettant de contraindre son locataire à permettre la réalisation des travaux et d'engager sa responsabilité dans l'hypothèse où il serait à l'origine de dégradations.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 18 que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 2 juin 2014.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 juillet 2016 est annulé en tant qu'il rejette les demandes de Mme E...dirigées contre les arrêtés du préfet du Nord des 26 décembre 2013 et 2 juin 2014.
Article 2 : Les demandes de Mme E...dirigées contre les arrêtés du préfet du Nord des 26 décembre 2013 et 2 juin 2014 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et à la ministre des solidarités et de la santé.
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N° 16DA01714