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17/05/2018 | FRANCE | N°17DA01133

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 17 mai 2018, 17DA01133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et l'a obligée de se présenter une fois par semaine aux autorités de police aux frontières.

Par un jugement n° 1700634 du 4 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, Mme B...C..., représentée par la SEL...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et l'a obligée de se présenter une fois par semaine aux autorités de police aux frontières.

Par un jugement n° 1700634 du 4 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, Mme B...C..., représentée par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

1. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour, tel qu'il est reconnu par le droit de l'Union européenne, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition, dressé par l'agent de police judiciaire, que Mme C...a été auditionnée le 2 décembre 2016 quant à son droit au séjour en France. Elle a été interrogée en particulier sur son âge, sa nationalité, sa situation familiale, les raisons et les conditions de son entrée et de son séjour en France ainsi que ses conditions d'hébergement. Elle a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de fournir les informations quant à sa situation personnelle et de faire valoir utilement ces observations. Ce procès-verbal a, en outre, été signé par l'intéressée. Elle a été, également, informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une mesure défavorable, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé, avant de prendre son arrêté contesté du 5 décembre 2016, à un examen complet de la situation de l'intéressée notamment à la suite des précédentes décisions prises à son encontre - dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la Cour administrative d'appel de Douai dans sa décision du 8 décembre 2016 - et de l'audition du 2 décembre 2016 par laquelle l'intéressée a fait état des éléments la concernant. Au demeurant, Mme C...n'a pas, au cours de cette audition, sollicité le bénéfice de l'asile, ni directement, ni implicitement.

4. MmeC..., ressortissante nigériane, née le 19 février 1986, célibataire, a déclaré sans l'établir, être entrée sur le territoire français le 27 août 2011. Compte tenu de leur jeune âge, elle n'établit pas que ses enfants, nés respectivement le 8 octobre 2012 et le 27 novembre 2016, ne pourraient pas la suivre hors du territoire français, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'aîné a été scolarisé en petite section de maternelle au cours de l'année scolaire 2015-2016. Elle ne fait pas, par ailleurs, état de liens particuliers avec les pères des enfants dont l'un réside en tout état de cause aux Pays-Bas. En dépit d'anciens contrats de travail à durée indéterminée et d'une volonté d'intégration sur ce plan, elle ne justifie pas d'une situation professionnelle particulière susceptible de lui assurer un revenu pérenne. Elle ne justifie pas davantage avoir noué sur le territoire français des liens personnels stables d'une particulière intensité. Si elle allègue avoir rompu, après le décès de son père, les liens avec sa mère restée au pays et si elle indique se sentir menacée en cas de retour notamment par sa tante à qui elle doit de l'argent, elle n'apporte pas à l'appui de ses déclarations des éléments suffisamment probants qui démontreraient qu'elle n'aurait plus d'attache sûre au Nigéria ou ne pourrait y poursuivre sa vie. Elle s'est en outre maintenue en France entre 2013 et 2015 à la faveur d'un titre de séjour délivré sur la base d'une déclaration frauduleuse de paternité du premier enfant né en 2012 par un ressortissant français, et qui n'a pas été légalement renouvelé ainsi qu'il en a été jugé en dernier lieu par la cour ainsi qu'il a été dit au point 3. Dès lors et compte tenu des conditions de son séjour en France et en dépit de sa durée, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que pouvant, selon elle, bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes raisons, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle des enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de l'intéressée, dont l'aîné est scolarisé en France, ne pourraient poursuivre leur scolarité hors de France et notamment au Nigéria. La décision n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leur mère. Il est constant que le père de l'aîné l'a frauduleusement reconnu et le père du cadet demeure au Pays-Bas. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la privation éventuelle, dont le caractère durable n'est pas davantage démontré, des relations des enfants avec leur père respectif serait, à la date de la décision attaquée, de nature à établir l'existence d'une atteinte à l'intérêt supérieur des enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Par suite, il est suffisamment motivé.

10. Mme C...n'assortit d'aucune précision, ni d'aucune justification ses allégations selon lesquelles elle serait exposée dans son pays d'origine à des risques de traitements inhumains et dégradants liés à la prostitution qui lui serait, selon elle, imposée en cas de retour. Elle ne démontre pas, en outre, que le Nigéria ne serait pas en mesure de la protéger des risques allégués d'origine privée dont elle fait état. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale.

Sur la décision d'obligation de présentation :

12. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) " . Aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. / L'étranger peut être tenu de lui remettre l'original de son passeport et de tout autre document d'identité ou de voyage en sa possession en échange d'un récépissé valant justification d'identité sur lequel est portée la mention du délai accordé pour son départ ".

13. La préfète pouvait, en application des dispositions précitées, exiger de l'intéressée, à laquelle un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours avait été accordé, qu'elle se présente une fois par semaine dans les locaux de la police aux frontières de Rouen, afin d'y indiquer les diligences accomplies en vue de son départ volontaire. Cette mesure découle de l'obligation de quitter le territoire français et est appliquée dès sa notification et pendant le délai accordé à la requérante pour organiser son départ volontaire. Dès lors, même si la requérante est célibataire avec deux enfants à charge, eu égard à l'objet même de la décision, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01133
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-05-17;17da01133 ?
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