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22/02/2018 | FRANCE | N°16DA00072

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 22 février 2018, 16DA00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 25 mai 2012 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations du Pas-de-Calais a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 157 599,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012, en réparation du préjudice résultant du défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale, pour les missions effectuées au

titre du mandat sanitaire.

Par un jugement n° 1204674 du 10 novembre 2015, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 25 mai 2012 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations du Pas-de-Calais a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 157 599,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012, en réparation du préjudice résultant du défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale, pour les missions effectuées au titre du mandat sanitaire.

Par un jugement n° 1204674 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2016, M.D..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler la décision de la directrice départementale de la protection des populations du Pas-de-Calais du 25 mai 2012 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 157 599,69 euros, sauf à parfaire au regard d'une éventuelle modification du taux de rachat des cotisations sociales, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- la loi n° 2008-651 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

1. Considérant que M. D... qui a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral jusqu'au 30 janvier 2004, date de son admission à la retraite, a accompli antérieurement au 31 décembre 1989 des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux en vertu d'un mandat sanitaire ; que le 6 avril 2012, il a saisi la directrice départementale de la protection des populations du Pas-de-Calais d'une demande tendant à la réparation du préjudice résultant du défaut d'affiliation, par l'Etat, aux régimes général et complémentaire de la sécurité sociale ; que par courrier du 25 mai 2012, la directrice départementale de la protection des populations du Pas-de-Calais a opposé à cette demande la prescription quadriennale ; que M. D...relève appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser en réparation de ce préjudice, la somme de 157 599,69 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé devant eux par M. D..., qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le point de départ du délai de prescription ne pouvait être antérieur à la date de versement de chaque arrérage de pension ; que, dès lors, le jugement est entaché d'une omission à statuer ; qu'il doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur la prescription quadriennale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 février 1998 modifiant la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics et relatif aux décisions prises par l'Etat en matière de prescription quadriennale : " Les ordonnateurs principaux ou secondaires sont compétents pour opposer la prescription quadriennale aux créances sur l'Etat intéressant les dépenses dont ils sont ordonnateurs " ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond " ;

5. Considérant que Mme F...B..., directrice départementale de la protection des populations, a reçu, par arrêté du 5 mars 2012 régulièrement publié, délégation du préfet du Pas-de-Calais, pour signer l'ensemble des décisions relevant des attributions et compétences de sa direction à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figure pas la prescription quadriennale ; que, par suite, la signataire de la décision était compétente pour opposer, au nom de l'Etat, la prescription quadriennale, même en l'absence de délégation portant expressément sur la prescription, à la demande d'indemnité présentée par l'intéressé, motivée par le défaut de versement, par l'Etat employeur, des cotisations sociales dues à raison de l'activité professionnelle accomplie par M. D...dans le cadre de son mandat sanitaire ; que, dès lors, la prescription a été opposée par une autorité compétente ;

6. Considérant que la décision du 25 mai 2012 cite l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, mentionne la date à laquelle l'intéressé a été admis à la retraite et précise celle à laquelle la prescription quadriennale était acquise ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;

8. Considérant, d'une part, que pour l'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, une créance telle que celle dont se prévaut M. D... ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues, non plus qu'à chaque année au cours de laquelle les pensions correspondantes auraient dû être versées, mais à l'année au cours de laquelle le préjudice peut être connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le point de départ du délai de prescription ne peut être antérieur à la date de versement de chaque arrérage de pension ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, d'autre part, que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie, compte tenu notamment de la reconnaissance aux intéressés de la qualité d'agent public de l'Etat par des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, des 12 juillet 1969 et 12 juin 1974, ayant donné lieu à diffusion et dont la teneur a été retranscrite les années suivantes dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts ; que c'est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d'un mandat sanitaire, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, ont été " assimilées " à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale ; qu'il ne ressort pas des documents produits par M. D..., attestant que de nombreux services administratifs ont néanmoins traité ces rémunérations, avant 1990, comme des honoraires, qu'il n'aurait pas été en mesure, à la date de sa cessation d'activité, de disposer d'indications suffisantes quant au caractère salarial des rémunérations qu'il avait perçues et à l'obligation de cotisation qui en découlait pour l'Etat jusqu'en 1989 ; qu'ainsi, M. D... ne pouvait, au moment où ses droits à la retraite ont été liquidés, être légitimement regardé, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, comme ignorant l'existence de sa créance ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents, que M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'au regard des dispositions, citées au point 7, de la loi du 31 décembre 1968, c'est à tort que l'administration a opposé à sa demande la prescription de sa créance ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a substitué aux dispositions de l'article 2262 du code civil, aux termes duquel : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ", celles du nouvel article 2224 du même code, aux termes duquel : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer " ;

12. Considérant qu'au soutien du moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait lui opposer la prescription quadriennale sans méconnaître les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. D... invoque la différence qui existait en 2004, date à laquelle il a pris sa retraite, entre le délai de prescription des créances détenues sur l'Etat et celui des créances détenues par celui-ci ; que toutefois, à la date à laquelle la prescription quadriennale a été opposée à l'intéressé, le délai de prescription applicable aux créances détenues par l'Etat était de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil tel que résultant de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable aux actions en responsabilité extra contractuelle ; qu'au surplus, il résulte de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, reprenant des dispositions issues de la loi du 17 juillet 1978, que le délai de prescription des demandes de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse est de deux ans à compter de leur paiement ; que par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné des délais de prescription applicables aux créanciers de l'Etat et à ses débiteurs n'est pas fondé ;

13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 8, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour le paiement des arrérages de pension non encore échus ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, M. D...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice que lui aurait causé le défaut de versement par l'Etat des cotisations dues par l'employeur au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de son mandat sanitaire ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00072
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-22;16da00072 ?
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