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22/02/2018 | FRANCE | N°16DA00010

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 22 février 2018, 16DA00010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PNSA Peinture Normandie et MeB..., en sa qualité de commissaire au plan de redressement de cette société, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la région Haute-Normandie à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices résultant du retard de notification du décompte général du marché de restructuration et d'extension du lycée Val de Seine, à Grand Quevilly, conclu le 16 février 2001, une somme de 1 000 euros au titre de l'absence de fonds de roulement, ain

si qu'un somme de 1 084,44 euros en réparation du préjudice résultant du retard ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PNSA Peinture Normandie et MeB..., en sa qualité de commissaire au plan de redressement de cette société, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la région Haute-Normandie à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices résultant du retard de notification du décompte général du marché de restructuration et d'extension du lycée Val de Seine, à Grand Quevilly, conclu le 16 février 2001, une somme de 1 000 euros au titre de l'absence de fonds de roulement, ainsi qu'un somme de 1 084,44 euros en réparation du préjudice résultant du retard de la région à procéder à la mainlevée de la caution.

Par un jugement n° 1400605 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné la région Haute-Normandie à verser à la société PNSA la somme de 608,19 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2016, la société PNSA et MeB..., représentés par Me E...D..., demandent à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 3 novembre 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la région Haute-Normandie à verser à la société PNSA, en réparation des préjudices financiers résultant du retard de notification du décompte général, la somme de 2 289,74 euros pour la période comprise entre le 22 novembre 2003 et le 4 décembre 2012, augmentée des intérêts moratoires à compter de cette dernière date, ou, subsidiairement, les intérêts moratoires afférents au solde du marché à compter du 45ème jour suivant la mise en demeure, datée du 21 décembre 2006, d'établir le décompte général, ces intérêts devant être capitalisés ;

3°) de condamner la région Haute-Normandie à lui verser la somme de 0,42 euros, augmentée des intérêts moratoires, eux-mêmes capitalisés, correspondant au retard de paiement du solde du marché ;

4°) de condamner la région Haute-Normandie à lui verser la somme de 1 084,44 euros, au titre des préjudices financiers résultant du retard de transmission de la mainlevée de caution ;

5°) de condamner la région Haute-Normandie à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des conséquences du retard du règlement du marché sur le fonds de roulement de l'entreprise ;

6°) de mettre à la charge de la région Haute-Normandie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, présidente-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me F...C..., représentant la région Normandie.

1. Considérant que par un acte d'engagement signé le 16 février 2001, la région Haute-Normandie a confié à la société Peinture-Normandie (PNSA) le lot n° 15 " peinture-revêtements muraux " du marché de restructuration et d'extension du lycée Val de Seine, au Grand Quevilly ; que le délai d'exécution a été prolongé à plusieurs reprises, portant la date de fin des travaux au 31 août 2003 ; que, le 11 janvier 2002, la société a cédé à la banque BTP, en application de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, sa créance sur la région, égale au montant du marché ; qu'elle s'est, simultanément, portée garantie solidaire du paiement de cette créance, conformément aux dispositions de l'article L. 313-27 de ce code ; que, le 22 novembre 2003, date à laquelle le solde du marché n'avait pas été encore réglé par la région, la banque BTP a prélevé sur le compte de la société PNSA, garante de la région, la somme de 2 509,94 euros ; que les opérations préalables à la réception des travaux ont eu lieu le 22 août 2003 ; que le procès-verbal de réception des travaux, qui comportait des réserves, n'a toutefois été signé par le maître d'ouvrage que le 14 janvier 2005, avec effet au 22 août 2003 ; que la levée des réserves n'a été prononcée que le 29 septembre 2005 ; que, le 21 décembre 2006, la société PNSA a mis en demeure la région Haute-Normandie d'établir le décompte général ; que la société PNSA a été mise en redressement judiciaire le 4 décembre 2012 ; qu'elle a demandé à la région la mainlevée de la caution, remplaçant la retenue de garantie prévue par le code des marchés publics, qu'elle avait obtenu auprès de la banque BTP lors de la conclusion du marché ; qu'elle a saisi ensuite le tribunal administratif de Rouen d'un recours indemnitaire, tendant à la condamnation de la région Haute-Normandie à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices financiers résultant, selon elle, du retard de notification du décompte général du marché, une somme de 1 000 euros au titre des conséquences de ce retard sur son fonds de roulement ainsi qu'une somme de 1 084,44 euros en réparation du préjudice financier résultant du retard de la région à procéder à la mainlevée de la caution qu'elle avait exigée lors de la conclusion du marché ; que la région a finalement notifié, le 14 avril 2014, le décompte général, lequel a fixé le solde du marché à la somme de 2 509,94 euros ; que cette somme a été versée sur le compte bancaire de la société, le 3 juillet 2014 ; que le 4 juin 2014, la banque BTP a donné mainlevée de la caution de garantie ; que par un jugement du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné la région Haute-Normandie à verser à la société PNSA la somme de 608,19 euros, au titre du préjudice résultant du retard de la région à procéder à la mainlevée de la caution de garantie, et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires ; que la société PNSA et Me B...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande ;

Sur l'indemnisation du préjudice résultant du retard de la Région à notifier le décompte général :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 313-24 du même code, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée, même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix ; que ces mêmes dispositions précisent que, sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement ; que l'article L. 313-27 précise que la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau et que, sauf convention contraire, la remise du bordereau entraîne, de plein droit, le transfert des sûretés garantissant chaque créance ;

3. Considérant que la société PNSA soutient, à titre principal, qu'en raison du retard de la région à régler à la BTP Banque le solde du marché, celle-ci a, dès le troisième trimestre de l'année 2003, prélevé sur son compte courant le montant du solde du marché, soit la somme de 2 509,94 euros, ce qui aurait contribué à l'augmentation de son découvert bancaire et à l'application consécutive d'intérêts bancaires ; qu'elle demande la condamnation de la région Haute-Normandie à l'indemniser de ce préjudice financier ; que, toutefois, la région ne peut être regardée comme responsable de ce prélèvement, dès lors que celui-ci résulte de l'application des dispositions précitées du code monétaire et financier et qu'à la date du 22 novembre 2003, le retard de notification du décompte général , résultant lui-même de l'absence de signature du procès-verbal de réception des travaux, ne présentait pas un caractère déraisonnable ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la réparation des conséquences financières du prélèvement effectué par la banque BTP le 22 novembre 2003 ;

4. Considérant que la société requérante soutient toutefois, à titre subsidiaire, que le retard de notification du décompte général, à compter de la mise en demeure qu'elle a adressée à la région, lui donne droit à des intérêts moratoires sur le solde du marché ; que le caractère irrévocable de l'étendue des droits attachés aux créances, objet de la cession notifiée au débiteur, ne fait, cependant, pas obstacle à la faculté de l'établissement bancaire de recouvrer la créance auprès du cédant, en qualité de garant solidaire de son paiement en vertu de l'article L. 313-24 du code précité ; que le cédant peut, ensuite, se retourner contre le débiteur cédé afin d'obtenir le paiement de sa créance ; qu'ainsi, en l'espèce, la société PNSA pouvait, après le 22 novembre 2003, se retourner contre la région de Haute-Normandie afin de recouvrer le solde du marché en cause ; qu'elle pouvait donc mettre en demeure la région, le 21 décembre 2006, de lui notifier le décompte général ; que cette mise en demeure, que la région ne conteste pas sérieusement avoir reçue, a constitué un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ; qu'en l'absence de stipulation contractuelle sur ce point, la date de réception de cette mise en demeure doit être retenue comme point de départ des intérêts moratoires dus à l'entreprise sur le solde du marché ; qu'en l'espèce, la date de réception de la mise en demeure d'établir le décompte général, adressée à la région Haute-Normandie par la société PNSA, ne ressortant pas de l'instruction, il y a lieu de retenir comme point de départ des intérêts moratoires le 22 novembre 2006 ; qu'ainsi, la société requérante est fondée à demander la condamnation de la région à lui verser les intérêts moratoires de la somme de 2 009,94 euros, calculés conformément aux dispositions du décret n° 2002-232 du 21 février 2002, au titre de la période comprise entre le 22 novembre 2006 et le 14 avril 2014, date de notification du décompte général ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois devant le tribunal administratif le 20 février 2014 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, les intérêts échus le 20 février 2014 doivent être capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts;

Sur le paiement d'intérêts moratoires résultant du retard de paiement du solde fixé par le décompte général :

5. Considérant que la société PNSA soutient que des intérêts moratoires sont dus, pour retard de paiement du solde fixé par le décompte général finalement notifié le 14 avril 2014 et que la région a d'ailleurs reconnu elle-même être redevable, à ce titre, d'une somme de 0,42 euros ; qu'il est constant que le solde du marché a été payé le 3 juillet 2014, soit après l'expiration, le 29 juin 2014, du délai de mandatement de 45 jours prévu par l'article 5.5 du cahier des clauses administratives du marché ;

6. Considérant que si, par application des dispositions de l'article L. 313-27 du code monétaire et financier, la cession a eu pour effet de transmettre à la BTP Banque, à la date de remise du bordereau, la créance en principal comme les droits qui y étaient attachés, y compris les intérêts moratoires éventuellement dus, cet établissement bancaire ne peut être regardé comme ayant conservé cette qualité de créancier après le prélèvement effectué le 22 novembre 2003 sur le compte de la société PNSA, garante de la région ; que, par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le principe, rappelé à l'article 2306 du code civil, selon lequel la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur, et qui implique que la caution se soit préalablement acquittée auprès du créancier de la dette en litige, ne fait pas obstacle, en l'espèce, à ce que la société PNSA demande la condamnation de la région à lui verser les intérêts moratoires résultant du retard de mandatement de la somme de 2 509,94 euros ; qu'ainsi, la société requérante est fondée à demander la condamnation de la région Normandie à lui verser, à ce titre, la somme de 0,42 euros ;

Sur les conséquences du retard de règlement du marché sur le fonds de roulement :

7. Considérant que la société requérante soutient que l'absence de paiement, pendant plusieurs années, du solde des travaux qu'elle a exécutés pour le compte de la région a eu pour conséquence de la priver de fonds de roulement, et d'entraîner, par voie de conséquence, sa mise en redressement judiciaire, prononcée par jugement du 4 décembre 2012 ; que, toutefois, eu égard au montant du solde du marché, le retard de règlement de ce solde ne peut être regardé comme ayant causé à la société un préjudice autre que celui déjà réparé par le versement d'intérêts moratoires et comme étant la cause directe de sa mise en redressement judiciaire ;

Sur le retard de la mainlevée de caution :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 103 du code des marchés publics alors en vigueur, les établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande sont en principe libérés un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie, mais que, si des réserves ont été notifiées au titulaire du marché ou aux établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande pendant le délai de garantie, et si elles n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, les établissements sont libérés de leurs engagements un mois au plus tard après la date de leur levée ; qu'en vertu des stipulations de l'article 4.15 du CCAG-Travaux, le remplacement du cautionnement par une caution personnelle et solidaire, dans les conditions prévues par les règlements, peut intervenir, soit à l'origine, soit à tout moment ; qu'en vertu des stipulations de l'article 4.16 du même CCAG, le cautionnement est restitué ou la caution qui le remplace libérée, dans les conditions réglementaires, par la personne responsable du marché.

9. Considérant qu'en l'espèce, la levée des réserves a été prononcée le 29 septembre 2005, soit plus d'un an après l'expiration du délai de garantie, intervenue le 22 août 2004 que, compte tenu des dispositions et stipulations susmentionnées du code des marchés publics et du CCAG-Travaux, la caution devait être libérée un mois au plus tard après la levée des réserves, soit le 30 octobre 2005 ; que, par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la société requérante est fondée à demander la condamnation de la région Normandie à lui rembourser les frais financiers qu'elle a supportés depuis la date à laquelle la garantie de caution aurait dû être libérée ; qu'il résulte de l'instruction que ces frais bancaires afférents à la caution se sont élevés à 18,43 euros par trimestre ; que la mainlevée de caution, qui aurait dû intervenir au plus tard le 30 octobre 2005, n'est intervenue que le 4 juin 2014, soit avec 33 trimestres de retard ; que le préjudice correspondant à ces frais inutiles s'élève donc, au total, à la somme de 608,19 euros ; qu'il n'est pas établi, en tout état de cause, qu'une date de levée des réserves plus précoce aurait réduit le délai mis par la région pour libérer la caution ; que la société requérante n'établit pas que son préjudice financier aurait excédé le montant cumulé des frais bancaires mentionnés ci-dessus et aurait atteint la somme de 1 084 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas condamné la région Normandie à lui verser les intérêts moratoires mentionnés aux points 4 et 6 ci-dessus ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Normandie le versement à la société PNSA de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la région Normandie ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La région Normandie versera à la société PNSA les intérêts moratoires afférents à la somme de 2 909,94 euros, au titre de la période comprise entre le 22 novembre 2006 et le 14 avril 2014. Les intérêts échus le 20 février 2014 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La région Normandie versera à la société PNSA la somme de 0,42 euros, correspondant aux intérêts de retard résultant du retard de mandatement du solde du marché.

Article 3 : La région Normandie versera à la société PNSA la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 1400605 du tribunal administratif de Rouen du 3 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société PNSA, à MeB..., et à la région Normandie.

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