La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2018 | FRANCE | N°17DA00728

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 15 février 2018, 17DA00728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais a ordonné son transfert aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1701165 du 17 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 avril et 14 juin 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.B....

.................

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais a ordonné son transfert aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1701165 du 17 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 avril et 14 juin 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.B....

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le bien-fondé du jugement :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ; que la faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un état tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;

2. Considérant qu'à supposer même que le lien de famille les unissant puisse être tenu pour établi, la présence en France du frère de M.B..., qui a été admis au statut de réfugié en 2011 et héberge le requérant à son domicile à Calais, ne suffit pas à caractériser une erreur manifeste d'appréciation de la préfète dans l'application des dispositions citées au point précédent, dès lors qu'il est constant qu'ils vivaient séparément jusqu'à l'arrivée en France du requérant et que celui-ci n'apporte aucun élément de nature à établir l'intensité de leurs attaches ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté attaqué ; que, toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant la juridiction administrative ;

4. Considérant que, par un arrêté du 28 octobre 2016, régulièrement publié, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions de transfert prises en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié de l'information prévue par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que de l'entretien individuel prévu par l'article 5 de ce règlement ;

6. Considérant qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et évoquée au point précédent, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; que le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection ; que, dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes de l'Etat qui s'est reconnu responsable de l'examen de sa demande ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) " ;

8. Considérant que l'arrêté attaqué et le formulaire de notification qui l'accompagne énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de transfert de M. B...aux autorités bulgares ; que celui-ci n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'obligation de motivation prévue par les dispositions citées au point précédent n'aurait pas été respectée ;

9. Considérant qu'il ressort des recherches entreprises sur le fichier européen Eurodac à partir du relevé décadactylaire établi le 30 août 2016 que l'intéressé a déposé en Bulgarie une demande d'asile ; que s'il soutient qu'il ne l'a pas fait, il n'apporte aucun élément de nature à établir que ces résultats seraient erronés ;

10. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable " ;

11. Considérant que le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux ; qu'ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte ;

12. Considérant que si le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a demandé en janvier 2014 la suspension temporaire des réadmissions vers la Bulgarie, il est constant que le HCR ne recommande plus, depuis le mois d'avril 2014, cette suspension mais seulement que les Etats s'assurent que la remise de l'étranger aux autorités bulgares s'avère compatible avec la protection des droits fondamentaux ; que si le Haut commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme a exprimé, le 11 août 2016, des inquiétudes sérieuses concernant le fait que les personnes entrant de manière irrégulière en Bulgarie sont sujettes à la détention, après deux visites de son équipe en Bulgarie au cours des huit derniers mois, révélant des politiques et pratiques inquiétantes concernant les migrants et les réfugiés, ainsi que des conditions dégradantes de vie dans certaines enceintes pour migrants, les critiques ainsi formulées demeurent ...; que les autres éléments invoqués par le requérant ne permettent pas de tenir pour établis les risques allégués de traitements inhumains et dégradants dans ce pays à l'endroit des demandeurs d'asile à la date de la décision contestée, ni l'atteinte qui serait portée au droit d'asile et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales ; qu'ainsi, il n'apparaît pas qu'il y aurait eu, à la date de la décision contestée, de sérieuses raisons de croire qu'il existait en Bulgarie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, les pièces du dossier n'établissent pas que M. B...pourrait être, en cas de retour en Bulgarie, exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, si M. B...se prévaut de la présence en France de son frère, il n'établit pas qu'il existerait entre eux des liens d'une intensité particulière, alors qu'il est constant qu'ils étaient séparés de longue date ; que le requérant, qui ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale en France, où il n'est entré qu'en 2016, n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 3 novembre 2016 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...devant le tribunal administratif doivent être rejetées, de même que les demandes présentées par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en première instance comme en appel ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 17 février 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil de M. B...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B..., au ministre de l'intérieur et à Me E...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°17DA00728 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00728
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-15;17da00728 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award