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30/11/2017 | FRANCE | N°16DA01470

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16DA01470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1601286 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 11 décembre 2015 et a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à MmeB....

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2016, la préfète de la Seine-Maritime dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1601286 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 11 décembre 2015 et a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2016, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende. (...) / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 Euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

2. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante congolaise née le 12 décembre 1985, s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour de sa qualité de mère d'un enfant français, son fils A...F..., né le 21 avril 2012, ayant été reconnu par anticipation, le 2 mars 2012, par un homme de nationalité française, M. G...F... ; que, pour rejeter cette demande, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur la circonstance, d'une part, que le père de l'enfant, qui a reconnu huit enfants de huit mères différentes, est soupçonné de reconnaissances multiples de paternité de complaisance dans le seul but de faire obtenir un titre de séjour en France aux mères de ces enfants et, d'autre part, que MmeB..., qui ne justifie par aucun autre élément avoir entretenu une relation avec le père de l'enfant, est elle-même soupçonnée d'avoir obtenu une reconnaissance de paternité de l'intéressé dans le seul but de régulariser sa situation en France ; que, toutefois, si une enquête préliminaire a été ouverte à l'encontre de M. F...pour reconnaissances frauduleuses de paternité, au cours de laquelle tant l'intéressé que Mme B...ont été entendus par les services de police, il est constant que cette enquête, dont le compte rendu a été transmis au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen, n'a donné lieu à aucune suite judiciaire ; que le préfet ne fournit aucun autre élément de nature à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du jeune A...qui ne ressort d'ailleurs pas des déclarations des intéressés eux-mêmes ; que, dans ces conditions, il ne saurait être regardé comme établi que cette reconnaissance de paternité a été souscrite frauduleusement dans le but de faciliter l'obtention par Mme B...d'un titre de séjour ; que, par suite, et alors que les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent nullement que le demandeur produise un titre d'identité français en cours de validité pour son enfant, en refusant de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu ces dispositions ; qu'il en résulte que cette autorité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 ;

Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me C...E...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me C...E...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...B...et à Me C...E....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

N°16DA01470 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01470
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-30;16da01470 ?
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