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30/11/2017 | FRANCE | N°16DA00265

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16DA00265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 décembre 2012 par lequel le maire de la commune de Lieu-Saint-Amand a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification de deux maisons individuelles sur un terrain situé ruelle des pruniers.

Par un jugement n° 1303057 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré

s les 9 février 2016 et 8 novembre 2017, M. C... B..., représenté par la SCP Debacker et associé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 décembre 2012 par lequel le maire de la commune de Lieu-Saint-Amand a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification de deux maisons individuelles sur un terrain situé ruelle des pruniers.

Par un jugement n° 1303057 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février 2016 et 8 novembre 2017, M. C... B..., représenté par la SCP Debacker et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lieu-Saint-Amand le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...D..., représentant la commune de Lieu-Saint-Amand.

1. Considérant que M. B...a saisi le maire de Lieu-Saint-Amand d'une demande de permis de construire portant sur l'édification de deux maisons individuelles sur un terrain situé ruelle des Pruniers, sur le territoire de cette commune ; que, par un arrêté du 10 décembre 2012, le maire de Lieu-Saint-Amand a refusé de délivrer ce permis de construire en se fondant sur trois motifs tirés, en premier lieu, de l'insuffisance des accès au terrain au regard des dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme, en deuxième lieu, de l'absence de desserte du terrain par les réseaux de distribution d'eau potable et d'électricité, et en troisième lieu, sur le risque pour la sécurité et la salubrité publiques qui résulterait de la situation du terrain d'assiette du projet ; que M. B... relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

Sur le premier motif de refus relatif à l'accès du terrain à la ruelle des pruniers :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lieu-Saint-Amand : " Le permis de construire peut être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. (...) / La largeur minimum des accès aux parcelles ne doit pas être inférieure à 4 mètres. / (...) Les accès doivent toujours être assujettis à l'accord du gestionnaire de la voirie concernée " ;

3. Considérant que, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le maire de la commune a retenu qu'en sa qualité de gestionnaire de la ruelle des pruniers, il avait émis un avis défavorable au projet au motif que celle-ci " est une voie en impasse avec difficulté pour demi-tour " ; que, ce faisant, le maire ne s'est pas prononcé sur les conditions d'accès à la parcelle mais sur celles de la desserte par la voie ; qu'ainsi, la circonstance que la voie serait en impasse et rendrait difficile un demi-tour est, en l'espèce, sans effet sur les modalités d'accès à la parcelle sur laquelle il est projeté de construire en front à rue deux logements avec garage ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la largeur de la voie d'au mois trois mètres, du faible trafic enregistré sur celle-ci, ou de la configuration des lieux, la ruelle étant rectiligne et l'accès de plus de quatre mètres se faisant directement sur la voie, les conditions d'accès à la parcelle présenteraient, en dépit du caractère en impasse de la ruelle, un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, dans son mémoire en défense, la commune de Lieu-Saint-Amand fait cependant valoir que le projet de M. B...serait contraire à d'autres dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme, concernant cette fois la voirie, selon lesquelles, d'une part, " les parties de voie en impasse à créer ou à prolonger doivent permettre le demi-tour des véhicules de collecte des ordures ménagères et des divers véhicules utilitaires " et, d'autre part, " aucune voie automobile susceptible d'être ouverte à la circulation générale à double sens ne doit avoir une largeur de plateforme inférieure à 8 mètres (trottoirs compris) ou une large de chaussée inférieure à 5 mètres " ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles régissent les caractéristiques des voies à créer, à prolonger ou à ouvrir à la circulation publique, mais n'ont pas pour objet de définir les conditions de constructibilité des terrains situés dans la zone concernée ; que, par suite, et à supposer que la commune ait entendu solliciter une substitution de motif sur ce point, elle n'est pas fondée à soutenir que les caractéristiques de la voirie existante faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire;

5. Considérant, en dernier lieu, que la commune de Lieu-Saint-Amand se prévaut également, dans ses écritures, des dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme, régissant cette fois la desserte des constructions, selon lesquelles " les constructions et installations doivent être desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques correspondent à leur destination " ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier que la ruelle des pruniers, si elle se termine en impasse, présente une largeur de plateforme suffisante pour autoriser le croisement de deux véhicules, et permet d'assurer dans des conditions suffisantes la desserte des constructions envisagées, compte tenu de leur destination, du faible trafic enregistré et de la configuration des lieux ; que, par suite, et à supposer que la commune ait entendu solliciter une substitution de motif sur ce point, elle n'est pas fondée à soutenir que les conditions de desserte faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour refuser la délivrance du permis de construire qu'il avait sollicité, le maire de Lieu-Saint-Amand s'est fondé sur la violation des dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

Sur le deuxième motif de refus relatif à l'absence de desserte par les réseaux de distribution d'eau et d'électricité :

En ce qui concerne le raccordement au réseau d'eau potable communal :

7. Considérant, d'une part, que l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Lieu-Saint-Amand prévoit notamment que toute construction nouvelle qui, de par sa destination, nécessite une utilisation d'eau potable doit être desservie par un réseau collectif de distribution d'eau potable sous pression de caractéristiques suffisantes ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, (...) sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire (...) ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés " ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 111-4 poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité ; qu'une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment du réseau public de distribution d'eau, ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente ; que, pour le réseau public de distribution d'eau, une telle modification peut notamment consister en l'installation d'une canalisation d'une longueur importante traversant des terrains autres que celui du pétitionnaire ; que l'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d'un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans son accord ;

10. Considérant que s'il n'est pas sérieusement contesté, ainsi que le soutient devant la juridiction la commune de Lieu-Saint-Amand, que les constructions existantes donnant dans la ruelle des Pruniers ne sont pas directement desservies par un réseau d'eau potable communal, cette circonstance ne suffit pas à elle-seule à justifier le refus ; qu'il appartenait en effet, conformément à ce qui a été rappelé au point précédent, au maire de la commune, gestionnaire de ce réseau, d'indiquer, ainsi que le soutient M. B..., les raisons qui s'opposaient à l'extension du réseau communal pour assurer la desserte des constructions situées ruelle des Pruniers ; que la commune ne fournit aucune explication sur ce point, ni dans sa décision attaquée, ni devant la juridiction ; que, par suite, elle n'a pas justifié légalement son refus au regard des dispositions précitées ;

En ce qui concerne le raccordement au réseau d'électricité :

11. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme s'appliquent dans les mêmes conditions au réseau de distribution d'électricité ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le concessionnaire ERDF, consulté, a indiqué le 6 novembre 2012 qu'il était nécessaire de procéder à une extension de 33 mètres du réseau existant en dehors du terrain d'assiette, il n'a pas mentionné de refus d'y procéder, ni imposé de délai d'attente ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que le pétitionnaire a manifesté son intention de financer la totalité des travaux d'extension ; que, par suite et au regard de ce qui a été rappelé au point précédent, en se fondant sur cet " avis " d'ERDF pour refuser le permis de construire, le maire n'a pas justifié légalement son refus au regard des dispositions précitées ;

Sur le troisième motif de refus tiré d'un risque d'atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

15. Considérant que les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers ;

16. Considérant que l'arrêté attaqué énonce que le projet sera situé à proximité d'une parcelle où il existe une activité de transport et de stockage de combustible pouvant générer des nuisances au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, toutefois, alors que M. B... conteste ce motif et fait valoir qu'il existe déjà de nombreuses habitations situées à proximité de l'entreprise en cause, la commune de Lieu-Saint-Amand n'a apporté aucune précision ni produit aucun élément de nature à démontrer la réalité et la gravité de ce risque de nuisances ; que, par ailleurs, si la commune fait valoir, dans ses écritures en défense, qu'un risque pour la sécurité publique résulterait également de la circulation de camions née de l'activité de l'exploitant au regard des caractéristiques de la ruelle des Pruniers, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que les constructions envisagées par M. B...ou leurs occupants seraient exposés à un risque réel et sérieux à ce titre ; qu'au demeurant, un tel risque n'avait pas été mentionné par le maire initialement dans la motivation de l'arrêté attaqué ; qu'il s'en suit que ce troisième motif de refus également entaché d'illégalité ne saurait justifier le refus opposé ;

17. Considérant qu'aucun autre moyen n'est de nature, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, à justifier l'annulation de la décision attaquée ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lieu-Saint-Amand le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

20. Considérant qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Lieu-Saint-Amand d'une somme au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 décembre 2015 et l'arrêté du maire de Lieu-Saint-Amand du 10 décembre 2012 sont annulés.

Article 2 : La commune de Lieu-Saint-Amand versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Lieu-Saint-Amand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune de Lieu-Saint-Amand.

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N°16DA00265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00265
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP DEBACKER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-30;16da00265 ?
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