Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il impute au blocage de sa carrière, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2010, date de sa demande préalable et d'enjoindre à La Poste de lui attribuer l'indice 544 brut avec une ancienneté de six mois pour la prise en compte du calcul de sa retraite.
Par un jugement n° 1100252 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a condamné La Poste à verser à M. E...la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi, augmentée des intérêts moratoires à compter du 27 septembre 2010 et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2014, M.E..., représenté par Me G... H..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 4 mars 2014 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à la somme de 2 500 euros le montant de l'indemnité à laquelle La Poste a été condamnée ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il impute au blocage de sa carrière, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2010 ;
3°) d'enjoindre à La Poste de lui attribuer l'indice 544 brut avec une ancienneté de six mois pour la prise en compte du calcul de sa retraite ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me D...C..., représentant La Poste.
Une note en délibéré présentée par Me A... F...pour La Poste a été enregistrée le 10 novembre 2017.
1. Considérant que M. B...E..., né en 1954, est entré à La Poste comme préposé le 4 octobre 1973 ; qu'il a accédé en 1982 au corps des agents d'exploitation distribution acheminement (AEXDA) puis en 1992 à celui des agents d'administration principal distribution acheminement (AAPDA) ; qu'il a atteint le 1er juillet 2000 l'indice brut 449 du 12° échelon de ce grade ; qu'il a ensuite refusé, le 26 juin 1994, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade en tant que fonctionnaire dit reclassé ; qu'il a été inscrit au titre de l'année 2009 sur la liste d'aptitude au grade de contrôleur de travaux de la distribution (CDTXD) et a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2011 ; que M. E...relève appel du jugement du 4 mars 2014 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à la somme de 2 500 euros, avec versement des intérêts moratoires au 27 septembre 2010, le montant de l'indemnité que La Poste a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice moral subi né du blocage de sa carrière et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif de Lille a reconnu l'existence d'une faute commise par La Poste de nature à engager sa responsabilité, tirée de l'absence de toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires dits reclassés ; que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués devant lui par M.E..., a pu ne pas différencier l'absence d'avancement au titre du dispositif de la reconnaissance de l'expérience professionnelle, au titre de ceux de la reconnaissance des acquis professionnels et de la discrimination alléguée qui aurait frappé le requérant du fait de son exclusion des dispositifs transitoires ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction que M. E...a obtenu au titre des années 2004 à 2009 la note maximale " E " indiquant " une valeur professionnelle largement supérieure aux exigences du poste " ; qu'en cause d'appel, le requérant produit les appréciations relatives à son aptitude à exercer des fonctions d'un niveau supérieur ; qu'au titre des années 2004, 2005 et 2006, les appréciations portées dans la rubrique " Aptitude à exercer des fonctions différentes de niveau supérieur " sont marquées " Excellentes ", soit le niveau maximum ; qu'au titre de l'année 2007, dans un formulaire réaménagé, la rubrique, " Aptitude à exercer un emploi différent de niveau supérieur " porte la mention maximale " Nettement supérieur " et la mention " Parfaitement adaptée " dans la rubrique " Aptitude à la conduite d'équipe et au développement des collaborateurs ", son manager ayant porté comme appréciation d'ensemble dans la rubrique " Projet professionnel " : " Candidature très intéressante " ; que si aucun avis n'apparait dans ces rubriques au titre de l'année 2008, au titre de l'année 2009, l'aptitude de M. E...à exercer un emploi différent de niveau supérieur est à nouveau notée au niveau maximum " Excellente " et son aptitude à la conduite d'équipe et au développement des collaborateurs " Bon " ; que si La Poste soutient en défense, que ses objectifs en 2004 et 2005 sont seulement atteints et non largement dépassés, il est constant qu'ils le sont pour les années 2006 à 2009 ; que les différentes rubriques " Niveau démontré dans le poste " sont toutes cochées " Nettement supérieur ", y compris en 2007 et 2008 contrairement à ce que soutient La Poste ; que M. E...est, dès lors, fondé à soutenir qu'il a perdu une chance sérieuse d'être promu au grade de contrôleur de travaux de la distribution (CDTXD) avant 2009, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993 ; que le jugement du tribunal administratif de Lille doit par suite être réformé sur ce point ; qu'eu égard à l'écart de rémunération existant entre le grade d'agent d'administration principal du service de la distribution et de l'acheminement et celui de conducteur de travaux et au fait qu'il n'est pas contesté que M. E...remplissait les conditions statutaires pour être promu à ce dernier grade, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de cette perte de chance en l'évaluant à la somme 8 000 euros ;
4. Considérant, d'autre part, que la faute relevée, consistant à priver, de manière générale, les fonctionnaires dits reclassés de toute possibilité de promotion interne, est la source d'un préjudice moral subi par M. E...dont il est en droit d'obtenir réparation, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; qu'il y a lieu de porter à 4 000 euros la somme que La Poste a été condamnée à lui verser de ce chef ;
Sur les intérêts :
5. Considérant que M. E...a adressé, en recommandé avec accusé de réception, une réclamation préalable qui a été reçue par La Poste le 27 septembre 2010 ; qu'il y a lieu d'assortir l'indemnité de 12 000 euros allouée au titre du préjudice né de la perte d'une chance sérieuse d'être promu et au titre du préjudice moral des intérêts moratoires à compter de cette date jusqu'au paiement effectif de celle-ci ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre à La Poste d'attribuer à M. E...l'indice 544 brut, dans un grade qui n'est au demeurant pas précisé par l'intéressé, avec une ancienneté de six mois pour la prise en compte du calcul de sa retraite ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a limité à la somme de 2 500 euros le montant de l'indemnité à laquelle La Poste a été condamnée ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de La Poste, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le montant de l'indemnité à laquelle La Poste a été condamnée par le jugement du 4 mars 2014 du tribunal administratif de Lille est porté de la somme de 2 500 euros à la somme de 12 000 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 27 septembre 2010.
Article 2 : Le jugement du 4 mars 2014 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. E...est rejeté.
Article 4 : La Poste versera à M. E...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à La Poste.
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N°14DA00765
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N°"Numéro"