La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2017 | FRANCE | N°15DA00839

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 24 mai 2017, 15DA00839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur général de l'aviation civile a refusé de l'autoriser à poursuivre ses fonctions d'ingénieur de contrôle de la navigation aérienne au-delà de limite d'âge de ce corps.

Par un jugement n° 1204639 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2015, M.B

..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur général de l'aviation civile a refusé de l'autoriser à poursuivre ses fonctions d'ingénieur de contrôle de la navigation aérienne au-delà de limite d'âge de ce corps.

Par un jugement n° 1204639 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2015, M.B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 mars 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la limite d'âge générale et absolue et sans possibilité de report imposée par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne établit une discrimination fondée sur l'âge incompatible avec le droit de l'Union européenne et notamment avec l'article 21 de la charte des droits fondamentaux, avec les directives 2000/78/CE et 2006/23/CE et avec le principe général du droit de l'Union de non-discrimination en fonction de l'âge, tel qu'affirmé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne .

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la limite d'âge de cinquante-sept ans est nécessaire et proportionnée au regard des dispositions du paragraphe 5 de l'article 2 et de celles du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité instituant la Communauté européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son article 21 ;

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, notamment ses articles 1, 2, 4 et 6 ;

- le règlement (CE) n° 551/2004 du 10 mars 2004 du Parlement et du Conseil ;

- la directive 2006/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 ;

- le règlement (CE) n° 1108/2009 du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 ;

- le règlement (UE) n° 805/2011 de la Commission du 10 août 2011 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 ;

- la loi n° 95-116 du 4 février 1995, notamment son article 91 ;

- la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, notamment son article 11 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, notamment ses articles 38 et 118 II ;

- la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 ;

- le décret n° 71-917 du 8 novembre 1971 ;

- le décret n° 90-998 du 8 novembre 1990 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- l'arrêté ministériel du 16 mai 2008 relatif aux conditions médicales particulières exigées pour l'exercice de fonctions de contrôle dans le cadre de la licence communautaire de contrôleur de la circulation aérienne ;

- l'arrêté ministériel du 16 mai 2008 relatif aux critères et conditions de délivrance des attestations d'aptitude médicale de classe 3 nécessaires pour assurer les services du contrôle de la circulation aérienne et à l'organisation des services de médecine aéronautique ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 janvier 2010, Colin Wolf c/ Stadt Frankfurt am Main, C-229/08 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de M.B....

1. Considérant que M.B..., qui est né le 15 octobre 1955, était membre du corps des ingénieurs en chef du contrôle de la navigation aérienne et était affecté à l'aéroport de Lille-Lesquin (Nord) ; qu'ayant atteint en dernier lieu le 7ème échelon, 3ème chevron, de son grade, il y exerçait les fonctions de chef de tour et de responsable d'équipe ; que, par un courrier daté du 26 mars 2012 et reçu le 29 mars suivant, M. B...a demandé au directeur général de l'aviation civile de l'autoriser à prolonger ses activités au-delà de la limite d'âge de son corps, soit au-delà de cinquante-sept ans ; qu'il relève appel du jugement du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision implicite du directeur général de l'aviation civile refusant de lui donner cette autorisation ;

Sur le cadre juridique du litige :

En ce qui concerne le droit national :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. / (...) " ; que toutefois, aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne : " La limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est fixée à cinquante-sept ans, sans possibilité de report. " ;

En ce qui concerne le droit de l'Union européenne :

3. Considérant, d'une part, que la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet, en vertu de ses articles 1 et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge ; que toutefois, aux termes du paragraphe 5 de son article 2 : " La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du paragraphe 1er de l'article 4 de la même directive : " Nonobstant l'article 2, paragraphes 1 et 2, les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée " ;

4. Considérant, d'autre part, que le paragraphe 2 de l'article 10 de la directive 2006/23/CE du Parlement européen et Conseil du 5 avril 2006 concernant une licence communautaire de contrôleur de la navigation aérienne, autorise les Etats membres, s'ils le jugent nécessaire pour des raisons de sécurité, à prévoir une limite d'âge pour les contrôleurs de la navigation aérienne dont les fonctions opérationnelles de contrôle de la circulation aérienne nécessitent la détention d'une telle licence ; que cette faculté était maintenue en vigueur par l'effet des dispositions de l'article 2 du règlement (CE) n° 1108/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ; qu'elle a, ensuite, été à nouveau maintenue en vigueur par l'article 31 du règlement (UE) n° 805/2011 de la Commission du 10 août 2011 établissant les modalités relatives aux licences et à certains certificats de contrôleur de la circulation aérienne ;

Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 avec les dispositions de l'article 2 § 5 et de l'article 4 § 1 de la directive du 27 novembre 2000 :

5. Considérant qu'une limite d'âge inférieure au droit commun constitue une différence de traitement selon l'âge affectant les conditions d'emploi et de travail au sens des dispositions précitées des articles 1 et 2 de la directive du 27 novembre 2000, ainsi que l'a notamment jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 12 janvier 2010 (affaire C-229/08) ; qu'une telle mesure peut cependant être justifiée si elle est nécessaire, aux termes du paragraphe 5 de l'article 2 de la directive, notamment à la sécurité publique ou si, en vertu du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive, la caractéristique qui fonde la différence de traitement, liée notamment à l'âge, en raison de la nature de l'activité professionnelle ou des conditions de son exercice, constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante de cette activité, pour autant que cette exigence soit proportionnée ; que la directive du Parlement et du Conseil du 5 avril 2006 ayant offert aux Etats membres, dans le but d'assurer la sécurité de la circulation aérienne, la faculté, maintenue en vigueur, d'instaurer une différence de traitement selon l'âge pour les contrôleurs de la navigation aérienne exerçant des fonctions opérationnelles et si celle-ci est ainsi justifiée dans son principe, en ce qui concerne ces contrôleurs, au regard des dispositions précitées de la directive du 27 novembre 2000 prohibant les discriminations professionnelles, il convient cependant de vérifier, d'une part, que la limite d'âge de cinquante-sept ans fixée par la loi du 31 décembre 1989 est justifiée en ce qu'elle concerne tous les membres du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, indépendamment de leur affectation dans leurs différentes fonctions et, d'autre part, que le niveau de la limite d'âge retenu est compatible avec les exigences posées par cette directive du 27 novembre 2000 et proportionné avec les motifs permettant d'instaurer une limite d'âge inférieure au droit commun ;

6. Considérant que la sécurité aérienne dépend principalement du contrôle assuré par les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ; que ce contrôle comporte le " contrôle en route ", consistant à guider les avions dans la traversée de l'espace aérien dont ils ont la charge, ainsi que le " contrôle d'approche ", consistant à guider les avions aux abords d'un aérodrome, depuis la vigie d'une tour de contrôle ou une salle de radar et le " contrôle d'aérodrome ", consistant à accompagner l'atterrissage des aéronefs ; que, dans le cadre du contrôle en route, dont ils ont la charge exclusive, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne doivent assurer seuls la gestion du vol des avions croisant dans un même espace aérien à des altitudes, vitesses et trajectoires différentes et être capables de recomposer immédiatement le plan de vol des appareils en fonction des positions des uns et des autres ; que, dans le cadre des deux autres types de contrôles qu'ils effectuent, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne doivent également assurer en toute sécurité l'approche des aérodromes et l'utilisation des pistes ; que l'exercice par ces derniers de leurs différentes fonctions nécessite une attention constante aux informations données par leurs écrans radar et une capacité à prendre immédiatement les mesures nécessaires à la bonne gestion des situations qui se présentent à eux ; qu'eu égard aux conséquences potentielles d'une erreur qu'ils commettraient, des exigences de réactivité appropriée particulièrement fortes s'imposent à eux ;

7. Considérant que l'exercice par les contrôleurs de la navigation aérienne de leurs fonctions nécessite, compte tenu de la nature de leur travail sur écran, de la vigilance permanente exigée par les situations d'urgence auxquelles ils sont susceptibles d'être confrontés et des cycles de travail irréguliers de jour comme de nuit qui sont les leurs, des facultés d'attention, de concentration et de récupération dont la mobilisation particulièrement intense et constante s'accompagne d'une importante charge mentale ; que ces facultés sont susceptibles d'être affectées par l'âge, dès lors que celui-ci peut amoindrir l'endurance, la vigilance et les performances au travail du contrôleur de la navigation aérienne ; que si, dans leur mission de contrôle en route, ces agents travaillent par équipes de deux, chacun de ses membres est chargé d'une tâche spécifique et complémentaire et ne peut, pour cette raison, relâcher son attention pendant toute la durée de son cycle de travail ; qu'ainsi, l'institution d'une règle générale permet d'éviter que soient encore en fonction des agents dont les aptitudes seraient amoindries par l'âge ; que, d'ailleurs, si le requérant fait valoir que les examens médicaux annuels, nécessaires à la délivrance des attestations médicales de classe 3 qui accompagnent la licence de contrôleur de la circulation aérienne, auxquels ces agents sont soumis à partir de l'âge de quarante ans, permettraient d'évaluer de manière individuelle, sans qu'une limite d'âge générale fût nécessaire, les facultés d'attention, de concentration et de récupération indispensables à l'exercice de leurs fonctions, il ressort des pièces du dossier que ces examens ne sont ni destinés, ni adaptés à l'évaluation de ces facultés et de la charge mentale qui y est associée ; que, compte tenu de ces spécificités et ainsi qu'il a été dit, le paragraphe 2 de l'article 10 de la directive 2006/23/CE du Parlement européen et Conseil du 5 avril 2006 concernant une licence communautaire de contrôleur de la navigation aérienne, dont les dispositions ont été maintenues en vigueur, a autorisé les Etats membres, pour des raisons de sécurité, à prévoir des limites d'âge pour les contrôleurs chargés de fonctions opérationnelles ;

8. Considérant que si treize pour cent des membres du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sont affectés à des fonctions dites " hors salle ", notamment sur des emplois ouverts à des fonctionnaires relevant d'autres corps, c'est-à-dire sans avoir à exercer une activité opérationnelle de contrôle de la navigation aérienne, ceux-ci doivent néanmoins conserver leur aptitude à ce contrôle et être à même, en fonction des besoins, de reprendre à tout moment une activité opérationnelle en salle de contrôle ; que l'institution d'une telle limite d'âge générale et dérogatoire par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989, répondant à l'objectif de garantir la sécurité aérienne, est, par suite, justifiée au regard des dispositions du paragraphe 5 de l'article 2 de la directive ; qu'elle répond, également, à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour atteindre cet objectif, au sens des dispositions du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du 27 novembre 2000 ;

9. Considérant que si certains Etats, telle la Nouvelle-Zélande, ne fixent aucune limite d'âge particulière pour les agents chargés du contrôle de la circulation aérienne et si plusieurs Etats européens, dont l'Espagne et les pays scandinaves, ont fixé, pour ces derniers, une limite d'âge de soixante-cinq ans, les Etats membres du " bloc d'espace aérien fonctionnel centre-européen ", constitué sur le fondement de l'article 5 du règlement n° 551/2004 du 10 mars 2004 relatif à l'organisation et à l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel unique européen et auquel appartient la France, ont tous adopté, pour les contrôleurs de la navigation aérienne, des limites d'âge dérogatoires au droit commun et inférieures à soixante ans ; qu'elles varient ainsi entre cinquante-cinq ans et cinquante-huit ans, en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas ; qu'une limite d'âge de cinquante-sept ans a été fixée au sein de l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne " Eurocontrol " ; qu'enfin, la limite d'âge est fixée à cinquante-six ans au Etats-Unis et à soixante ans en Italie, en Russie et en Chine ;

10. Considérant que si la limite d'âge imposée aux pilotes de ligne ainsi qu'aux techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile est supérieure à celle retenue pour les ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne, il est constant qu'ils n'exercent pas des fonctions similaires ; qu'en particulier, les techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile, agents de catégorie B, lorsqu'ils exercent des missions de contrôle aérien, le font alors uniquement dans les aérodromes, en vision directe et, en principe, de jour ;

11. Considérant que s'il est vrai que les possibilités de reclassement offertes dans le corps des ingénieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile sont limitées, celles-ci doivent néanmoins être prises en considération dès lors qu'elles permettent aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne de poursuivre, sur leur demande et après examen professionnel, une activité au-delà de la limite d'âge qui leur est applicable ;

12. Considérant, enfin, que si, en application de l'article 38 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et dans le cadre du recul général de l'âge des départs à la retraite tenant compte des évolutions de l'espérance de vie et de l'état de santé et d'aptitude des populations, la limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sera progressivement reculée pour les agents nés à compter du 1er juillet 1961, qui atteindront l'âge de cinquante-sept ans à compter du 1er juillet 2018, et sera définitivement portée à cinquante-neuf ans pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963, soit à compter du 1er janvier 2022, il résulte de ce qui précède que la limite d'âge de cinquante-sept ans pour les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, en vigueur à la date du litige, doit être regardée comme nécessaire et proportionnée au regard des dispositions du paragraphe 5 de l'article 2 et de celles du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive invoquée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 méconnaîtrait les dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 interdisant les discriminations en fonction de l'âge ;

Sur les autres moyens :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : "1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur (...) l'âge (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit aux points précédents, eu égard à l'objectif d'intérêt général qui s'attache à la sécurité aérienne, la différence de traitement imposée, en ce qui concerne l'âge de départ à la retraite, aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne poursuit un but légitime et présente une justification raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 imposant une limite d'âge à cinquante-sept ans, sans possibilité de report, aux membres du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne méconnaîtrait les stipulations l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le principe général du droit de l'Union de non-discrimination en fonction de l'âge doivent être écartés ;

15. Considérant que, d'une part, comme il a été dit aux points 4 et 7, le paragraphe 2 de l'article 10 de la directive 2006/23/CE du Parlement européen et Conseil du 5 avril 2006 concernant une licence communautaire de contrôleur de la navigation aérienne autorise expressément les Etats membres, s'ils le jugent nécessaire pour des raisons de sécurité, à prévoir une limite d'âge pour les contrôleurs de la navigation aérienne dont les fonctions opérationnelles de contrôle de la circulation aérienne nécessitent la détention d'une telle licence ; que, d'autre part, comme il a été dit au point 8, si des membres du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sont affectés à des fonctions dites " hors salle ", ceux-ci doivent néanmoins conserver leur aptitude à ce contrôle et être à même, en fonction des besoins, de reprendre à tout moment une activité opérationnelle en salle de contrôle ; que les agents concernés sont ainsi tenus, alors même qu'ils n'exercent pas effectivement des fonctions opérationnelles de contrôle, de conserver leur licence communautaire ; qu'ainsi, le législateur a pu, sans méconnaître les objectifs fixés par la directive du 5 avril 2006, maintenir en vigueur la limite d'âge imposée par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 aux membres du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette disposition législative serait contraire à ces objectifs doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience publique du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 mai 2017.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPIN Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

1

2

N°15DA00839

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00839
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Portée des règles du droit de l'Union européenne - Directives.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite pour ancienneté - limites d'âge.

Transports - Transports aériens - Aéroports - Contrôle de la navigation aérienne.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : SELAFA CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-24;15da00839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award