Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A..., M. F...A..., M. I...A...et Mme H...A...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 13 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Mortemer a approuvé le plan local d'urbanisme.
Par jugement n° 1300380 du 10 mars 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2015 et 13 juin 2016, Mme E... A...et autres, représentés par Me D...B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 13 décembre 2012 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Mortemer ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mortemer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les objectifs poursuivis n'ayant pas été définis avant la délibération du 25 juin 2010, la concertation qui avait démarré dès 2007 a été privée d'effet utile ;
- les modalités de concertation telles que définies par la délibération du 9 octobre 2007 n'ont pas été respectées, la boîte à idées n'ayant pas été mise en place ;
- la commune ne démontre pas que la délibération du 25 juin 2010 a été affichée pendant un mois en mairie ni que cet affichage a fait l'objet d'une publication ;
- les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement convoqués à la réunion du 13 décembre 2012, en méconnaissance de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales ;
- le classement en zone 2AUr des parcelles AB 52, 54 et 56, qui sont desservies par des réseaux et ont un accès à la voie publique, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme ;
Par deux mémoires, enregistrés le 14 août 2015 et le 4 juillet 2016, la commune de Mortemer, représentée par la SELARL Garnier Roucoux et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...B..., représentant Mme A...et autres, et de Me C...G..., représentant la commune de Mortemer.
1. Considérant que Mme A...et autres, propriétaires de terrains sur la commune de Mortemer, dans l'Oise, ont contesté la délibération du 13 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de cette commune a approuvé le plan local d'urbanisme ; qu'ils relèvent appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à son annulation pour excès de pouvoir ;
Sur la concertation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet (par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé) " ; que l'article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des délibérations du 9 octobre 2007 et du 25 juin 2010, dispose que : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme / (...) " ; qu'il est précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ; que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation ; que, si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme ; qu'ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé;
4. Considérant que, par une première délibération du 9 octobre 2007, le conseil municipal de la commune de Mortemer a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, défini les objectifs poursuivis et arrêté les modalités de concertation préalable ; qu'une seconde délibération du 25 juin 2010 a précisé les objectifs poursuivis ; que les modalités de la concertation adoptées prévoyaient l'ouverture d'un registre sur lequel le public pourrait consigner toute observation, la mise en place d'une boîte à idées, la mise à disposition des documents de diagnostic, une exposition du plan d'aménagement et de développement durable complétée par une réunion publique et une information suivie dans la revue municipale ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir par la voie de l'exception de l'imprécision des objectifs tels qu'ils ont été définis, ou critiquer les modalités de concertation arrêtées ; que la circonstance que la délibération du 25 juin 2010 mentionnée au point précédent n'aurait pas été publiée de manière complète est également, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la boîte à idées prévue n'a pas été mise en place par la commune ; que cette dernière fait valoir, sans être sérieusement contredite, que cette modalité de consultation n'a pas été utilisée par le public, les personnes intéressées ayant d'ailleurs préféré déposer leurs observations dans le registre également ouvert en mairie pour recueillir les avis, remarques et propositions de la population ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des irrégularités auraient affecté le déroulement de la concertation sur ce point ;
7. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que, compte tenu de la durée de la concertation qui s'est tenue du 9 octobre 2007 au 22 mars 2012, les personnes intéressées ont pu se prononcer sur les objectifs tels qu'ils avaient été précisés par la seconde délibération du 25 juin 2010 ; qu'il en va de même de la modification du plan d'aménagement et de développement durable le 24 novembre 2011 pour prendre en compte les inondations qui avaient touché la commune l'année précédente ; que, par suite, les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que des irrégularités auraient affecté le déroulement de la concertation sur ces points ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, doivent être écartés ;
En ce qui concerne la convocation des conseillers municipaux :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion (...) " ;
10. Considérant que la délibération du 13 décembre 2012, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, indique que l'assemblée délibérante s'est réunie à la suite de la convocation adressée par le maire le 7 décembre 2012 ; que cette convocation a été produite à l'instance par la commune ; que les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause le caractère probant de ces pièces ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales manque en fait ;
Sur l'erreur manifeste d'appréciation dans le classement des parcelles AB52, AB 54 et AB 56 :
11. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste, fondée sur des faits matériellement inexacts, ou entachée de détournement de pouvoir ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les zones urbaines sont dites "zones U". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter " ; qu'aux termes de l'article R. 123-6 du même code : " Les zones à urbaniser sont dites "zones AU". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme " ;
13. Considérant que le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Mortemer définit la zone 2 AU comme une zone " à urbaniser destinée au développement résidentiel à long terme du village " et prévoit conformément aux dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme précitées qu'elle ne pourra être urbanisée qu'après une modification du plan local d'urbanisme ;
14. Considérant que Mortemer est une commune rurale qui compte environ 200 habitants ; que ses perspectives d'urbanisation, évaluées à une construction nouvelle par an, sont réduites ; qu'en adoptant son plan local d'urbanisme, le conseil municipal a entendu privilégier le comblement des " dents creuses " du village et ne pas ouvrir, à court ou moyen terme, d'autres terrains à l'urbanisation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la partie méridionale des parcelles 52 et 54 constituent des dents creuses dans l'urbanisation qui se développe le long de la Grande Rue et sont, de ce fait, classées en zone Uar ; que la partie septentrionale des parcelles 52 et 54, la plus importante, et la parcelle 56 en son entier qui se situent au second rang par rapport à la Grande Rue, ne supportent aucune construction et sont entourées à l'ouest, au nord et à l'est de parcelles classées en zone agricole ou naturelle ; que pour ces raisons, elles ont été classées dans la zone 2AUr réservée pour une urbanisation à plus long terme si les perspectives de développement de la commune le justifiaient ; que la proximité au sud d'une zone d'habitat pavillonnaire ne fait pas obstacle au classement de ces terrains en zone 2AUr, alors même qu'ils pourraient être raccordés aux réseaux publics et à la voirie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que classement en zone 2AUr des terrains des requérants serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 13 décembre 2012 approuvant le plan local d'urbanisme ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme A...et autres sur ce fondement ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...et autres une somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Mortemer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...et autres est rejetée.
Article 2 : Mme A...et autres verseront à la commune de Mortemer la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A..., à M. F...A..., à M. I...A...et à Mme H...A...et à la commune de Mortemer.
Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 mai 2017.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIER Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA00748 2