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06/04/2017 | FRANCE | N°16DA01208

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 06 avril 2017, 16DA01208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...née A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 janvier 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600432 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er

juillet 2016, Mme B...D..., représentée par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...née A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 janvier 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600432 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2016, Mme B...D..., représentée par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1997 versée à MeC..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Elle soutient que :

- la décision portant refus du titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en violation de l'obligation de saisine du médecin de l'agence régionale de santé d'après les dispositions du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination viole les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2017, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le refus de délivrance de titre de séjour :

1. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

2. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;

3. Considérant que MmeD..., ressortissante kosovare née le 22 juillet 1978 à Gjilan, déclare être entrée en France le 13 juin 2013 ; qu'après le rejet, par une décision du 30 mai 2014, de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de sa demande de protection au titre de l'asile, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 23 décembre 2014, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime, une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il ressort des termes de sa décision que la préfète a également entendu examiner cette demande sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du même code, la requérante ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du même code à l'encontre du refus que l'autorité préfectorale a opposé à sa demande de titre de séjour qui, à la date de l'arrêté attaqué, n'a été ni présentée, ni examinée, sur le fondement de cet article ;

Sur l'obligation de quitter le terrain français et la décision fixant le pays de destination :

4. Considérant qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français :/ (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 " ; que le premier alinéa de cet article dispose : " (...), le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour sur les dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale qui dispose d'éléments suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement en France est susceptible de bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, saisir le médecin mentionné à l'article R. 313-22 pour avis ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de sa demande de titre de séjour, Mme D...a transmis aux services de la préfecture un compte rendu en date du 23 septembre 2014 du centre d'accueil spécialisé pour les agressions du centre hospitalier de Rouen qui faisait état d'un lien possible entre des traces corporelles et le récit d'agressions que l'intéressée avait déclaré avoir subies ainsi qu'un certificat médical du médecin psychiatre de l'unité mobile d'action psychiatrique précarité (UMAPP) du 21 janvier 2015 qui suit l'intéressée depuis janvier 2014 faisant état des risques d'une exceptionnelle gravité que pourrait subir l'intéressée en cas d'arrêt du traitement suivi ; que ces documents ont été corroborés par un certificat du 18 mars 2015 établissant un suivi régulier entre 2014 et 2015 comportant la mention des neuf visites à l'UMAPP et un certificat du 3 juillet 2014 du même médecin spécialiste rappelant la nécessité d'un traitement régulier ; que ce médecin a encore confirmé quelques jours après la décision attaquée les risques pour l'intéressée en cas d'absence de traitement ; que la préfète ne fait pas état d'éléments qui justifieraient d'écarter ces certificats ; que, par suite, à défaut d'éléments suffisamment probants venant contredire les constatations de professionnels de santé qualifiés, il appartenait à la préfète, avant toute mesure d'éloignement et alors même qu'elle n'avait pas été saisie sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir le médecin de l'agence régionale de santé (MARS) compétent afin de recueillir préalablement son avis médical en application des dispositions citées au point précédent ; qu'il est constant que la préfète s'est abstenue d'y procéder ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de l'intéressée ne faisait pas obstacle à son éloignement ; que, par suite, Mme D...est fondée à soutenir, d'une part, que ce défaut de saisine du MARS entache la décision d'illégalité et d'autre part, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Seine-Maritime en tant qu'elle l'oblige à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle qui fixe le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 21 janvier 2016 ;

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que la demande de Mme D...soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à Me C...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions de la préfète de la Seine-Maritime qui oblige Mme D...à quitter le territoire français et qui fixe le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 21 janvier 2016, sont annulées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme D...tendant à l'annulation des deux décisions mentionnées à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à la préfète de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et à Me E...C....

Délibéré après l'audience publique du 23 mars 2017 d'audience à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 avril 2017.

Le président-assesseur,

C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président-rapporteur,

O. YEZNIKIAN

Le greffier,

C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01208
Date de la décision : 06/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Procédure.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-04-06;16da01208 ?
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