Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1503669 du 10 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2016, et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2016 et 19 décembre 2016, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la préfète a commis une erreur de droit en estimant qu'il ne pouvait prétendre au renouvellement de son certificat de résidence, sur le fondement des articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il ne prouvait pas la régularité de son séjour, ne justifiait pas de moyens d'existence et constituait une menace à l'ordre public ;
- elle a commis une erreur de droit en le regardant comme un primo-immigrant, au motif qu'il aurait séjourné en Algérie de 1997 à 2001, sans tenir compte de sa situation particulière ;
- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont entachées d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, et un mémoire en réponse, enregistré le 26 décembre 2016, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 12 décembre 1959 en France, a bénéficié d'un certificat de résidence entre 1981 et 1991 ; qu'il a, entre 1984 et 1996, fait l'objet d'une dizaine de condamnations judiciaires à des peines d'emprisonnement ; qu'après avoir purgé sa peine, il a vécu en Algérie de 1997 à 2001 à la suite de la mise en oeuvre d'un arrêté d'expulsion pris à son encontre par le ministre de l'intérieur le 25 mars 1988 ; qu'il est revenu en France à la suite de l'abrogation de cette mesure d'expulsion par un arrêté ministériel du 2 octobre 2000 intervenu en exécution d'une décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avait, le 30 décembre 1998, annulé un précédent refus d'abrogation du ministre de l'intérieur du 13 juin 1994 ; qu'après son retour en France en 2001, l'intéressé a été, de nouveau, condamné, en 2003, à deux ans d'emprisonnement notamment pour recel de bien provenant d'un vol commis à l'aide d'une effraction puis, en 2006, à une peine d'emprisonnement, à dix ans de réclusion criminelle pour un viol commis en 2002 et à une interdiction de séjourner pendant dix années dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais ; qu'enfin, il a été condamné en 2013 à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans pour conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique ; que M. B...ayant demandé à la préfecture de la Somme, le 7 avril 2015, son admission exceptionnelle en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans, l'autorité préfectorale a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire et a fixé l'Algérie comme pays de destination ; que l'intéressé relève appel du jugement du 10 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la méconnaissance du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1) Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
3. Considérant que les stipulations précitées de l'accord franco-algérien, qui ont pour seul objet de définir les conditions particulières que les intéressés doivent remplir lorsqu'ils demandent à séjourner en France, ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public ;
4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Somme s'est fondée sur les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien et non sur celles de l'article 7 bis, contrairement à ce qui est soutenu ; qu'elle a notamment pris en considération la nature, le caractère répété et la gravité des faits pour lesquels l'intéressé a fait l'objet de multiples condamnations dont le quantum dépasse dix-huit années d'emprisonnement pour apprécier, ainsi qu'elle pouvait légalement le faire, la menace pour l'ordre public que M. B... continuait de présenter à la date de sa décision ; qu'en outre, seule la mesure refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion ayant été annulée par la décision citée au point 1 du Conseil d'Etat, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que la demande de titre de séjour dont elle était saisie devait être regardée comme l'ayant été en qualité de primo-immigrant à la suite du retour de l'intéressé en France ; qu'en outre, si M. B...est revenu en France à compter de 2001, il y a lieu de déduire du calcul de la durée de son séjour en France depuis lors, les années passées en prison après ses condamnations de 2003 et de 2006 ; que, par suite et alors que l'intéressé ne justifie pas, en tout état de cause, que sa situation résulterait d'un comportement déloyal de l'administration préfectorale à son égard, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Somme aurait commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer de droit un certificat de résidence sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
En ce qui concerne l'atteinte à la vie privée et familiale :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que M.B..., célibataire, a passé une partie significative de ses deux séjours prolongés en France en prison du fait des délits et du crime dont il s'est rendu coupable ; qu'entre 1984 et 1996 puis de nouveau en 2003, l'intéressé a notamment été condamné pour des délits de vols, recels, violences volontaires, fuite et refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, conduite sous l'empire d'un état alcoolique, dégradation ou détérioration d'un monument ou objet d'utilité publique, rébellion et mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence ; qu'en 2006, il a été condamné pour un viol commis en janvier 2002, soit l'année suivant son retour en France, à une réclusion criminelle de dix ans exécutée en décembre 2011 ; qu'enfin, en décembre 2012, il a été arrêté puis, en mars 2013, condamné pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; que, si pendant le délai de deux ans de mise à l'épreuve prononcé à son encontre en mars 2013, M. B...n'apparaît pas avoir commis d'autres infractions, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier qu'il a entamé une véritable démarche de réinsertion sociale dans la société française ; que les attestations de ses parents et de sa soeur, au demeurant postérieures à l'arrêté attaqué, ne suffisent pas à le faire regarder comme ayant cessé de présenter une menace pour l'ordre public ; que si des liens ont été maintenus avec ses parents, désormais âgés, et une de ses soeurs et si des liens se sont créés ou reconstitués en partie récemment avec ses deux fils actuellement âgés de trente-deux et de trente-quatre ans et dont l'un a été reconnu postérieurement à l'arrêté attaqué, il ne ressort pas des documents produits qu'à la date de la décision attaquée, l'ensemble de ces liens présentaient une intensité telle qu'ils justifiaient le maintien en France de l'intéressé ; que, par suite, et compte tenu des conditions du séjour en France et en dépit de sa durée, la préfète de la Somme n'a pas, dans les circonstances très particulières de l'espèce, en prenant la mesure contestée, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6 et compte tenu de la gravité et de la répétition des infractions commises et en l'absence de perspectives sérieuses de réinsertion, la préfète de la Somme n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M.B... ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, M. B...n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi seraient privées de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 janvier 2017.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00687 2