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14/10/2016 | FRANCE | N°15DA01439

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 14 octobre 2016, 15DA01439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur de bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie.

Par un jug

ement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cet a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur de bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie.

Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, et un mémoire, enregistré le 17 septembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la FNSEA et la FDSEA de la Somme devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) à titre subsidiaire, de moduler dans le temps des effets de l'annulation de l'arrêté attaqué.

Elle soutient que :

- le préfet coordinateur du bassin n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant le seuil de concentration en nitrates à 19 mg/l ;

- l'annulation de l'arrêté attaqué emporterait des conséquences manifestement excessives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2016, la FDSEA de la Somme, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) de confirmer du jugement du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution du jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- aucun élément de fait ou de droit ne justifierait une modulation dans le temps des effets de l'arrêté.

Par un mémoire, enregistré le 12 août 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, conclut aux mêmes fins que la requête.

Elle fait valoir que, par une décision du 27 mai 2016, le Conseil d'Etat a prononcé le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille en estimant qu'aucun des moyens soulevés devant les premiers juges n'apparaissait en l'état de l'instruction de nature à justifier l'annulation de l'arrêté.

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2016, la FDSEA de la Somme conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'arrêt du Conseil d'Etat ne préjuge pas de ce que l'ensemble des moyens soulevés devant les premiers juges est voué au rejet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- La Constitution, et notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et la Charte de l'environnement ;

- la convention du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière ;

- la convention du 22 septembre 1992 pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, dite convention OSPAR ;

- la convention du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eaux transfrontaliers et des lacs intérieurs ;

- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...C..., représentant la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Considérant que, pour déterminer le seuil de pollution aux nitrates attaché au critère d'eutrophisation marine, lequel n'est ni fixé par la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, ni par le code de l'environnement, le préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, qui détient un large pouvoir d'appréciation, s'est fondé sur l'objectif, adopté dans le cadre de la convention du 22 septembre 1992 pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, dite convention OSPAR, de diminution de 50 % des apports en nutriments, et notamment en azote, considéré comme permettant de limiter voire de diminuer l'eutrophisation marine ; que, pour fixer la concentration maximale admissible en nitrates aux estuaires de bassin, le préfet s'est ensuite fondé sur un rapport réalisé en 2000 par l'agence de l'eau Artois-Picardie évaluant les flux de nitrates et le débit des trois principaux fleuves côtiers du bassins ; que ces données ont alors été rapprochées de l'objectif de la convention OSPAR pour fixer la concentration maximale admissible aux estuaires à 12,8 mg/l ; que le préfet a ensuite, à partir de la concentration maximale admise aux estuaires, déterminé le seuil admissible dans les cours d'eau affluents, en prenant en compte le phénomène naturel d'auto-épuration ; qu'il a, pour ce faire, retenu la même valeur d'auto-épuration que celle du bassin de Seine-Normandie en considérant que ce dernier bassin présentait des similitudes avec le bassin Artois-Picardie ; que si la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme critique l'analogie retenue par le préfet entre le bassin Seine-Normandie et le bassin Artois-Picardie, elle indique toutefois que la capacité naturelle d'épuration des fleuves et rivières n'est scientifiquement calculable par aucun modèle reconnu à ce jour ; qu'elle fait, par ailleurs, valoir de manière générale que la Seine et l'Authie sont différentes par leur débit, leur pente, leur largeur et que le fleuve l'Authie est affecté par une pollution de rejets de nitrates provenant d'activités étrangères à l'agriculture ; que, toutefois ces considérations générales non assorties d'autres éléments probants ne permettent pas de remettre en cause les données retenues par le préfet qui, pour sa part, a relevé les similitudes d'ensemble qui existent tant au regard de la morphologie des terrains et des caractères des cours d'eau que des risques d'eutrophisation dans les bassins Seine Normandie et Artois-Picardie ; que, dès lors, le préfet coordinateur de bassin, en retenant une valeur d'auto-épuration de 33 % et en fixant en conséquence le seuil de concentration en nitrates à 19mg/l, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le motif tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet en fixant le seuil de concentration en nitrates à 19 mg/l ;

2. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant devant la juridiction administrative ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-77 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le préfet coordonnateur de bassin élabore, avec le concours des préfets de département, à partir des résultats obtenus par le programme de surveillance de la teneur des eaux en nitrates d'origine agricole et de toute autre donnée disponible, un projet de délimitation des zones vulnérables en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, des représentants des usagers de l'eau, des communes et de leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l'eau, des associations agréées de protection de l'environnement intervenant en matière d'eau et des associations de consommateurs. / Le préfet coordonnateur de bassin transmet le projet de délimitation des zones vulnérables aux préfets intéressés qui consultent les conseils généraux et les conseils régionaux (...), ainsi que les conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et les chambres d'agriculture. / Le préfet coordonnateur de bassin arrête la délimitation des zones vulnérables après avis du comité de bassin. / Les avis sont réputés favorables s'ils n'interviennent pas dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande d'avis. / L'inventaire des zones vulnérables est rendu public. (...) / L'inventaire des zones vulnérables est modifié selon la même procédure que celle prévue pour son adoption. Cet inventaire fait l'objet d'un réexamen au moins tous les quatre ans " ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du préfet :

4. Considérant que les dispositions citées au point précédent du code de l'environnement donnent compétence au préfet coordinateur du bassin pour délimiter les zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole ; que l'eutrophisation compte au nombre des éléments à prendre en compte pour déterminer les zones vulnérables ; que l'arrêté attaqué du 28 décembre 2012 a pour seul objet de fixer la liste des communes vulnérables à ces pollutions dans le bassin Artois-Picardie ; qu'en arrêtant cette liste, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordinateur du bassin, n'a pas excédé sa compétence ;

En ce qui concerne le moyen tiré des vices liés aux consultations prévues par l'article R. 211-77 du code de l'environnement :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet coordonateur a, en application des dispositions de l'article R. 211-77 du code de l'environnement citées au point 2, transmis pour avis le projet de délimitation des zones vulnérables aux conseils départementaux de l'Aisne, du Nord, de l'Oise, du Pas-de-Calais, de la Somme, ainsi qu'aux chambres d'agriculture et aux conseils de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques de ces départements ; que le projet a également été transmis aux conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie ainsi qu'aux chambres régionales d'agriculture de ces régions ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de consultation des organismes obligatoirement saisis pour avis en application de ces dispositions manque en fait ;

6. Considérant que les pièces produites par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais permettent d'établir que le délai de deux mois, prévu par le quatrième alinéa de l'article R. 211-77 précité, qui permet aux conseils départementaux, aux conseils régionaux, aux chambres d'agriculture et aux conseils de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, de se prononcer explicitement ou implicitement, a été, en l'espèce, respecté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les organismes consultés n'auraient pas disposé de délais suffisants pour se prononcer en connaissance de cause, doit être écarté ;

7. Considérant que la chambre d'agriculture de la Somme, la chambre régionale d'agriculture de Picardie, le conseil général de la Somme, le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques de la Somme, et le comité de bassin Artois-Picardie ont émis des avis défavorables ou réservés, notamment sur le classement en zone vulnérable de communes situées dans le bassin de la rivière Authie ; que, toutefois, le préfet coordinateur du bassin n'était pas tenu par ces avis consultatifs ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de participation du public :

S'agissant de la méconnaissance de la Charte de l'environnement :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi (...) de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement " ;

9. Considérant que, d'une part, la délimitation des zones vulnérables n'est pas, par elle-même, susceptible d'avoir une incidence directe sur l'environnement ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la procédure a été mise en oeuvre en application des prescriptions des articles R. 211-75 à R. 211-77 du code de l'environnement ; qu'enfin, aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur à la date de la signature de l'arrêté n'impose la participation du public à la délimitation des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole ; qu'au demeurant, une phase de concertation locale a eu lieu du 10 novembre au 2 décembre 2012, la mise en ligne du projet de délimitation de ces zones s'accompagnant d'une adresse électronique ouverte au public souhaitant formuler des observations sur le projet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la participation du public aurait été insuffisante au regard des exigences découlant des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit, en tout état de cause, être écarté ;

S'agissant de la méconnaissance des stipulations de la convention d'Aarhus :

10. Considérant, d'une part, que si les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sont d'effet direct, ils ne régissent la participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement qu'en ce qui concerne les activités particulières mentionnées à l'annexe 1 de cette convention, laquelle ne comprend pas la délimitation des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole ; que, d'autre part, les articles 7 et 8 de cette convention créent seulement des obligations entre les Etats parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; qu'elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'encontre de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cette convention doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de consultation des autorités étrangères :

11. Considérant, d'une part, que les stipulations de la convention du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eaux transfrontaliers et des lacs intérieurs, ainsi que l'article 5 de la convention du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière créent seulement des obligations entre les Etats parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; que, par suite, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées au soutien du moyen tiré du défaut de consultation des autorités étrangères ;

12. Considérant, d'autre part, que si l'article 3 de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 prévoit une information transfrontalière sur la pollution de l'eau, cette formalité ne crée pas une obligation de consultation sur la délimitation par l'autorité administrative des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates ; que, par suite, ces dispositions ne peuvent pas être davantage utilement invoquées au soutien du même moyen ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la circulaire du 22 décembre 2011 du ministre chargé de l'écologie relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite directive " nitrates " :

13. Considérant que si l'interprétation que, par voie de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ou d'être contestée par voie d'exception, il en va autrement lorsqu'une telle instruction contient des dispositions impératives ; que tel est le cas en l'espèce du point 3 de l'annexe technique, intitulée " Instruction pour réviser les zones vulnérables ", à la circulaire du 22 décembre 2011 du ministre chargé de l'écologie relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991, qui, pour assurer une cohérence avec la directive-cadre sur l'eau, retient la méthode dite du " percentile 90 " des concentrations en nitrates afin de définir les eaux atteintes par la pollution, éventuellement calculée sur deux campagnes consécutives 2009-2010 et 2010-2011 et l'impose pour la révision des zones vulnérables ; que, par ailleurs, l'arrêté attaqué a fait directement application de cette méthode conformément à la circulaire du 22 décembre 2011 pour procéder à la révision des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie ; qu'il en résulte que les requérants peuvent utilement exciper de l'illégalité de cette circulaire ;

14. Considérant que ni la directive du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, ni les articles R. 211-75 à R. 211-77 du code de l'environnement ne fixent la méthode à employer pour déterminer le taux de nitrates dans les eaux permettant d'identifier les zones atteintes ou menacées par la pollution ; que la circulaire, en tant qu'elle prescrit aux préfets de retenir la méthode du percentile 90 ne tend pas à fixer une norme ou à définir un seuil de pollution mais uniquement à préciser les modalités de réexamen des zones vulnérables selon une méthodologie commune à tous les bassins, qui permette une application homogène du droit communautaire afin d'atteindre les objectifs de la directive nitrates en cohérence avec la directive-cadre sur l'eau ; que cette circulaire, ainsi qu'au demeurant elle l'indique, constitue une mesure d'organisation par laquelle la ministre chargée de l'écologie et du développement durable adresse aux services placés sous son autorité des instructions nécessaires à l'accomplissement de leur mission ; que, par conséquent et contrairement à ce qui est soutenu, elle n'a pas été prise, même en ce qui concerne la définition de la méthode du percentile 90, par une autorité incompétente ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la circulaire doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'application uniforme du droit de l'Union européenne :

15. Considérant que la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991, qui détermine des objectifs, laisse aux Etats membres un large pouvoir d'appréciation quant à son application ; que si les requérants font valoir que les choix méthodologiques retenus portent atteinte au principe d'application du droit communautaire et qu'ils aboutissent à une méthode de classement incohérente et non justifiée entre les bassins, il ne ressort des pièces du dossier, ni que cette méthodologie irait à l'encontre d'une interprétation uniforme du droit de l'Union européenne, ni que la latitude laissée aux préfets de bassin pour tenir compte de situations particulières porterait une atteinte injustifiée ou excessive à ce principe d'application uniforme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'application uniforme du droit de l'Union européenne doit être écarté ;

En ce qui concerne le classement de communes du bassin Artois-Picardie dans les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole :

S'agissant de l'absence d'obligation de réexamen au niveau du bassin Artois-Picardie :

16. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 211-77 du code de l'environnement : " L'inventaire des zones vulnérables est modifié selon la même procédure que celle prévue pour son adoption. Cet inventaire fait l'objet d'un réexamen au moins tous les quatre ans " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la dernière délimitation des zones vulnérables a été opérée par le préfet coordinateur du bassin le 23 novembre 2007 ; que si le bassin Artois-Picardie qui ne fait pas l'objet d'un contentieux communautaire, n'était pas mentionné par la circulaire du 22 décembre 2011 parmi les zones concernées par un réexamen prioritaire, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet coordinateur décide de procéder au réexamen de l'inventaire des zones vulnérables de ce bassin afin d'assurer une meilleure protection des eaux contre la pollution par les nitrates par des sources agricoles conformément à la directive " nitrates " ;

S'agissant du choix de la méthode du percentile 90 :

18. Considérant que les requérants contestent la méthode retenue par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais consistant, pour apprécier si les seuils mentionnés à l'article R. 211-76 du code de l'environnement sont dépassés, à prendre en compte le percentile 90 des teneurs en nitrates relevées sur les qualitomètres et non la moyenne annuelle de ces teneurs ; que, toutefois, une telle méthode, qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article R. 211-76 du code de l'environnement, permet de mieux apprécier le phénomène de pollution des eaux douces superficielles et souterraines au nitrate, en excluant notamment les valeurs maximales non représentatives tout en reflétant les contaminations saisonnières ; que cette méthode, qui permet une mesure plus fine de la présence de nitrates, est un instrument plus approprié que la méthode des valeurs moyennes pour parvenir, eu égard aux exigences de santé publique, à la réduction de la teneur en nitrates ; qu'elle est du reste, pour cette raison, privilégiée par les institutions communautaires lorsqu'elles sont amenées à se prononcer sur l'exécution pour les Etats membres des engagements pris dans le cadre de la directive nitrates ; que, par suite, le moyen tiré du caractère inadapté de la méthode choisie doit être écarté ;

S'agissant du classement du fleuve l'Authie :

19. Considérant, en premier lieu, que toute pollution de l'amont s'écoulant vers l'aval indépendamment de la nature des sols, c'est sans commettre d'erreur que le préfet a considéré que la masse d'eau de l'Authie présentait un caractère homogène ;

20. Considérant, en deuxième lieu, que le bassin de l'Authie fait l'objet de deux points de mesures en surface et de huit points de mesures s'agissant des eaux souterraines ; que, la FDSEA ne justifie pas en quoi ces points de mesures seraient en nombre insuffisant ni en quoi ils ne seraient pas représentatifs ;

21. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas établi que la masse d'eau de l'Authie aurait été classée en zone vulnérable pour répondre uniquement à un objectif d'affichage politique, en sorte que le nombre de communes classées soit du même ordre de grandeur en 2012 qu'en 2007 ;

22. Considérant que si la FDSEA a entendu soutenir que la teneur en nitrates aurait été stabilisée depuis 2001 dans le secteur hors zone vulnérable, que les eaux de l'Authie ne contribueraient pas de manière significative à l'eutrophisation des rivages, et que le classement comportera de graves inconvénients pour les éleveurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement du fleuve de l'Authie dans le périmètre de l'arrêté reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 :

23. Considérant que l'arrêté attaqué qui a uniquement pour objet de délimiter les zones vulnérables à la pollution aux nitrates d'origine agricole ne porte pas atteinte au droit de propriété ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau :

24. Considérant que la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau a été transposée au livre II du code de l'environnement par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 ; qu'il n'est pas soutenu que cette transposition aurait méconnu les objectifs ou des dispositions précises et inconditionnelles de la directive ou qu'elle l'aurait incomplètement transposée ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est du 22 septembre 1992 :

25. Considérant que les requérants se bornent à invoquer la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est sans préciser les stipulations dont ils entendent se prévaloir ni en quoi ses stipulations auraient été méconnues ; que, dès lors, le moyen analysé ci-dessus doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte portée au principe d'égalité :

26. Considérant que la circonstance que le préfet coordinateur de bassin n'a pas eu recours à une méthode de calcul unifiée de détermination de la valeur-seuil de classement entre chaque bassin, notamment pour la prise en compte de l'eutrophisation marine, ne méconnaît pas le principe d'égalité dès lors qu'il n'est ni allégué ni démontré que les bassins sont dans des situations similaires ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 :

27. Considérant que la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 a été transposée en droit interne par le décret n° 93-1038 du 27 août 1993 relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, dont les dispositions ont été codifiées aux articles R. 211-75 et suivants du code de l'environnement ; qu'il n'est pas soutenu que la directive mentionnée ci dessus aurait été transposée incorrectement ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de la directive 91/676/CEE doit être écarté ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordinateur de bassin, du 28 décembre 2012 portant délimitation des zones vulnérables ;

Sur les conclusions présentés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la FDSEA de la Somme et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de la FDSEA de la Somme et autres et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles.

Copie en sera transmise pour information au préfet coordinateur du bassin Artois Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 29 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller,

Lu en audience publique le 14 octobre 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIER Le premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargées de relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

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N°15DA01439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01439
Date de la décision : 14/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-02 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Lutte contre la pollution des eaux (voir : Eaux).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL DRAI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-14;15da01439 ?
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