Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1503031 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 février 2016 et le 15 juillet 2016, Mme D..., représentée par Me B...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 22 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte ;
4°) à titre principal, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me E...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la même somme à verser à Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dans la mesure où il appartient au préfet de la Seine-Maritime de démontrer qu'il existe un traitement approprié disponible dans son pays d'origine pour la pathologie dont elle souffre ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où le médecin de l'agence régionale de santé n'a précisé si elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dans la mesure où il appartient au préfet de la Seine-Maritime de démontrer qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des article 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., de nationalité arménienne, née le 12 mai 1961, entrée sur le territoire français le 16 septembre 2012 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 29 mars 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 24 septembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile ; que l'intéressée a demandé, le 20 mars 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme D...relève appel du jugement du 22 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté précité du 9 novembre 2011 : " (...), le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un avis du 17 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, saisi de la situation de Mme D... par le préfet de la Seine-Maritime, a, d'une part, estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, indiqué qu'il n'existait pas de traitement approprié en Arménie et que le traitement devait se poursuivre pendant une durée de douze mois ; que si, dans la décision attaquée, le préfet ne conteste pas que l'état de santé de l'intéressée, qui a subi une thyroïdectomie nécessite une prise en charge médicale, il fait toutefois valoir que les éléments d'information recueillis, notamment auprès des services consulaires de l'ambassade de France en Arménie, établissent qu'il existe des structures médicales pour traiter les troubles thyroïdiens dans ce pays, susceptibles d'apporter un traitement approprié à l'état de santé de la requérante ; qu'il a également produit une notice sur les médicaments utilisés pour le traitement des maladies de la thyroïde en Arménie ainsi que la liste des médicaments essentiels de ce pays faisant notamment apparaître la Levothyroxine comme traitement hormonal de substitution ; que si Mme D...conteste cette appréciation et fait valoir que le système de santé arménien présente de graves carences, elle ne produit toutefois aucun élément pertinent de nature à infirmer l'appréciation portée par le représentant de l'Etat sur l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier l'existence d'une offre de soins dans le pays d'origine de l'intéressée, que ne remettent pas en cause les certificats médicaux qu'elle produit ; que dans ces conditions, le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur ce point ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas inversé la charge de la preuve, ont estimé que le préfet n'avait pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
7. Considérant que si Mme D...fait valoir qu'elle est entrée en France le 16 septembre 2012 et qu'elle vit depuis dans ce pays avec son conjoint et de nombreux membres de sa famille, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'époux de l'intéressée fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que rien ne s'oppose à ce que Mme D...reconstitue sa vie privée et familiale en dehors du territoire national avec son conjoint ; qu'elle ne justifie pas davantage être privée de toute attache familiale en Arménie où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 51 ans ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressée en France, celle-ci, qui n'a pas cru au demeurant devoir déférer à une précédente mesure d'éloignement prononcée le 11 juin 2013 dont la légalité avait été confirmée par un arrêt rendu le 8 septembre 2014 par la cour administrative d'appel de Douai, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeD... ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que celles-ci ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; qu'à cet égard, la circonstance que, depuis l'intervention de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé n'est pas toujours tenu de se prononcer sur le point de savoir si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays est sans influence sur l'étendue des obligations du préfet ; que, par suite, l'absence d'indication sur la compatibilité de l'état de santé de l'intéressée avec ses facultés de déplacement, peut être de nature à s'opposer à ce que le préfet prenne une mesure d'éloignement sauf s'il ressort des éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine ;
9. Considérant que si, dans son avis du 17 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie ne s'est pas prononcé sur le fait de savoir si l'état de santé de la requérante lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, notamment des documents médicaux produits, que l'état de santé de la requérante ne lui permettait pas de voyager sans risque vers l'Arménie et pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; que, par suite, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'irrégularité ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 9, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur le pays de destination :
13. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée, qu'elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; que le principe de non discrimination édicté à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par cette convention et ses protocoles additionnels ; que, dès lors, il appartient à la requérante qui entend se prévaloir de la violation de ce principe d'indiquer le droit ou la liberté dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée ; que MmeD..., qui ne précise pas le droit ou la liberté, reconnu par la convention, qui serait méconnu par la discrimination qu'elle invoque, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 14 de cette convention ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me B...E....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 septembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00215