Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...I...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Liancourt a implicitement rejeté leur demande du 16 décembre 2011 tendant à ce qu'il fasse usage de ses pouvoirs de police pour réglementer la circulation des véhicules dans la rue où est située leur maison d'habitation.
Par un jugement n° 1201221 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2014 et le 23 mai 2016, M. et MmeI..., représentés par Me F...G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 octobre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Liancourt ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Liancourt de prendre toute mesure utile dans le cadre de ses pouvoirs de police pour faire cesser les atteintes à leur habitation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Liancourt une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la circulation des véhicules de fort tonnage et celle des véhicules de livraison de la maison de retraite située en face de leur domicile porte atteinte à la tranquillité et à la sécurité publique ;
- le maire de la commune de Liancourt a méconnu les obligations qui lui incombent en application des dispositions des articles L. 2212-2, L. 2213-2 et L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales.
Par des mémoires, enregistrés le 8 avril 2016, le 30 mai 2016 et le 29 juin 2016, la commune de Liancourt, représentée par Me D...J..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise acoustique et d'ordonner à M. et Mme I...de procéder au retrait des deux poteaux implantés illégalement sur le domaine public, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme I...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne produisent aucun élément nouveau par rapport à leur demande présentée devant les premiers juges ;
- l'atteinte à la tranquillité publique n'est pas démontrée en l'absence de tout élément probant produit par M. et Mme I...;
- l'expertise acoustique produite dans le dernier état des écritures des requérants n'a pas été menée contradictoirement ;
- l'atteinte à la sécurité publique n'est pas démontrée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la commune de Liancourt tendant à ce qu'il soit ordonné à M. et Mme I...de procéder à l'enlèvement de deux poteaux implantés illégalement sur le domaine public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me B...E..., représentant M. et Mme I...et de Me D...J..., représentant la commune de Liancourt.
1. Considérant que M. et MmeI..., propriétaires de leur maison d'habitation située rue Pasquier à Liancourt ont, par une lettre du 16 décembre 2011, saisi le maire de la commune d'une demande tendant à ce qu'il fasse usage de ses pouvoirs de police pour réglementer la circulation des véhicules dans cette rue ; que M. et Mme I...relèvent appel du jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif d'Amiens rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Liancourt a implicitement rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de Liancourt :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-2 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : 1° interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voies ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; 2° Règlementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-4 du code précité : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. Dans ces secteurs, le maire peut, en outre, par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peuvent s'appliquer d'une façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels " ;
3. Considérant, d'une part, que M. et Mme I...font valoir que la circulation des camions de fort tonnage et de livraison se rendant à la maison de retraite située en face de leur habitation génère des nuisances sonores importantes dès 4 heures 30 le matin selon les jours et produisent dans le dernier état de leurs écritures une étude acoustique réalisée par la société QCS Services ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de cette expertise établie par une société spécialisée dans la mesure de bruit de voisinage, qui a été soumise au débat contradictoire devant la cour, que des mesures acoustiques réalisées sur une journée ont permis de constater des activités bruyantes liées au fonctionnement de l'établissement d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé en face du domicile des requérants à raison de manoeuvres de véhicules de livraison et que ces activités sont à l'origine d'émergences sonores non conformes aux textes réglementaires en période nocturne, soit une période comprise entre 22 heures et 7 heures ; que ces dépassements sont de nature à compromettre la tranquillité publique ;
4. Considérant, d'autre part, que M. et Mme I...soutiennent que l'augmentation de la capacité d'accueil de la maison de retraite située en face de leur domicile a entraîné, depuis 2007, une aggravation des conditions de circulation des camions de livraison et a généré des manoeuvres dangereuses ainsi qu'en témoignent les dommages à leur balcon occasionnés le 2 février 2011 par une manoeuvre due à l'exiguïté du parking ; qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des constats d'assurance produits par les requérants dans le dernier état de leurs écritures, que cet incident n'est pas isolé dès lors que deux autres incidents de ce type ont eu lieu en 2008 et 2010 ; qu'en outre, il résulte du constat d'huissier établi le 8 mars 2016 et des photos produites que les manoeuvres réalisées par les véhicules de livraison sur la voie de circulation sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique, compte tenu notamment des empiétements manifestes et importants sur la voie de circulation et sur le trottoir au droit de l'habitation des requérants, empiétements qui ne permettent pas le passage d'éventuels piétons et de véhicules ; que par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police pour limiter les atteintes à la sécurité et à la tranquillité publiques dans la rue Pasquier où résident les requérants, le maire de la commune de Liancourt a méconnu les obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le maire de la commune de Liancourt prenne toutes mesures utiles pour faire cesser les troubles à la tranquillité et à la sécurité publiques ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de faire cesser ces troubles dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Liancourt :
7. Considérant que les conclusions présentées par la commune de Liancourt tendant à ce qu'il soit ordonné à M. et Mme I...de procéder à l'enlèvement de deux poteaux implantés illégalement sur le domaine public soulèvent un litige distinct de celui qui a été tranché par le jugement attaqué et qui était relatif à la carence dans la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. et Mme I...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeI..., qui ne sont pas la partie perdante, le versement à la commune de Liancourt d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201221 du 16 octobre 2014 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Liancourt de prendre toutes mesures utiles pour faire cesser les troubles à la tranquillité et à la sécurité publiques rue Pasquier dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme I...est rejeté.
Article 4 : Les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Liancourt et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...I...et à la commune de Liancourt.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président de chambre,
Signé : M. H...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA02003