Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) " Service pour l'assistance et le contrôle du peuplement animal " (SACPA) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, ou à défaut de résilier le contrat conclu le 17 novembre 2010 entre le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs et la ligue de protection des animaux du Nord de la France et de condamner le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 1007591 du 13 novembre 2012, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, résilié avec effet différé au 1er avril 2013, le contrat signé entre le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs et la ligue de protection des animaux du Nord de la France et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 janvier 2013 et 16 janvier 2014, le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 13 novembre 2012 ;
2°) de rejeter la requête présentée par la société SACPA devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la poursuite de l'exécution du contrat ;
4°) de mettre à la charge de la SACPA une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a aucune contradiction entre l'avis d'appel public à la concurrence et l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières ;
- aucun candidat potentiel n'a été lésé par la rédaction des pièces du marché ;
- les prestations de fourrière et de refuge présentent un caractère indissociable, font partie d'une même mission de service public, peuvent faire l'objet d'un marché unique ;
- la dévolution du marché en lots séparés telle que prévue par l'alinéa 2 de l'article 10 du code des marchés publics est impossible au regard des installations en place et de l'exécution des prestations conçues pour entrer dans une gestion intégrée ;
- la nature de l'illégalité commise en recourant à un marché global n'a eu aucune influence sur la présentation de l'offre de la SACPA, ni sur la possibilité pour d'autres candidats européens potentiels de présenter une offre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, la société par actions simplifiée (SAS) " Service pour l'assistance et le contrôle du peuplement animal " (SACPA), représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'appel d'offres a été irrégulière ;
- les activités de fourrière et de refuge sont complémentaires sans pour autant être indissociables ;
- si cette complémentarité des activités conduit fréquemment à ce que celles-ci soient conduites sur un même site, elle ne doit pas conduire nécessairement à une gestion par un seul et même exploitant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs.
1. Considérant que le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et environs a, le 20 janvier 2010, engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché de services portant sur la gestion de la fourrière pour animaux errants ; qu'il relève appel du jugement du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a résilié avec effet différé au 1er avril 2013 le contrat signé le 17 novembre 2010 entre le syndicat et la ligue de protection des animaux du Nord de la France ;
2. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que, saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler totalement ou partiellement le contrat, le cas échéant avec un effet différé ;
3. Considérant qu'il ressort de l'avis d'appel public à la concurrence publié le 23 janvier 2010 au bulletin officiel des annonces des marchés publics, que l'objet du marché fixé par le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs était " la gestion de la fourrière pour animaux errants " ; que le cahier des clauses techniques particulières élaboré le 18 janvier 2010 précisait en son article 1er que " le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs confie au gestionnaire qui l'accepte le soin d'assumer les obligations des communes en matière d'animaux errants prévues par les dispositions du code général des collectivités territoriales et du code rural " ; que toutefois, l'article 11 de ce même cahier des charges stipulait, en contradiction avec les documents précités, que " parallèlement à la gestion de ces prestations, le gestionnaire s'engage à ses frais à assurer la gestion de la partie refuge existante sur le site " qui sera gérée par le titulaire du marché et énumérait les prestations devant être assurées dans le cadre de la gestion de ce refuge ; que cette stipulation a eu pour effet de modifier de manière substantielle l'objet initial du marché tel qu'il avait été décrit dans l'avis d'appel à la concurrence et le document contractuel lui-même sans que le pouvoir adjudicateur ait tenté de remédier aux contradictions relevées dans le cahier des clauses techniques particulières ou de publier un avis d'appel public à la concurrence rectificatif ; que ce vice est, par suite, de nature à entacher d'irrégularité la procédure de passation de ce marché alors même que la société SACPA, qui pouvait invoquer tout moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du contrat sans avoir à démontrer que le vice auquel ce moyen se rapporte a été susceptible de la léser, a présenté une offre dans les délais impartis ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit par principe, lorsque le marché permet d'identifier des prestations distinctes, passer celui-ci en lots séparés, sauf s'il est en mesure de justifier se trouver en présence de l'un des cas prévus au deuxième alinéa de l'article 10 du code précité ;
5. Considérant que le marché comportait deux types de prestations, l'une liée à la gestion de la fourrière et l'autre relative à la gestion du refuge et permettait ainsi l'identification de prestations distinctes sans qu'il soit besoin de déterminer le caractère indissociable ou complémentaire de celles-ci ; que si le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs soutient que le choix de recourir à un marché global est justifié au regard des installations en place et de l'exécution des prestations conçues pour entrer dans une gestion intégrée, la seule circonstance que les activités de fourrière et de refuge soient conduites sur un même site avec une même gestion dans des locaux séparés ne justifie toutefois pas son choix de recourir à un marché global ; qu'en outre, il ne ressort pas de l'avis d'appel à concurrence effectué par le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs que l'offre des candidats aurait dû faire l'objet d'une adaptation pour tenir compte de la spécificité du mode de gestion souhaité ; qu'enfin, le syndicat ne démontre pas que le recours à l'allotissement aurait eu pour effet d'alourdir considérablement le coût de l'opération, ni qu'il aurait rendu techniquement difficile l'exécution du marché ; qu'il n'établit pas davantage qu'il n'était pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination, du fait de l'insuffisance de l'effectif de ses personnels aptes à les réaliser ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dispositions précitées de l'article 10 du code des marchés publics avaient été méconnues ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les irrégularités ainsi commises ont été de nature à dissuader certains opérateurs économiques de soumissionner et ont également exercé une influence déterminante sur l'élaboration des offres et, par voie de conséquence, sur le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse ; que, dès lors, en tenant compte des considérations d'intérêt général tirées de la nécessité d'assurer la continuité du service public et alors que la gravité de l'irrégularité excluait par ailleurs que le contrat soit exécuté jusqu'à son terme, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat avec effet différé au 1er avril 2013 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a résilié le contrat conclu avec la ligue de protection des animaux du Nord de la France ; que doivent être rejetées, par voie conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs le versement à la société SACPA d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société par actions simplifiée " Service pour l'assistance et le contrôle du peuplement animal " présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal de création et de gestion de la fourrière pour animaux errants de Lille et ses environs et à la société par actions simplifiée " Service pour l'assistance et le contrôle du peuplement animal ".
Copie en sera adressée au préfet du Nord et à la ligue de protection des animaux du Nord de la France.
Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°13DA00047