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07/07/2015 | FRANCE | N°14DA01660

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 07 juillet 2015, 14DA01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 janvier 2008 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables a réformé la décision du 20 mai 2007 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.B..., a accordé à la société Gefco l'autorisation de licencier ce dernier et a retiré sa décision implicite ayant rejeté le recours hiérarchique de l'intéressé.

Par un jugement nos 0800097,0801635 du 9 novembre 201

0, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.

Par un arrêt nos 11DA00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 janvier 2008 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables a réformé la décision du 20 mai 2007 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.B..., a accordé à la société Gefco l'autorisation de licencier ce dernier et a retiré sa décision implicite ayant rejeté le recours hiérarchique de l'intéressé.

Par un jugement nos 0800097,0801635 du 9 novembre 2010, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.

Par un arrêt nos 11DA00087,11DA00100 du 21 juin 2012, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté le recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, ainsi que la requête de la société Gefco tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une décision n° 362235 du 15 octobre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et a renvoyé l'affaire devant cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2011, le 11 mai 2011, le 7 janvier 2015 et 16 juin 2015, la société anonyme Gefco, représentée par la SCP Jean-Jacques Gatineau - Carole Fattaccini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2010 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Marjanovic, rapporteur public.

1. Considérant que par une décision du 20 mai 2007, l'inspecteur du travail a accordé à la société Gefco l'autorisation de licencier M. A...B..., délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise et candidat aux élections de délégués du personnel et du comité d'entreprise ; que le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, saisi d'un recours hiérarchique formé le 7 juillet 2007 par M. B..., a, par une décision du 11 janvier 2008, réformé cette décision, accordé l'autorisation de licenciement demandée et retiré la décision implicite de rejet née le 11 novembre 2007 ; que par un jugement du 9 novembre 2010, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions ; que par un arrêt du 21 juin 2012, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir relevé que le motif de la demande de licenciement présentée par la société Gefco était celui tiré des agissements survenus en dehors de l'exécution du contrat de travail rendant impossible le maintien de M. B...dans l'entreprise, a jugé que ces agissements, alors même qu'ils avaient pu affecter psychologiquement une jeune salariée de celle-ci, n'étaient pas à eux seuls de nature à rendre impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise et rejeté le recours du ministre et la requête de la société Gefco ; que par une décision du 15 octobre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt pour avoir inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et a renvoyé cette affaire à la cour ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, le licenciement et, d'autre part, que l'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autres motifs que ceux énoncés dans la demande ; que pour annuler la décision du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables en litige réformant la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'il s'était mépris sur la nature de son contrôle en se fondant sur le comportement fautif de M.B..., le tribunal administratif de Lille a jugé que le comportement de l'intéressé ne présentait pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement alors que l'inspecteur du travail avait été saisi d'une demande d'autorisation de licenciement fondée sur un motif personnel non disciplinaire inhérent à la personne du salarié ; que, par suite, les premiers juges se sont mépris sur la nature de leur contrôle ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête établi par la société Gefco et de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, que M. B...a commencé au début de l'année 2006 à tenir des propos insistants à l'égard d'une jeune collègue ; qu'après que cette dernière a, au mois de juillet 2006 puis au mois de décembre de la même année, clairement mais en vain demandé à l'intéressé de l'ignorer, M. B...a alors multiplié, notamment au cours des mois de février et de mars 2007, les appels téléphoniques et les courriels au contenu de plus en plus déplacé, tantôt passionné, tantôt grossièrement injurieux ; que malgré des demandes réitérées de cette salariée, qui, prenant peur, avait changé ses horaires de travail afin de ne plus rencontrer M. B...dans les locaux de l'entreprise et modifié la configuration de sa messagerie professionnelle pour que les courriels de ce dernier soient regardés comme indésirables, M. B...a persisté dans son comportement en se procurant l'adresse du domicile de ses parents chez qui elle résidait pour reprendre contact avec elle alors qu'elle n'en avait jamais fait état de même que celle de sa messagerie privée dont M. B...a pourtant eu connaissance pour lui adresser d'autres courriels ; que ces agissements, dont l'intéressé ne nie pas être l'auteur, ont affecté et perturbé psychologiquement la salariée concernée de manière importante et ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. B...avait déjà eu en février 2005 un comportement déplacé, insistant et injurieux à l'égard d'une autre collègue de travail ayant amené la société Gefco à le rappeler à l'ordre et à lui rappeler son engagement de ne plus reproduire ce type d'agissements ; que ces derniers, dont la matérialité est établie, ont eu ainsi des répercussions importantes sur la salariée victime de ceux-ci et ont entraîné un trouble certain au sein de l'entreprise dès lors qu'ils étaient connus et qu'une affectation de M. B... dans un autre service n'aurait pas, eu égard au comportement passé et répété de l'intéressé à l'égard de jeunes collègues féminines, permis d'apporter d'amélioration à cette situation ; que le maintien de ce salarié au sein de l'entreprise étant impossible, la société Gefco et le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas de nature à justifier son licenciement et ont, par le jugement attaqué, annulé les décisions en litige accordant l'autorisation de licencier M. B...;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et la cour ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail alors en vigueur : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné un mandat à cet effet. Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur (...) Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre compétent, saisi d'un recours hiérarchique sur une décision prise par l'inspecteur du travail (...) vaut décision de rejet " ; que l'expiration du délai de quatre mois à l'issue duquel est intervenue une décision implicite de rejet ne fait pas obstacle à ce que, dans le délai de deux mois de recours contentieux qui suit l'expiration du délai de quatre mois, le ministre rapporte la décision implicite de rejet et procède au retrait de la décision initiale créatrice de droits, dès lors qu'elles sont l'une et l'autre entachées d'illégalité ;

7. Considérant que, sur demande de la société Gefco, l'inspecteur du travail a autorisé le 20 mai 2007 le licenciement pour faute de M.B... ; que celui-ci a formé le 7 juillet 2007, contre cette décision, un recours hiérarchique qui est parvenu au ministre le 11 juillet suivant et qui a fait l'objet d'un rejet implicite le 11 novembre 2007, après expiration du délai de quatre mois fixé à l'article R. 436-6 du code du travail ; que la décision de rejet implicite du recours hiérarchique étant illégale pour ne pas avoir annulé l'autorisation délivrée par un inspecteur du travail qui s'était mépris sur la portée et l'étendue de son contrôle, le ministre a pu légalement, par la décision en date du 11 janvier 2008, intervenue dans le délai de recours contentieux, réformer la décision de l'inspecteur du travail et retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique ; que, constatant que le comportement du salarié en cause à l'égard de sa collègue de travail s'opposait à la poursuite de son contrat de travail et à son maintien au sein de l'entreprise, il a pu ensuite à bon droit, par la même décision, accorder l'autorisation de licenciement, dont le caractère disproportionné, invoqué par M. B..., n'est pas avéré ;

8. Considérant que si l'article R. 436-4 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ", l'administration n'est pas tenue de communiquer spontanément au salarié les pièces sur lesquelles elle se fonde mais elle doit seulement le mettre en mesure d'en prendre connaissance ;

9. Considérant que M. B...a été mis à même d'avoir accès aux éléments produits par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement dont il a, au demeurant, pris connaissance tant lors de l'entretien qu'il a eu avec l'inspecteur du travail à l'occasion de l'enquête contradictoire qui s'est déroulée du 2 avril au 14 mai 2007 que lors de l'enquête interne menée par le service des ressources humaines de la société Gefco ; que M. B...ne saurait utilement se plaindre de ne pas avoir reçu communication des documents médicaux et de la plainte de la salariée concernée, aucun document de cette nature n'ayant été remis à l'entreprise ou à l'administration du travail ; qu'en outre, il n'est pas établi que l'inspecteur du travail, qui s'est fondé, pour prendre sa décision d'autorisation de licenciement en litige, sur les messages électroniques au contenu déplacé adressés par M. B... à la salariée et sur la circonstance que l'intéressé avait déjà eu un comportement similaire vis-à-vis d'une autre salariée de 2004 à 2005, aurait pris en compte d'autres éléments recueillis au cours de son enquête pour déterminer le sens de sa décision ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le moyen de M. B...tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à son licenciement doit être écarté ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. B...ait été en rapport avec ses fonctions représentatives ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Gefco et le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Gefco présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 0800097,0801635 du 9 novembre 2010 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Gefco tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gefco, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à M. A...B....

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N°14DA01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01660
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP JEAN-JACQUES GATINEAU - CAROLE FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-07-07;14da01660 ?
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