La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2014 | FRANCE | N°13DA01705

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 31 décembre 2014, 13DA01705


Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2013, présentée par le préfet de l'Oise ; le préfet de l'Oise demande à la cour d'annuler le jugement n° 1302547 du 20 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, l'arrêté du 18 septembre 2013 obligeant M. A...B...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination et, d'autre part, celui du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

------------------------------------

----------------------------------------------------------------------

Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2013, présentée par le préfet de l'Oise ; le préfet de l'Oise demande à la cour d'annuler le jugement n° 1302547 du 20 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, l'arrêté du 18 septembre 2013 obligeant M. A...B...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination et, d'autre part, celui du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre ;

1. Considérant qu'à la suite de l'interpellation par les services de la police nationale, le 17 septembre 2013, de M.B..., ressortissant pakistanais né le 5 mars 1968, le préfet de l'Oise a pris à son encontre le 18 septembre suivant deux arrêtés lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et prononçant son placement en rétention administrative ; que ces arrêtés ont été annulés par un jugement du 20 septembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen ; que le préfet de l'Oise relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il est entré en France le 15 juin 2003, qu'il est demeuré depuis lors dans ce pays où résident également sa soeur et son frère, tous les deux titulaires d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas, eu égard tant à la nature qu'au caractère épars et lacunaire des pièces produites pour la période des années 2003 à 2009, constituées pour l'essentiel de quelques factures commerciales, d'enveloppes postales ou de documents médicaux, dont une attestation établie a posteriori par un praticien, de sa présence habituelle et continue sur le territoire français pour la durée de séjour dont il se prévaut ; que si M.B..., qui s'est déjà soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement prononcées le 22 avril 2010 et le 26 avril 2011, relève qu'il avait été convoqué à la sous-préfecture de Sarcelles le 12 septembre 2013 en vue de l'examen de sa situation administrative, il est cependant constant qu'il ne s'y est pas rendu et que sa demande de régularisation n'avait été déposée que le 8 novembre 2012 soit près de dix-sept mois après la dernière mesure d'éloignement prononcée à son encontre, dont la légalité avait été au demeurant confirmée par un jugement du 2 mai 2011 rendu par le tribunal administratif de Melun ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a mentionné le premier juge, l'intéressé, qui a eu recours aux services d'un interprète tant lors de la procédure administrative que lors de l'audience publique devant le tribunal administratif, ne possède pas la maîtrise de la langue française ; qu'enfin, M. B...n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale au Pakistan où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 35 ans ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le représentant de l'Etat pour annuler les arrêtés du 18 septembre 2013 ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. B...devant le tribunal administratif et en appel ;

4. Considérant que, par un arrêté en date du 26 août 2013, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Oise a donné délégation à M. D... C..., sous-préfet, directeur de cabinet du préfet, pour signer, dans le cadre de la permanence préfectorale qu'il est amené à assurer pendant les jours qui ne sont pas ouvrables et les jours fériés notamment les décisions contenues dans l'arrêté attaqué ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions de mise en oeuvre de cette délégation de signature n'auraient pas été réunies à la date de la décision en litige ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M.B..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation que comporte cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. B...ne peut être accueilli ; qu'il en est de même, pour des motifs similaires, du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que M.B..., qui ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit, d'une présence habituelle sur le territoire national de plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour s'opposer à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

10. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Oise pour refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles des articles 3-7) et 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que, par suite, le moyen, tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive précitée, doit être écarté ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui s'est déjà soustrait à deux mesures d'éloignement, n'a pu présenter en outre de documents d'identité ni démontrer qu'il disposait d'une adresse stable en France dès lors qu'il a déclaré lors de son audition qu'il était hébergé chez un ami à Villiers le Bel, alors que les membres de sa famille qui, selon ses déclarations, le prendraient en charge, résident pour leur part dans une autre commune ; qu'il entrait donc, en l'absence de circonstances particulières, dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le représentant de l'Etat n'établirait pas l'existence d'un risque de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'éloignement doit être écarté ;

Sur le pays de destination :

12. Considérant, qu'en rappelant à M. B...qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, le représentant de l'Etat a suffisamment motivé sa décision ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ;

Sur le placement en rétention administrative :

14. Considérant que M. B...n'est pas fondé, pour les motifs déjà rappelés ci-dessus, à se prévaloir de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation pour séjour irrégulier le 17 septembre 2013, M. B...était démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il s'est prévalu d'une adresse dont l'effectivité et la stabilité n'étaient pas établies à la date de la décision contestée, qu'il s'était déjà soustrait à des mesures d'éloignement et a déclaré qu'il ne voulait pas quitter le territoire national ; qu'ainsi, M. B...ne présentait pas de garanties de représentation effectives au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant son placement en rétention administrative ;

16. Considérant qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive que lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'il suit de là que M. B...ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, laquelle a été transposée dans le droit national par la loi du 16 juin 2011 antérieurement à la décision en litige ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 18 septembre 2013 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et celui, du même jour, ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ; que, par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel par M. B... ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302547 du 20 septembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

''

''

''

''

2

N°13DA01705


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01705
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Hoffmann
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-31;13da01705 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award