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09/12/2014 | FRANCE | N°13DA01731

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 09 décembre 2014, 13DA01731


Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 131755 du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'obligeant à se présenter régulièrement aux services de police ;r>
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre a...

Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 131755 du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'obligeant à se présenter régulièrement aux services de police ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à son avocat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) de surseoir à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de questions préjudicielles par le tribunal administratif de Melun, d'adresser ces mêmes questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien né le 13 mai 1978, relève appel du jugement du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'obligeant à se présenter régulièrement aux services de police ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise en vertu du même pouvoir d'appréciation sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont procédé, d'office, à une substitution de base légale, en estimant que l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de la Seine-Maritime trouvait son fondement légal dans les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui pouvaient être substituées aux dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du même code ; qu'il ne ressort ni des pièces du dossier de première instance, ni des mentions du jugement du 24 septembre 2013 que le tribunal administratif aurait mis à même les parties de présenter leurs observations sur cette substitution ; que, dès lors, M. A...est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été pris selon une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2013 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une " ;

5. Considérant que la décision attaquée est fondée sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. A...était, à la date de son entrée sur le territoire national, titulaire d'une carte de résident longue durée " UE " en cours de validité délivrée par les autorités grecques ; que le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé à tort, pour ordonner son éloignement, sur les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à entacher cet arrêté d'illégalité, dès lors que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français plus de trois mois sans être titulaire d'un titre de séjour et qu'il entrait ainsi dans le champ d'application du 2° du II du même article ; que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ; que, par suite, il y a lieu de substituer, comme base légale de l'arrêté attaqué, le 2° au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M.A... ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, lorsque le préfet de la Seine-Maritime a pris à l'encontre de M. A...l'obligation de quitter le territoire français contestée, ce dernier a été retenu et auditionné par les services de police ; qu'au cours de cette période, l'intéressé, qui a déclaré parler le français, a été entendu sur son entrée et son séjour irréguliers sur le territoire français ainsi que sa situation familiale ; qu'ainsi, M. A...n'a pas été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...fait valoir qu'il entretient depuis le mois de mai 2012 une relation amoureuse avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié et qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé s'est marié avec une ressortissante française le 16 février 2013, soit postérieurement à la décision attaquée ; qu'en outre, la communauté de vie antérieure au mariage est récente ; que M. A...est entré en France au mois de décembre 2009 à l'âge de trente et un ans et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, voire même en Grèce où il a séjourné de nombreuses années ; que, dans ces conditions, eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France du requérant, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ;

Sur le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de sa destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure et que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles elles font référence sont elles-mêmes visées par l'arrêté attaqué ; qu'enfin, en indiquant que M. A... n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé en fait sa décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office à l'expiration du délai de trente jours ;

10. Considérant, en second lieu, que si le requérant fait valoir, qu'étant titulaire d'une carte de résident longue durée " UE " délivrée par la Grèce, le préfet aurait dû examiner la possibilité de le reconduire à destination de ce dernier pays, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A...n'était pas en mesure, à la date de l'arrêté attaqué, de démontrer qu'il bénéficiait effectivement d'un tel titre de séjour ; que, par suite, le préfet, qui n'a, au demeurant, pas exclu dans son arrêté, que l'intéressé puisse être également reconduit à destination d'un pays où il serait légalement admissible, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur l'obligation de se présenter aux services de police :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ " ; qu'aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. " ;

12. Considérant que, si la décision d'astreinte aux fins de mesures de surveillance, qui constitue une mesure de police visant à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, doit être motivée, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire, et qui est en l'espèce suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à se présenter régulièrement aux services de police, de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

14. Considérant que le préfet, en astreignant M. A...à se présenter aux services de police une fois par semaine pour justifier des diligences accomplies dans la préparation de son départ, a légalement appliqué les dispositions précitées des articles L. 513-4 et R. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le requérant fait valoir que le préfet n'aurait pas tenu compte de son projet de mariage avec une ressortissante française et que les bans avaient été publiés à la date de l'arrêté attaqué, cette circonstance n'est pas de nature à établir que le représentant de l'Etat aurait, eu égard notamment aux conditions de séjour en France de l'intéressé, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Martine en date du 7 février 2013 ; que les conclusions présentées à ce titre par le requérant doivent donc être rejetées de même, par voie de conséquence, que celles aux fins d'injonction sous astreinte et tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 131755 du tribunal administratif de Rouen en date du 24 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA01731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01731
Date de la décision : 09/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-09;13da01731 ?
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