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18/11/2014 | FRANCE | N°14DA00444

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 18 novembre 2014, 14DA00444


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2014, présentée par le préfet de la Somme ; le préfet de la Somme demande à la cour d'annuler le jugement n° 1303094 du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 refusant à Mme A... B...le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

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Vu les autres pièces du

dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme e...

Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2014, présentée par le préfet de la Somme ; le préfet de la Somme demande à la cour d'annuler le jugement n° 1303094 du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 refusant à Mme A... B...le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exéquatur et à l'extradition ;

Vu l'accord franco-tunisien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite de la demande de renouvellement du certificat de résidence présentée par MmeB..., de nationalité algérienne, née le 14 juin 1965, le préfet de la Somme a, par arrêté du 18 octobre 2013, refusé le renouvellement sollicité et a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 4 février 2014 du tribunal administratif d'Amiens dont le préfet de la Somme relève appel ;

2. Considérant que, pour maladroite que soit la rédaction de la demande de titre de séjour introduite par Mme B...le 12 juin 2013, cette dernière, tout en sollicitant son admission exceptionnelle au séjour, n'a pas pour autant entendu renoncer à revendiquer le renouvellement du certificat de résidence dont elle était jusqu'alors titulaire en qualité de conjointe d'un ressortissant français ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 18 octobre 2013 que le préfet de la Somme s'est prononcé sur l'inapplicabilité à la situation de l'intéressée des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que les premiers juges n'ont donc pas dénaturé la portée de cette demande en relevant que le préfet devait également être regardé comme ayant été saisi de la situation de Mme B...au regard des stipulations précitées de l'accord du 27 décembre 1968 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement de certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France (...). Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2° ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ; qu'il résulte de ces stipulations que, si le premier renouvellement du titre de séjour mentionné au 2° de l'article 6 de l'accord susmentionné est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ainsi que le précise le dernier alinéa de cet article, les renouvellements de certificat de résidence d'un an suivants ne sont subordonnés qu'au maintien des liens du mariage à la date de la décision attaquée ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., entrée régulièrement sur le territoire français le 14 avril 2010 pour rejoindre son futur époux, ressortissant français, a contracté mariage le 28 avril 2010 à la mairie de Sentelie (Somme) ; qu'elle a obtenu, en sa qualité de conjointe de ressortissant français, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " jusqu'au 30 mars 2012 , renouvelé une première fois jusqu'au 29 mars 2013 ; que, par décision du 18 octobre 2013, le préfet de la Somme a refusé le renouvellement de ce certificat de résidence au motif, notamment, que l'époux de Mme B... avait informé les services de l'Office français de l'immigration, par une lettre du 27 septembre 2012, qu'il était désormais séparé de son épouse et qu'il avait intenté une procédure de divorce en Algérie ; que le préfet de la Somme précise en outre, en appel, que le mariage ayant été dissous par un jugement rendu le 27 décembre 2012 par le tribunal civil de Mostaganem dont les effets s'appliquent en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, Mme B...ne pouvait plus se prévaloir, à la date de l'arrêté en litige, des stipulations de l'article 6-2 de l'accord du 27 décembre 1968 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention susvisée du 27 août 1964 : " En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes : (...) c) La décision est, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ; d) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat (...) " ; que selon les termes de l'article 57 du code de la famille algérien : " Les jugements rendus en matière de divorce par répudiation, à la demande de l'épouse ou par le biais du khol'â ne sont pas susceptibles d'appel sauf dans leurs aspects matériels.(...) " ; qu'enfin, en vertu de l'article 296 du code de procédure civile et administrative algérien, le jugement sur le fond, qui est celui qui se prononce sur tout ou partie de l'objet du litige, a autorité de la chose jugée dès son prononcé relativement à la contestation qu'il tranche ;

6. Considérant que les jugements rendus par un tribunal étranger relatifs à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d'exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes ; qu'il incombe à l'autorité administrative de tenir compte de tels jugements, dans l'exercice de ses prérogatives, tant qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une déclaration d'inopposabilité ; que, saisi dans son domaine de compétence d'un litige portant sur des questions relatives à l'état et la capacité des personnes, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opposabilité en France d'un jugement rendu en cette matière par un tribunal étranger ; que, si elles s'y croient fondées, les parties peuvent saisir le juge judiciaire qui est seul compétent pour se prononcer sur l'effet de plein droit de tels jugements ; qu'il appartient toutefois à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d'un jugement étranger qui révélerait l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international ;

7. Considérant que MmeB..., qui se réfère aux termes de l'ordonnance de non conciliation prononcée le 26 juin 2013 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Amiens, fait valoir que le jugement rendu le 27 décembre 2012 par la juridiction algérienne ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles l'article 1er de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, relative à l'exequatur des décisions rendues en matière civile et commerciale et à l'extradition, subordonne l'effet de plein de droit des décisions émanant d'une juridiction siégeant en Algérie ; qu'elle relève, en particulier, que le jugement ayant été rendu à la seule initiative de son mari, cette décision doit être regardée comme une répudiation unilatérale, contraire à l'ordre public international ainsi qu'au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage garanti par les stipulations de l'article 5 du protocole n° 7 du 27 novembre 1984 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si le jugement du tribunal de Mostaganem est bien passé en force de chose jugée alors même qu'un pourvoi en cassation a été introduit le 18 février 2013 par Mme B...devant la Cour Suprême algérienne, l'application en France des effets attachés à ce jugement, dont l'administration préfectorale pourrait le cas échéant se prévaloir, demeure toutefois subordonnée à la condition, ainsi qu'il a été dit, qu'il ne contrevienne ni à l'ordre public français, ni à la conception française de l'ordre public international ; qu'au cas particulier, il est constant que la demande en divorce a été unilatéralement introduite auprès de la juridiction algérienne le 14 août 2012 par l'époux de MmeB..., dans le cadre des dispositions de l'article 48 du code de la famille algérien, et que la dissolution du mariage a été prononcée le 27 décembre 2012 alors que l'épouse était domiciliée... ; que ce jugement, constatant une répudiation unilatérale et discrétionnaire de l'intéressée par la seule volonté de son mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme, est contraire à la conception française de l'ordre public international alors même que mention de ce jugement rendu par une juridiction étrangère aurait été portée en marge de l'acte de mariage comme valant dissolution du mariage ; que, par suite, le préfet de la Somme ne pouvait se prévaloir de ce jugement pour estimer que, le mariage étant dissous, Mme B... n'était plus en droit de bénéficier des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.en France

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

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N°14DA00444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00444
Date de la décision : 18/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Octroi du titre de séjour - Délivrance de plein droit.

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Hoffmann
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : YAHIAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-11-18;14da00444 ?
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