La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2012 | FRANCE | N°12DA00495

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 20 novembre 2012, 12DA00495


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 mars 2012 et confirmée par la production de l'original le 29 mars 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abou Bakr A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103079 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 3 mai 2011, par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de

quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et d'a...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 mars 2012 et confirmée par la production de l'original le 29 mars 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abou Bakr A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103079 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 3 mai 2011, par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence pour algérien dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 3 mai 2011, par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat, Me Mary, une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de l'avocat au versement de l'aide juridictionnelle ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A, ressortissant algérien né en 1982, déclare être entré en France en décembre 2009 ; qu'il a sollicité le 3 février 2011 un certificat de résidence pour algérien sur le fondement des articles 7 et 6-5 de l'accord franco-algérien ; que, par arrêté du 3 mai 2011, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ; que M. A relève appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " Pour être admis à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis (lettres c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'obtention d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises est nécessaire pour la délivrance, à un ressortissant algérien, d'un certificat de résidence portant la mention " salarié " ; qu'en se bornant à produire un visa Schengen, valable du 23 décembre 2009 au 22 janvier 2010, délivré par les autorités espagnoles, le requérant n'établit pas avoir présenté au préfet de la Seine-Maritime un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ; que le préfet, qui était tenu d'appliquer les stipulations conventionnelles en vigueur, a pu, sans méconnaître la procédure, lui refuser la délivrance du titre sollicité sur le fondement des stipulations précitées des articles 7 b et 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui comporte l'indication des motifs de droit et des circonstances de fait, relatives à l'entrée récente de l'intéressé, à l'absence de liens privés forts en France et à la résidence de ses parents en Algérie, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le préfet de la Seine-Maritime, qui était tenu d'appliquer les stipulations conventionnelles en vigueur, a pu à bon droit, refuser au requérant la délivrance du titre sollicité sur le fondement des stipulations précitées des articles 7 b et 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, à défaut de présentation par celui-ci d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

6. Considérant que M. A, né en 1982, célibataire et sans enfant, est entré en France en décembre 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où demeurent ses parents ; que, s'il fait valoir qu'il a établi le centre de ses intérêts privés en France, où résident ses frères et soeurs français, et être bien inséré professionnellement, la promesse d'embauche produite ne suffit pas à établir la réalité et l'effectivité de son intégration professionnelle et sociale en France ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui a examiné la promesse d'embauche produite, s'est prononcé sur tous les éléments de la demande ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

9. Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est illégale car insuffisamment motivée ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de cette directive : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. (...) " ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 précité ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A et ainsi qu'il a été précédemment dit, la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise en application des dispositions de l'article L. 511-1 précité, n'est pas dépourvue de base légale ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ou s'est cru lié par sa décision de refus de séjour en prononçant l'obligation de quitter le territoire attaquée ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme " ; qu'aux termes de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives " ; qu'aux termes de l'article 41 de la même charte : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement soit prise à son encontre (...) " ; que M. A ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations précitées, qui concernent les mesures prises par les institutions et organes de l'Union européenne, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime ; que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et du 2. de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, dans la mesure où elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

13. Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (...) " ;

15. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A en faveur de son avocat doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abou-Bakr A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

''

''

''

''

5

2

N°12DA00495

12

N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 12DA00495
Date de la décision : 20/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Olivier Gaspon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-11-20;12da00495 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award