Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703688 du 25 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 avril 2007 rappelant un précédent refus de séjour opposé à M. Aram X, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant l'Arménie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M. Aram X ;
Il soutient que la procédure de consultation du médecin inspecteur de la santé publique n'est pas irrégulière ; que l'intéressé peut bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine ; que l'arrêté ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu l'ordonnance du 6 novembre 2007 prononçant la clôture de l'instruction au
7 janvier 2008 à 16 h 30 ;
Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie le 17 décembre 2007 régularisée le
21 décembre 2007 par la production de l'original et le 20 février 2008 par la production des pièces manquantes, présenté pour M. Aram X, demeurant ..., par Me Thieffry ; il conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte journalière de 150 euros à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre, sous astreinte journalière de 150 euros à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée ; il soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est la seule mesure prise par le préfet par son arrêté, est privée de base légale dès lors qu'elle n'est pas assortie d'un refus de titre de séjour qui doit en être le support ; qu'il n'a plus aucune famille en Arménie et dispose de ses liens les plus forts en France où résident son épouse, qui a formé un recours contre la décision de refus de séjour qui lui a été notifiée séparément, ainsi que leur fils ; que l'avis du médecin inspecteur sur lequel se fonde le préfet ne comporte aucune indication sur la possibilité de voyager sans risque ; qu'en s'étant approprié l'avis du médecin inspecteur datant de 2005 largement avant la date de la décision attaquée, sans dire pourquoi, le préfet a entaché son arrêté d'un défaut de motivation ; que les motifs de l'arrêté sont également insuffisants dans la mesure où ils ne font pas mention de sa situation personnelle ; qu'ils ne procèdent pas davantage à une analyse des possibilités de traitement de sa maladie en Arménie ; qu'un expert médical devrait, à titre subsidiaire, être désigné ; qu'en l'absence de tout traitement adapté à son affection grave en Arménie, le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que cette erreur manifeste est également établie par sa situation familiale et personnelle dans la mesure où son épouse est également très malade et que seul leur fils peut leur apporter des soins ; qu'il encourt des risques en cas de retour en Arménie, pays qu'il a fui pour avoir aidé des Azéris ; que le préfet, qui a renoncé à son pouvoir d'appréciation en se bornant à suivre le refus des organes de protection des réfugiés, n'a pas examiné cette situation qui l'expose à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Vu la décision du 9 janvier 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai attribuant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance du 21 janvier 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, entré en France en avril 2002, s'est vu refuser une première fois l'admission au séjour en qualité de réfugié par un arrêté du PREFET DU NORD du
26 octobre 2004, puis une seconde fois en qualité d'étranger malade par arrêté du
26 octobre 2005 ; qu'à la suite de son interpellation le 22 avril 2007, le préfet, par l'arrêté du
23 avril 2007 attaqué, a fait obligation à M. X de quitter le territoire français ; que, par le jugement du 25 septembre 2007 attaqué, le Tribunal administratif de Lille, après avoir retenu que l'arrêté du 23 avril 2007 s'était borné à prescrire une obligation de quitter le territoire français à M. X, ressortissant arménien, sans lui refuser de titre de séjour, en a prononcé l'annulation au motif que la maladie de l'intéressé nécessitait une prise en charge qui ne pouvait être assurée dans le pays vers lequel il devait être éloigné ; que le PREFET DU NORD fait appel de ce jugement ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige :
« I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) II - L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre (...) » ; qu'il résulte des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par les travaux préparatoires, que le préfet ne peut prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir dans la même décision refusé, de manière explicite, un titre de séjour ;
Considérant qu'en disposant, par son article 1er, que M. X, dont la demande de délivrance de titre de séjour a été rejetée, est obligé de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, la décision attaquée s'est bornée à rappeler à l'intéressé qu'une précédente demande de titre de séjour avait été rejetée et ne lui a pas refusé, de manière explicite, un titre de séjour ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir, en défense, qu'en ayant pris une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans lui avoir, dans la même décision, refusé un titre de séjour, le PREFET DU NORD a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, le PREFET DU NORD n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de son arrêté du 23 avril 2007 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté en litige portant obligation de quitter le territoire français implique la délivrance à l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et implique également que le préfet se prononce sur son droit à un titre de séjour, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens ; que M. X est dès lors fondé à demander qu'il soit enjoint au PREFET DU NORD, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative d'une astreinte journalière ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me Eve Thieffry, conseil de M. X, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de Me Thieffry au versement de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DU NORD est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DU NORD de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Eve Thieffry une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Aram X.
Copie sera transmise au PREFET DU NORD.
N°07DA01593 2