Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée KIABI EUROPE, dont le siège est 100 rue du Calvaire à Hem (59510), par Me Malguid-Bassez ; la société KIABI EUROPE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0606942 du 12 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de janvier 2000 à décembre 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'elle a établi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui a suivi à tort l'administration, les causes de la disparition de ses marchandises et les mesures prises pour en réduire le volume ; que l'entreposage des marchandises et les risques de disparition associés sont un élément du cycle commercial qui permet la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'acquisition de ces biens ; que le refus d'admettre la déduction de cette taxe repose sur des conditions qui excèdent les exigences posées, tant par la loi que par le droit communautaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 29 février 2008 au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'article 221-1 de l'annexe II au code général des impôts n'est pas contraire avec l'article 20 de la 6e directive ; que les déperditions constatées interviennent au stade, non pas de la commercialisation des biens, mais dans le cadre de l'organisation logistique de leur stockage préalable, ce qui fait obstacle à ce que les disparitions surviennent en raison des conditions particulières des ventes pratiquées par la contribuable ; que si la société se prévaut de nombreuses mesures prises pour lutter contre la démarque inconnue, elle ne l'établit par aucun élément ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 mai 2008, présenté pour la société KIABI EUROPE ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 30 juin 2008 et confirmé le 2 juillet 2008 par la production de l'original, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période couvrant les années 2000 et 2001, l'administration a relevé que la société KIABI EUROPE, qui exerce une activité de vente au détail de vêtements, avait porté au compte de charges intitulé « démarque inconnue » des montants correspondant à des disparitions de produits observées dans ses magasins de vente et à des disparitions de marchandises constatées au niveau de ses stocks centraux ; que si l'administration a accepté la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la démarque inconnue constatée en magasin, elle a estimé que la démarque inconnue constatée dans ses entrepôts de stockage devait faire l'objet d'un reversement de la taxe déduite ; qu'en l'absence d'une telle régularisation, le service a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) III. A cet effet, les assujettis, qui sont autorisés à opérer globalement l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenus de procéder à une régularisation : a) Si les marchandises ont disparu ; b) Lorsque l'opération n'est pas effectivement soumise à l'impôt. (...) » ; qu'aux termes de l'article 221 de l'annexe II au même code : « 1. Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas ci-après : Lorsque les marchandises ont disparu ; Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt. (...) 3. Les régularisations visées au 1 ne sont pas exigées lorsque les biens ont été détruits avant toute utilisation ou cession et qu'il est justifié de cette destruction. 4. Les régularisations visées au 1 ne sont pas exigées lorsque les biens ont été volés et qu'il est justifié de ce vol. » ; qu'aux termes de l'article 20 de la 6e directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 : « 1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les Etats membres, notamment : a) lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ; b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d'achats annulés ou en cas de rabais obtenus ; toutefois, il n'y a pas lieu à régularisation en cas d'opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l'article 5 § 6. Toutefois, les Etats membres ont la faculté d'exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées ou en cas de vol. (...) » ;
Considérant, en premier lieu, que la notion de disparition d'une marchandise, au sens du a) du 2 de l'article 271 du code général des impôts, pris pour la transposition de la 6e directive, s'entend d'une disparition non justifiée, laissant présumer que cette marchandise a été utilisée pour les besoins d'une opération non effectivement soumise à l'impôt, telle qu'une consommation finale, et que n'entrent pas, en revanche, dans les prévisions du même texte de droit interne les déperditions justifiées de marchandises qu'une entreprise établit avoir subies à l'occasion de l'accomplissement de ses opérations imposables et du fait des modalités de son activité, le coût de ces déperditions constituant ainsi l'un des éléments du prix desdites opérations ; qu'ainsi, en soumettant à l'obligation de régulariser la taxe sur la valeur ajoutée les assujettis qui l'ont déduite à l'occasion de l'acquisition de marchandises disparues alors même que l'article 20 de la 6e directive du 17 mai 1977 n'envisage pas expressément le cas des disparitions de marchandises, la loi nationale n'est, contrairement à ce que soutient la société KIABI EUROPE, pas contraire au droit communautaire ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que fait valoir le ministre, dans la mesure où l'activité de vente au détail de vêtements de la société KIABI EUROPE nécessite la réception et la manipulation de gros volumes de marchandises dans des centres de stockage, les dispositions précitées du code général des impôts ne font pas obstacle à ce que la contribuable, à condition qu'elle justifie de ses disparitions, puisse être dispensée de l'obligation de régulariser la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la démarque inconnue constatée dans ses locaux d'entreposage de marchandises, laquelle est inhérente à l'accomplissement de ses opérations imposables ; qu'en l'espèce, la société requérante soutient qu'avant leur expédition dans ses magasins de détail, les très nombreuses marchandises réceptionnées par gros volumes dans ses entrepôts font l'objet d'une préparation qui consiste à les reconditionner sous forme de colis, eux-mêmes contrôlés, et que ces manipulations engendrent des déperditions inévitables de produits, notamment détériorés ou impropres à la vente ; qu'elle ajoute en réplique que des déperditions trouvent également leur origine dans le caractère plus ou moins complet des colis expédiés par les fournisseurs auprès desquels elle s'approvisionne et qu'elle contrôle suivant une méthode statistique reposant sur le degré de fiabilité accordé à ces fournisseurs ; que si la contribuable apporte dans ses écritures des précisions sur les volumes de pièces manipulées dans ses aires de stockage, sur la mise en place de mesures de surveillance très strictes pour limiter le risque de vol ou de disparition de marchandises, tant à l'arrivée des colis dans ses entrepôts qu'à leur sortie sous une forme reconditionnée vers ses magasins de vente au détail, ainsi que sur les techniques de suivi et de contrôle de l'ensemble de ces colis, elle ne justifie toutefois pas, par ces considérations générales qui ne sont assorties d'aucun élément probant tiré de ces conditions d'exploitation, de l'origine précise des disparitions, ni du montant des taux des pertes qu'elle soutient avoir enregistrées ; que la circonstance que ces taux présenteraient, compte tenu des volumes traités, un caractère infinitésimal ne saurait, à elle seule, être regardée comme justifiant de la cause des disparitions ; que, par suite, le service était en droit de remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée opérée par la société KIABI EUROPE à raison des biens stockés, pour la valeur inscrite au compte de démarque inconnue ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société KIABI EUROPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société KIABI EUROPE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société KIABI EUROPE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée KIABI EUROPE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N°07DA01581