Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Simon X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Choisel de Monti et associés ; il demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 96-1425 en date du 29 juin 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du jury académique d'Amiens en date du 6 juin 1996 prononçant son ajournement définitif à l'examen de qualification professionnelle du CAPES de philosophie, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration en application de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de le faire bénéficier, sous peine d'astreinte, d'un nouveau stage ;
2') d'annuler la délibération du 6 juin 1996 du jury académique d'Amiens, ensemble la décision de rejet de son recours administratif préalable ;
3') d'enjoindre à l'administration, au besoin sous astreinte, de le faire bénéficier d'un stage de qualification dans les conditions statutaires ;
4') de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Code B Classement CNIJ : 36-03-04-005
Il soutient que le tribunal administratif n°a pas répondu au moyen, qu'il réitère en appel, tiré de ce que l'accomplissement de l'année de stage en qualité de stagiaire en situation en vertu de l'arrêté du 18 juillet 1991 et des notes de services prises pour son application repose sur des textes qui ajoutent au décret statutaire et sont de ce fait entachés d'une erreur de droit ; qu'il ressort des articles 25 et 26 du décret du 4 juillet 1972 qu'il ne peut être identifié que deux catégories de professeurs certifiés stagiaires, ceux qui ont déjà la qualité de fonctionnaire titulaire et ceux qui ne possèdent pas cette qualité ; qu'en laissant à un jury composé très majoritairement de non spécialistes de la discipline de recrutement, le soin d'apprécier la compétence professionnelle d'un professeur certifié stagiaire, l'arrêté du 18 juillet 1991 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le statut prévoit que le recrutement se fait par discipline d'enseignement ; que la délibération du jury académique est entachée d'un vice de forme dès lors que tous les membres du jury n°ont pas pris position dans la délibération ; que les conditions d'exécution de l'année de stage qui lui a été imposée ne sont pas conformes aux prescriptions du décret du 4 juillet 1972 et de l'arrêté du 2 juillet 1991 pris pour son application ; que pendant ses deux années de stage, il a été mis en présence d'élèves durant un service complet et n°a donc eu aucune formation ; que la délibération contestée est entachée de détournement de pouvoir dès lors que les membres du jury ont tenu compte des articles qu'il a publiés et qui avaient provoqué des réactions d'agacement de la part des membres des corps d'inspection ;
Vu la décision et le jugement attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2002, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant n°apporte aucun élément déterminant quant à la réalité du détournement de pouvoir ; que contrairement à ce que soutient M. X, non seulement aucune disposition législative ou réglementaire n°oblige l'administration à soumettre l'ensemble des stagiaires à une formation exclusive en institut de formation des maîtres, mais la loi du 11 janvier 1984 et les décrets n° 72-581 du 4 juillet 1972 et n° 94-874 du 7 octobre 1994 permettent bien l'une ou l'autre des modalités (probation ou formation) selon ce qui sera prévu par les statuts particuliers ; qu'il n°était donc pas contraire au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires qu'il ait été tenu compte de l'expérience de l'enseignement acquise en qualité de maître auxiliaire par le requérant pendant quatre années pour le soumettre à un stage en situation sanctionné par un examen de qualification professionnelle ; que M. X ne saurait se plaindre d'un vice de forme dans la composition du jury dès lors que celui-ci comprenait en son sein au moins un membre de la discipline conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 de l'arrêté du 18 juillet 1991 ; que concernant la régularité de la délibération du jury, le requérant n°apporte pas de précision suffisante à l'appui de son moyen ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 décembre 2002, présenté pour M. Simon X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 048,98 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient en outre que le tribunal n°a pas répondu aux moyens développés quant à la qualification de 'stagiaire en situation° ; qu'il apparaît à l'examen du décret du 4 juillet 1972 et de l'arrêté du 18 juillet 1991 que la nécessité et même l'obligation d'un stage sont établies ; que seul l'arrêté du 18 juillet 1991 a créé la notion de 'stagiaire en situation°, ce qui en aucun cas ne permet d'en déduire que le stagiaire concerné ne pourrait pas bénéficier d'une véritable formation ; que le ministre dénature les textes légaux en considérant comme acquis le fait qu'un professeur certifié stagiaire doit tout naturellement accomplir un stage et donc subir une formation ; que l'on ne peut que s'étonner des contradictions entre les deux lettres, élogieuses à son égard, de son tuteur, conseiller pédagogique et les rapports d'inspection versés aux débats par le ministre ; qu'il est contraire au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires, d'une part, de soumettre un maître auxiliaire à un régime différent des autres maîtres auxiliaires et plus précisément, en l'espèce, de le priver d'une véritable formation, d'autre part, de considérer les uns comme stagiaires, et d'autres comme 'stagiaires en situation° puisque la condition de 'stagiaire en situation° anéantit la réalité du stage et empêche toute formation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 portant statut des professeurs certifiés ;
Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;
Vu l'arrêté du 18 juillet 1991 relatif à l'examen de qualification professionnelle des professeurs certifiés stagiaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2003 où siégeaient M. Daël, président de la Cour, Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur, et MM. Lequien et Paganel, premiers conseillers :
- le rapport de M. Lequien, premier conseiller,
- les observations de Me Choisel de Monti, avocat, pour M. Simon X,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a été reçu au concours d'accès au corps des professeurs certifiés ouvert au titre de l'année 1994 ; qu'après avoir été admis à accomplir une année supplémentaire de stage, il a été définitivement ajourné et licencié à l'issue des épreuves de l'examen de qualification professionnelle au professorat de l'enseignement du second degré organisées au mois de juin 1996 ; que la requête de M. X est dirigée contre un jugement en date du 29 juin 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du jury académique d'Amiens en date du 6 juin 1996 qui a prononcé l'ajournement définitif qui fonde la décision du 17 juillet 1996 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a décidé son licenciement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972 susvisé : 'Le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré est délivré aux candidats qui ayant subi avec succès les épreuves d'un concours externe ou d'un concours interne ont accompli un stage d'une durée d'une année sanctionnée par un examen de qualification professionnelle' ; qu'aux termes de l'article 24 du même décret : 'Les candidats reçus aux concours prévus aux articles 6 et 11 ci-dessus... accomplissent en qualité de professeur stagiaire le stage mentionné aux articles 6 et 11 ci-dessus. Les professeurs certifiés sont soumis, au cours de l'année de stage, aux épreuves de l'examen de qualification professionnelles prévu aux articles 6 et 11 ci-dessus, dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre de l'éducation nationale' ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 18 juillet 1991 : 'Le jury académique se prononce après avoir pris connaissance, d'une part, du dossier individuel du professeur stagiaire, comportant les résultats de celui-ci à l'issue de sa formation en deuxième année d'IUFM, et, d'autre part, des propositions du directeur de l'IUFM. En ce qui concerne les professeurs stagiaires en situation, le jury se prononce à partir de l'avis d'un membre d'un des corps de la discipline. En tant que de besoin, cet avis peut s'appuyer sur une évaluation qui peut prendre la forme d'une inspection par un membre d'un des corps d'inspection de la discipline du professeur stagiaire dans l'une des classes qui lui sont confiées ' ;
Considérant qu'en fixant par les dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 18 juillet 1991 des modalités d'exécution de stage différentes entre deux catégories de professeurs stagiaires sans définir les conditions qui permettent de distinguer ceux qui entrent dans l'une ou l'autre de ces catégories, le ministre de l'éducation nationale, qui a exclu la catégorie des professeurs stagiaires en situation ayant déjà exercé des fonctions d'enseignements de toute espèce de formation, a créé une différence de traitement qui n°est pas justifiée par une différence de situation ; que pour justifier de la légalité de l'arrêté du 18 juillet 1991, le ministre ne peut utilement soutenir que le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics prévoit qu'un fonctionnaire stagiaire peut être titularisé après une période probatoire ou de formation, dès lors qu'à la date à laquelle l'arrêté du 18 juillet 1991 est entré en vigueur, le décret du 7 octobre 1994 n°avait pas été pris ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 juin 1996 du jury académique d'Amiens, et de la décision de rejet de son recours administratif préalable ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que dans le cas où M. X n°aurait pas été titularisé dans le corps des professeurs certifiés, il y aurait lieu de faire droit aux conclusions du requérant tendant à le faire bénéficier d'un nouveau stage de qualification ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 29 juin 1999 est annulé.
Article 2 : La délibération du 6 juin 1996 du jury académique d'Amiens et la décision de rejet du recours hiérarchique de M. Simon X sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'administration, dans le cas où M. X n°aurait pas déjà été titularisé dans le corps des professeurs certifiés, de faire bénéficier l'intéressé d'un nouveau stage de qualification.
Article 4 : L'Etat versera à M. Simon X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Simon X et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Amiens.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 19 mars 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 3 avril 2003.
Le rapporteur
Signé : A. Lequien
Le président de la Cour
Signé : S. Daël
Le greffier
Signé : M. Milard
La République mande et ordonne au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
M. Milard
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N°99DA20209