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11/07/2025 | FRANCE | N°25BX00074

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 25BX00074


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du préfet de Mayotte du 19 janvier 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.



Par une ordonnance n° 2302226 du 9 janvier 2025, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.


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Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2025, Mme A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du préfet de Mayotte du 19 janvier 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2302226 du 9 janvier 2025, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2025, Mme A..., représentée par Me Kouravy Moussa-Bé, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2302226 du 9 janvier 2025 du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Mayotte du 19 janvier 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " selon l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance :

- sa requête était recevable ; en ne vérifiant pas la justification par l'autorité administrative de la preuve de la notification de l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a manqué d'impartialité et à son obligation de loyauté ; il a méconnu le principe du contradictoire entre les parties ; elle conteste avoir été destinataire d'une copie de l'arrêté litigieux le 21 février 2023 dont elle a seulement pris connaissance, par l'intermédiaire de son conseil, le 5 mai 2023.

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il doit être justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ; l'arrêté litigieux ne vise pas la délégation accordée au signataire dudit arrêté ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit ; eu égard à sa qualité de parent d'enfants français à l'égard desquels elle assure la charge et contribue à leur entretien et leur éducation, elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle ne représente pas une menace pour l'ordre public ; elle réside avec le père de quatre de ses enfants ainsi qu'avec le cinquième né d'une autre union ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est privée de base légale ;

- la décision contestée méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision contestée méconnait l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée le 23 avril 2025 au préfet de Mayotte.

Par ordonnance du 23 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Martin.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante comorienne née le 21 mars 1989, est, selon ses déclarations, entrée en France en 2006. Elle a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français, laquelle a été refusée par le préfet de Mayotte, par l'arrêté du 19 janvier 2023, assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 9 janvier 2025 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. En première instance, le préfet de Mayotte a produit deux courriels des 16 mars et 5 mai 2023 qui indiquent que la décision contestée du 19 janvier 2023 a été notifiée à Mme A... le 21 février 2023. Cependant, ce document ne permet d'établir ni que la requérante s'est effectivement vue notifier l'arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français de trois ans, ni la connaissance à cette date par Mme A... de l'existence de cet arrêté. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte, la demande de Mme A... tendant à l'annulation dudit arrêté, enregistrée le 9 mai 2023 au greffe du tribunal administratif, n'était pas tardive. Par suite, l'ordonnance du 9 janvier 2025 qui a opposé une telle irrecevabilité à la demande de Mme A... pour la rejeter doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Mayotte.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2023 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

5. L'arrêté du 19 janvier 2023 a été signé par M. B..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de la demande d'asile qui a reçu délégation à cet effet par un arrêté du préfet de Mayotte en date du 15 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat n° R06-2022-180 du même jour, accessible tant au juge qu'aux parties. La requérante ne peut utilement se prévaloir de l'absence dans les visas de l'arrêté de délégation de signature, lequel au demeurant est visé dans l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

7. Mme A... soutient s'être mariée à Anjouan le 12 juillet 2013 avec M. C..., ressortissant français et partager depuis sa vie avec lui. Elle se prévaut de sa qualité de mère de ses six enfants français. Trois sont nés en 2019 et 2021 de son union avec M. C..., qui a également procédé en 2018 à la reconnaissance de l'enfant né le 22 février 2016. Deux autres enfants de Mme A... sont nés les 18 février 2008 et 11 juillet 2010. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... partage la vie de M. C... dès lors qu'ils ne résident pas à la même adresse et que monsieur a, au titre de son imposition déclarée en 2021, mentionné une part et ses seuls revenus. D'autre part, l'appelante n'établit pas davantage vivre à la même adresse que ses six enfants, pas plus qu'elle ne démontre contribuer effectivement à leur entretien et à leur éducation depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, en se bornant à produire certains certificats de scolarité, des extraits de carnets de santé et quelques tickets de caisse relatifs à des achats de différents produits, notamment alimentaires et scolaires, dont certains sont postérieurs à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, alors même qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénale, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Ainsi qu'il a été dit, Mme A... ne justifie pas des liens qu'elle dit avoir conservés avec ses six enfants et M. C... et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. L'intéressée ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme A....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte des points 6 à 9 que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 6 à 9 ci-dessus, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : /1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...)/ 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...)/ 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Le préfet ne s'est fondé, pour prendre la décision en litige, que sur les 1° et 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas sur le 5° de cet article relatif à la menace pour l'ordre public. Par conséquent, Mme A... ne saurait utilement soutenir qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public au soutien de son moyen tiré de ce que la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Mayotte en date du 19 janvier 2023. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2302226 du 9 janvier 2025 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Mayotte et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 25BX00074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25BX00074
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : KOURAVY MOUSSA BE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;25bx00074 ?
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