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11/07/2025 | FRANCE | N°24BX02807

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juillet 2025, 24BX02807


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire de trois ans.



Par un jugement n° 2403146 du 7 novembre 2024,

le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire de trois ans.

Par un jugement n° 2403146 du 7 novembre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Jourdain de Muizon, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2403146 du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire de trois ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé portant autorisation de travail ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il omet de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mars 2024 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la consultation de fichiers comportant des données personnelles a été faite de manière irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 114-6 du code de la sécurité intérieure et de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, et cette consultation des inscriptions au traitement des antécédents judiciaires constitue le fondement de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il confirme l'ensemble des éléments de faits et de droit fondant le jugement attaqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- et les observations de Me Jourdain de Muizon, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 7 février 2000, est entré en France le 5 juillet 2019 muni d'un visa court séjour. Il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 mars 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 7 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 mars 2024.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du dossier de première instance que M. A... avait soulevé le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête sans répondre à ce moyen. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation présentées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions d'annulation présentées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions d'annulation présentées à l'encontre des décisions de refus de titre de séjour, fixant le pays de renvoi et interdisant M. A... de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

6. Aux termes de l'article 375 du même code : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes de l'article 375-7 du même code : " Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure (...) ". Aux termes de l'article 375-8 du même code : " Les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qui a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative continuent d'incomber à ses père et mère (...), sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou en partie ". Il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'un enfant de nationalité française a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que son père ou sa mère étrangers puisse obtenir un titre de séjour en tant que parent de cet enfant s'il contribue effectivement à son entretien et à son éducation conformément aux décisions de justice en définissant les modalités.

7. Il est constant que, comme le relève d'ailleurs l'arrêté du 20 mars 2024, M. A... contribue à l'entretien de son enfant, né le 21 mai 2023, issu de sa relation avec une ressortissante française. Il ressort également des pièces du dossier que, malgré une relation conflictuelle avec la mère de son enfant et avec les professionnels du centre maternel dans lequel il a résidé et le placement de son fils au centre parental puis au domicile maternel, il conserve des liens forts avec ce dernier. Le jugement du 11 octobre 2023 relève que M. A... montre un attachement important à son enfant et bénéficie d'un droit de visite médiatisé au moins deux fois par semaine au centre parental. La note du centre maternel du 21 septembre 2023 indique qu'il a demandé des conseils pour son fils et a participé aux cinq jours d'adaptation à la crèche. Le jugement de placement en assistance éducative du tribunal pour enfants du 4 mars 2024 relève que les deux parents montrent de réelles compétences parentales dans la prise en charge individuelle de leur enfant et que le requérant entretient une relation attentionnée avec son fils qui manifeste sa joie lorsqu'il retrouve son père. A compter de ce jugement, le requérant a bénéficié d'un droit de visite chez la mère de l'enfant, à la journée, le dimanche de 9 heures à 19 heures pouvant évoluer vers un droit de visite et d'hébergement, sous réserve des conditions d'hébergement du père. Le 21 mai 2024, une éducatrice spécialisée a souligné que M. A... démontre un réel souci pour son fils qu'il reçoit une journée par semaine conformément au jugement du 4 mars 2024 et que son enfant passe parfois une nuit chez lui. L'implication de M. A... dans la vie de son fils a été confirmée par un jugement du 27 septembre 2024 du juge des enfants du tribunal judiciaire de Libourne qui, bien que postérieur à l'arrêté du 20 mars 2024, est de nature à révéler la relation que M. A... entretient avec son enfant et lui a accordé un droit de visite un week-end sur deux et un jour par semaine, la semaine où il ne l'accueille pas, avec évolution possible après avoir relevé qu'il a la volonté de s'impliquer et d'être présent dans la vie de son fils, qu'il apparaît adapté et bienveillant dans sa prise en charge, ce qui justifie que ses droits soient davantage ouverts afin qu'il partage plus de temps avec son fils. Ainsi, bien que le jugement du 4 mars 2024 du juge des enfants souligne aussi que M. A... est parfois en difficulté à certains moments pour préserver son fils et que l'enfant manque de cadre, M. A... établit contribuer effectivement à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, remplissant ainsi la deuxième condition mentionnée à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'illégalité et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de sa destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire de trois ans.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 20 mars 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, au titre des frais exposés devant le tribunal et la cour, la somme globale de 1 200 euros à verser à Me Jourdain de Muizon, avocat de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Jourdain de Muizon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire formée par M. A....

Article 2 : Le jugement n° 2403146 du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2024 est annulé.

Article 3 : L'arrêté du préfet de Gironde du 20 mars 2024 est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 5 : L'État versera la somme de 1 200 euros à Me Jourdain de Muizon au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Gironde, au ministre de l'intérieur et à Me Jourdain de Muizon.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Nicolas Normand, président,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLe président,

Nicolas Normand

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX02807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02807
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : JOURDAIN DE MUIZON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;24bx02807 ?
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