Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit.
Par un jugement n° 2401007 du 3 octobre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de procéder à l'effacement de son inscription au fichier " système d'information Schengen " aux fins de non-admission ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de procéder à l'effacement de son inscription au fichier " système d'information Schengen " aux fins de non-admission et d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 € par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas pris en compte tous les éléments relatifs à sa situation personnelle, en particulier eu égard à l'impossibilité d'une prise en charge dans son pays d'origine, à son insertion professionnelle et à ses attaches personnelles et familiales en France ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision, qui indique à tort qu'il n'établit pas être entré en France le 5 mai 2016 à l'âge de 16 ans et 7 mois, est entaché d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû examiner sa situation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- le préfet aurait dû examiner sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ; la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et doit être annulée par voie de conséquence ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne sa vie privée et familiale en France ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable ;
- la décision fixant le pays de retour est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et doit être annulée par voie de conséquence ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne sa vie privée et familiale en France ;
- elle est entachée d'un défait d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 20 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. A....
Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Chamberland-Poulin, représentant Mme D..., tutrice de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 17 septembre 1999 à Dakar (Sénégal), est entré en France le 5 mai 2016 selon ses déclarations. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Haut-Rhin le 1er juin 2016. M. A... a par la suite bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour en qualité d'apprenti, entre le 7 novembre 2017 et le 20 décembre 2019, puis d'une carte de séjour " salarié " valable jusqu'au 25 mai 2021. L'intéressé s'est vu délivrer, le 30 août 2022, une carte de séjour " étranger malade ", valable jusqu'au 29 mai 2023, dont il a sollicité le renouvellement par un courrier du 21 février 2023. Par un arrêté du 8 janvier 2024, dont Mme D..., tutrice de M. A..., demande l'annulation, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler le titre de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
4. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en date du 5 juin 2023, indique que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité en raison de l'état de santé du requérant, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis précité. Pour contester le sens de cet avis, le requérant qui lève le secret médical, fait valoir qu'il est atteint d'une schizophrénie paranoïde, prise en charge en France depuis son hospitalisation au sein du département psychiatrie adulte de l'hôpital Garderose à Libourne du 21 octobre 2021 au 31 décembre 2022. Son traitement est constitué, à la date de la décision attaquée, d'un antipsychotique, Haldol Decanoas, par injection de 3 ampoules tous les 28 jours, d'Olanzapine 10 mg et de comprimés de Lepticur 10 mg. M. A... produit la liste nationale des médicaments et produits essentiels du Sénégal, établie en 2022 par l'agence sénégalaise de réglementation pharmaceutique, laquelle ne comporte ni le traitement Haldol Decanoas, ni l'Olanzapine. Le préfet de la Gironde ne présente en réponse aucun élément précis justifiant qu'un traitement approprié à la prise en charge de l'état de santé du requérant serait effectivement disponible au Sénégal. Ainsi, le requérant qui produit des éléments de nature à contredire utilement l'avis des médecins de l'OFII démontre, par ces éléments, et alors qu'il n'est pas contesté que ce traitement médicamenteux est partie intégrante de la prise en charge médicale qui a permis à la pathologie psychotique de M. A... de se stabiliser, qu'il serait privé d'un accès effectif aux soins nécessaires au traitement de sa pathologie au Sénégal. Par suite, en estimant que M. A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Gironde a entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour. La décision du même jour faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que celle désignant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'annulation de la décision du 8 janvier 2024 par le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de fait, qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde, de délivrer à M. A... un titre de séjour d'une durée d'un an sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. L'exécution du présent arrêt implique également qu'il soit procédé à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, ou au préfet territorialement compétent, de mettre en œuvre cette procédure d'effacement dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
8. Il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées par M. A... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 octobre 2024 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 janvier 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde, sous réserve d'un changement de circonstances de fait, de délivrer à M. A..., un titre de séjour d'une durée d'un an sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde ou au préfet territorialement compétent de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Nicolas Normand, président,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
Carine C... Le président,
Nicolas Normand
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX02571 2