Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2024 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son égard une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de 1 an.
Par un jugement n° 2404559 du 31 juillet 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2024, M. B..., représenté par Me Reche, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2404559 du 31 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2024 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son égard une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de 1 an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartenait au préfet de saisir la commission du titre de séjour ;
- l'absence de saisine et d'intervention d'un interprète est de nature à entacher d'illégalité externe la décision contestée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle et actuelle ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est parent d'un enfant français et conservait le bénéfice d'une délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; il justifie d'une communauté de vie avec la mère de ses enfants et de l'entretien et de l'éducation des trois enfants du couple ;
- incarcéré, il ne peut avoir saisi la préfecture d'une demande de titre de séjour pour motif professionnel ;
- le seul fait d'une incarcération pour vol ne saurait à elle seule permettre de retenir un comportement personnel, constituant du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle, et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française ;
- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme a été méconnu.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aude le 23 avril 2025.
Par ordonnance du 23 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2025 à 12 h00.
L'arrêté du préfet de l'Aude portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'un an a été communiqué aux parties le 20 juin 2025.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....
Considérant ce qui suit
1. M. B..., né le 3 août 1983 et de nationalité croate, relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2024 par laquelle le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an. Postérieurement à l'introduction de la requête de M. B... devant le tribunal administratif, par décision du 19 juillet 2024 le préfet de l'Aude a abrogé la décision du 12 juillet 2024 portant refus de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français, et pris un nouvel arrêté en date du 24 juillet 2024 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son égard une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour de regarder les conclusions de la requête comme également dirigées contre l'arrêté du 24 juillet 2024 du préfet de l'Aude.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, les conditions de notification de l'arrêté attaqué sont sans incidence sur la légalité de celui-ci. Le moyen tiré de l'irrégularité de cette notification ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aude n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 231-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. Toutefois, s'ils en font la demande, il leur en est délivré un. " Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ".
5. Si l'appelant soutient ne pas avoir demandé de titre de séjour en raison d'une activité professionnelle, il ressort des pièces du dossier que le préfet a examiné la demande de titre de séjour de M. B... sur le fondement de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à ce titre, a examiné si l'intéressé exerçait une telle activité en France et disposait de ressources suffisantes. Or, M. B..., qui déclare être présent en France depuis 2013, ne justifie pas entrer dans l'une des catégories au titre desquelles les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne sont autorisés, sur le fondement des dispositions légales précitées, à résider sur le territoire français pendant une durée de plus de trois mois. Il n'a pas d'activité professionnelle autre que celle qu'il a exercée pendant son incarcération et il ne justifie pas avoir des ressources suffisantes au regard des dispositions du 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il expose que l'un de ses enfants a désormais la nationalité française, la qualité d'ascendant d'enfant mineur français n'ouvre pas davantage droit, sur le fondement de ces mêmes dispositions, au séjour de plus de trois mois en France pour les ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aude, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait commis une erreur de droit.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. B... soutient qu'il est arrivé en France en 2013, avec sa compagne de même nationalité, et qu'ils ont trois enfants, nés en France. Toutefois, détenu à la date de la décision attaquée dans le cadre d'une peine prononcée pour des faits de vol, l'intéressé ne démontre pas avoir noué en France des liens particulièrement stables et anciens avec d'autres personnes que les membres de sa famille. Il n'établit pas que la cellule familiale, dont tous les membres sont ressortissants de l'Union européenne et dont au moins trois, la mère de ses enfants et deux de ses enfants, ont la même nationalité que lui, ne pourrait pas être reconstituée dans son pays d'origine. S'il se prévaut en particulier être le père d'un enfant français, il ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, pas plus qu'il n'en justifie s'agissant de ses deux autres enfants. Il n'est pas davantage démontré, ni même allégué, que les enfants mineurs du requérant ne pourraient pas bénéficier, en Croatie, d'une prise en charge et d'une scolarité adaptées. En outre, la circonstance qu'il purge une peine prononcée le 2 mai 2023 pour des faits de vol aggravé par deux circonstances, et de tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, démontre l'échec de son insertion dans la société française, dans laquelle il ne démontre pas avoir établi des repères et des liens durables. L'appelant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident ses parents. Dès lors, pour ces seuls motifs, et alors même que la présence en France de M. B... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Aude a pu refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'encontre du requérant sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : /1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; /2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; /3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ;/ 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ; /5° Lorsqu'elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l'article L. 412-10. ".
9. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent.
10. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 que le requérant, qui ne justifie pas contribuer à l'éducation de son enfant de nationalité française, ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant de nationalité française, et que le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
Bénédicte C...La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX02164