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11/07/2025 | FRANCE | N°23BX02458

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX02458


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2023, 19 septembre 2024 et 20 mai 2025, l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural, M. B... C..., M. A... D..., représentés par Me Gohier, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté DL/BPEUP n° 2023/043 de la préfète de la Haute-Vienne du 16 mai 2023 portant autorisation environnementale au profit de la SASU " Energie Jouac " d'exploiter un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur

le territoire de commune de Jouac ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la so...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2023, 19 septembre 2024 et 20 mai 2025, l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural, M. B... C..., M. A... D..., représentés par Me Gohier, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté DL/BPEUP n° 2023/043 de la préfète de la Haute-Vienne du 16 mai 2023 portant autorisation environnementale au profit de la SASU " Energie Jouac " d'exploiter un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de commune de Jouac ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de la légalité externe :

- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances, dès lors que :

- elle ne prend pas en compte le projet éolien de Beaulieu comportant quatre éoliennes et situé à seulement un kilomètre de l'aire d'étude immédiate ;

- les relevés écologiques relatifs à l'avifaune sont gravement lacunaires s'agissant de plusieurs espèces protégées et notamment la grue cendrée, alors que le projet est situé dans le couloir de migration principal de l'espèce et que l'étude relève que la dernière journée du suivi, le 4 novembre, il a été dénombré 1 100 individus en un seul passage de trois groupes ; or, le comptage et les observations auraient dû être prolongés tout le mois de novembre, les pics migratoires étant situés les deux dernières semaines du mois ; de même, l'étude indique que les altitudes de vol sont comprises entre 50 et 180 mètres, soit dans la zone d'impact avec les éoliennes ; l'étude écologique précise également que cet oiseau a été observé en halte sur le site ; l'étude est taisante sur les conséquences réelles de l'implantation du parc perpendiculaire à l'axe de migration avec une emprise d'environ deux kilomètres et des espaces particulièrement réduits entre les éoliennes (593 mètres), alors qu'un consensus estime qu'une trouée doit représenter une largeur d'un kilomètre minimum pour être efficace ; l'étude d'impact est donc particulièrement lacunaire en ce qu'elle n'a pas caractérisé les haltes migratoires et de gagnages de la grue cendrée dans l'aire d'étude, que ce soit dans leur importance ou leur localisation, qu'elle n'a pas quantifié non plus les risques concernant l'implantation perpendiculaire à cet axe de migration majeur avec une implantation serrée des engins, c'est-à-dire sans observer une trouée favorable au passage ; aucune mesure de réduction n'est préconisée dans l'étude d'impact concernant la grue cendrée ;

- s'agissant de la cigogne noire, l'étude d'impact est lacunaire sur cette espèce, alors qu'elle note qu'elle a été observée à plusieurs reprises sur l'aire d'étude immédiate en migration active, ainsi qu'en halte migratoire, et qu'il est avéré qu'un couple nidifie régulièrement dans le bois de Paillet, commune de Belabre, lieu-dit La Jette, dans l'aire d'étude du projet de Jouac (17 kilomètres) et que la cigogne noire a besoin d'un territoire vital de 800 km², soit un rayon d'au moins 20 km autour de son nid ;

- s'agissant du milan royal, alors que l'étude d'impact fait état d'une observation de l'espèce à huit reprises par le bureau d'études et que deux milans royaux ont été observés en repos et nourrissage, elle qualifie l'impact de faible, ce qui est largement sous-estimé ;

- s'agissant du courlis cendré, rarissime en Haute-Vienne, l'étude d'impact, qui note la présence de deux couples de courlis cendré " nicheurs probablement à proximité immédiate de l'aire d'étude immédiate ", conclut à un impact faible sans envisager ni mesure d'évitement ni mesure de réduction.

S'agissant de la légalité interne :

- l'arrêté méconnait l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- s'agissant de l'atteinte au patrimoine bâti, l'implantation du parc aura un impact visuel significativement défavorable sur le colombier, monument historique de Saint-Martin Le Mault, compte tenu de la distance (1,5 kilomètre) et de la configuration des lieux (monument situé exactement face au projet, de part et d'autre du site emblématique de la vallée de la Benaize) ; l'architecte des bâtiments de France dans son courrier du 10 avril 2015 souligne d'ailleurs le problème ;

- il y a un effet de saturation visuelle et d'encerclement ;

- s'agissant de l'atteinte à la biodiversité,

- le choix d'implantation dans une zone humide à la biodiversité particulièrement riche qui comprend en particulier à quelques mètres de l'éolienne E2 une station de serapias lingua, orchidée protégée en Limousin par arrêté du 1er septembre 1989 en plus des protections nationales et communautaires ;

- le projet emporte destruction de 1,5 hectare de zone humide, et la mesure de compensation proposée, consistant à conclure des conventions avec un ou plusieurs agriculteurs afin que ceux-ci fauchent tardivement trois hectares de zones humides existantes, est insuffisante ;

- le projet porte atteinte à l'avifaune, aucune des éoliennes n'est implantée à plus de 50 mètres des haies, ce qui emporte un risque important pour les chiroptères, et la mesure de bridage est insuffisante ;

- s'agissant de la cigogne noire, inscrite sur la liste 1 de la directive " oiseaux ", classée " en danger " dans la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine et en " danger critique d'extinction " dans les départements de la Haute-Vienne de l'Indre, chaque nid fait l'objet de la définition de deux périmètres : un secteur d'enjeu majeur de 10 kilomètres autour du nid qualifié de très sensible et un secteur de 20 kilomètres constituant la zone de gagnage alimentaire qualifiée de vitale ; la DREAL Nouvelle-Aquitaine a rendu public par communication du 7 août 2023 la découverte en 2023 de trois nids rapprochés de quelques kilomètres seulement, l'un au nord de la Haute-Vienne, l'autre à l'est de la Vienne, le troisième à l'extrême sud-ouest de l'Indre ;

- il aurait fallu solliciter une dérogation espèces protégées, en raison de la présence de l'orchidée serapias lingua qui sera impactée par le chemin d'accès et le terrassement de l'éolienne E2, de l'avifaune et des chiroptères.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 septembre 2024, le 19 novembre 2024 et le 22 mai 2025, la société Energie Jouac, représentée par Me Elfassi, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pendant le temps nécessaire à l'instruction de la demande d'autorisation modificative ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'intérêt à agir de l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural, dont l'objet s'étend à l'ensemble du territoire national, et des requérants personnes physiques ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud,

- et les observations de Me Genty, représentant l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural (ASPER) et de Me Berges, représentant la société Energie Jouac.

Une note en délibéré présentée par la société Energie Jouac a été enregistrée le 2 juillet 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 décembre 2019, la société Energie Jouac a déposé une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'implantation d'un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Jouac (Haute-Vienne). Par un arrêté du 16 mai 2023 dont les requérants demandent l'annulation, la préfète de la Haute-Vienne a accordé l'autorisation environnementale sollicitée.

Sur les fins de non-recevoir :

2. Il ressort des statuts de l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural que cette association a pour objet, " dans un but de sauvegarde et préservation de l'environnement et du patrimoine (...) sur le territoire de la communauté de communes de Brame-Benaize, plus généralement sur les communautés de communes limitrophes et plus largement sur tout territoire départemental et régional limitrophe (...) de s'opposer par tous moyens légaux à la création de parc d'éolienne ". Ainsi, l'association justifie, eu égard à son objet et à son ressort géographique, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 16 mai 2023 portant autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Jouac. Dans ces conditions, alors que la recevabilité d'une requête collective est assurée lorsque l'un au moins des requérants est recevable à agir, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt pour agir des autres requérants.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mai 2023 :

3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

4. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ".

5. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée, des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

En ce qui concerne la commodité du voisinage et l'atteinte aux paysages :

6. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies de l'étude paysagère, que l'aire immédiate du projet englobe cinq villages, Jouac, Cromac, Saint-Martin-Le-Mault, Bonneuil et Beaulieu. L'étude d'impact relève que la sensibilité au projet est modérée pour trois d'entre eux et forte pour Jouac, en raison de l'effet de surplomb d'un projet de grande hauteur. Par ailleurs, s'agissant des effets cumulés du projet avec les autres parcs installés ou autorisés, le projet de la société Energie Jouac, dit projet des Trois moulins, s'inscrit dans une continuité de parcs éoliens qui se développent le long de la vallée de la Benaize, notamment les parcs de la Haute-Borne, de Thollet et Coulonges, de Lussac-les-Eglises, des Grandes Chaumes énergie ainsi que la ferme éolienne des Rimalets. Selon l'étude d'impact, sur une ligne horizontale partant du projet de Lussac-les-Eglises jusqu'au projet des Trois Moulins, certains secteurs sont exposés au risque d'encerclement visuel, en particulier la limite ouest du bourg de Saint-Martin-Le-Mault, située à un peu moins de 4 km du projet. L'étude d'impact relève ainsi des visibilités " dans presque toutes les directions azimutales ", puisque l'on perçoit au nord le parc de Thollet et Coulonges et celui de la Haute-Borne, en direction de l'est le parc de Lussac-les-Eglises ainsi que celui de Grandes chaumes énergie, qui en constitue l'extension, en direction du sud le projet de la Croix du Picq, qui apparaît en deux secteurs de deux éoliennes, et enfin, le parc des Rimalets visible partiellement en direction de l'est. Il ressort du tableau récapitulant les impacts visuels cumulés que de ce point, seront visibles 29 éoliennes, dont 12 éoliennes distantes de moins de 5 km (considérées comme des éoliennes prégnantes dans le paysage), et 17 situées entre 5 et 10 km (considérées comme nettement visibles par temps dégagé), ce qui donne un indice de densité des horizons occupés, pour les éoliennes à moins de 5 km, de 0,22. Surtout, le projet litigieux réduit fortement le plus grand angle de respiration visuelle sans éolienne, qui passe de 102,7°, ce qui est déjà faible, à 77,6°, et l'indice d'occupation des horizons à 10 km s'élève à 188°. Ainsi, l'implantation du projet crée un effet de saturation et d'encerclement que la végétation ne permet pas de réduire de façon significative, alors même que l'étude d'impact qualifie l'impact de modéré en termes de saturation visuelle. A cet égard, la mesure de réduction E8 consistant à planter des arbres le long de la route principale D24 semble très insuffisante, et il ne résulte pas de l'instruction que des prescriptions supplémentaires pourraient atténuer les effets de saturation visuelle d'encerclement, eu égard à la taille des éoliennes en cause de 180,3 mètres en bout de pale. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le projet litigieux porte atteinte aux paysages et à la commodité du voisinage.

En ce qui concerne l'atteinte à l'avifaune :

8. Dans son avis du 27 juillet 2021, la mission régionale d'autorité environnementale relève que le projet s'inscrit dans un secteur particulièrement riche avec la présence d'un bocage bien conservé, de nombreuses zones humides, de boisements et de milieux aquatiques, qui abrite une avifaune diversifiée notamment en période de nidification, avec la présence d'espèces protégées telle que le courlis cendré et, en période de migration, la cigogne noire, le milan noir et la grue cendrée. Il résulte de l'instruction que le 7 aout 2023, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Nouvelle-Aquitaine (DREAL) a publié un communiqué sur le site internet de la préfecture de région intitulé " Reproduction de la cigogne noire en Nouvelle-Aquitaine ". Ce communiqué, après avoir rappelé que la cigogne noire, inscrite sur la liste rouge des oiseaux nicheurs en France de l'UICN en tant qu'espèce " en danger ", est parfois observée de passage sur le territoire métropolitain mais que sa reproduction y est très rare, révèle qu'il a été observé trois nichées de neuf jeunes à l'envol en Haute-Vienne et en Vienne. Or, entre 60 et 90 nids seulement sont dénombrés sur le territoire national. Il ressort de la carte des périmètres de nidification et des enjeux établie par la DREAL que le site d'assiette du projet litigieux est situé dans le secteur dit " très sensible - enjeu majeur " de 10 km autour de l'un des nids, et dans le secteur " domaine vital - Alimentation " de 20 kilomètres autour des trois nids. Contrairement à ce que fait valoir en défense la société Energie Jouac, l'espèce n'a pas été observée qu'en période migratoire, et des nids sont présents à proximité du site du projet. Si la société fait également valoir que l'espèce ne présente pas de sensibilité particulière à l'éolien, alors même que l'étude d'impact conclut à un enjeu modéré à fort pour l'espèce sur le site, le communiqué de la DREAL relève lui que " l'altitude en vol de la Cigogne la rend potentiellement vulnérable à la collision avec les pâles des aérogénérateurs " et que " l'installation de ces infrastructures dans le domaine vital de la cigogne noire augmenterait le risque de dérangement comme la fragmentation de son territoire ". Ce risque est encore augmenté par la faible distance qui sépare les trois éoliennes en cause, de l'ordre de 593 mètres pour les plus rapprochées, et par la présence de nombreuses autres éoliennes dans un rayon de dix kilomètres. Enfin, ni l'étude d'impact ni l'arrêté contesté ne comportent de mesure permettant de réduire l'impact du projet sur l'espèce et il ne résulte pas de l'instruction que des mesures et prescriptions pourraient permettre de réduire cet impact. Ainsi, eu égard aux circonstances révélées par le communiqué du 7 aout 2023, en raison du risque important d'extinction de la cigogne noire en France et de ses très faibles effectifs, le projet autorisé par l'arrêté litigieux est de nature à présenter des risques significatifs pour la conservation de la population de cigognes noires nicheuses et constitue un grave danger pour l'environnement, qui ne pourra pas être prévenu par les mesures spécifiées dans l'arrêté attaqué ou par d'éventuelles autres prescriptions complémentaires.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural et autres sont fondés à soutenir que l'autorisation délivrée par la préfète de la Haute-Vienne méconnait les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Sur les mesures de régularisation :

10. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l'achèvement des travaux : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle ou de sursis à statuer est motivé. (...) ".

11. Les vices relevés aux points 7 et 8, qui entachent l'arrêté attaqué dans sa totalité, ne sont pas susceptibles d'être régularisés, dès lors qu'ils sont liés à l'emplacement choisi pour implanter le parc éolien et à la présence de parcs éoliens déjà installés ou autorisés à proximité. Dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en vue d'une régularisation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 16 mai 2023 portant autorisation environnementale au profit de la société Energie Jouac d'exploiter un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Jouac.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Energie Jouac demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Energie Jouac la somme de 1 500 euros à verser à l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural et autres au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 16 mai 2023 portant autorisation environnementale au profit de la société Energie Jouac d'exploiter un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de commune de Jouac est annulé.

Article 2 : La société Energie Jouac versera à l'Association pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement rural et autres la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Energie Jouac tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., désigné en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la SASU Energie Jouac et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX02458 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02458
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx02458 ?
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