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11/07/2025 | FRANCE | N°23BX01695

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX01695


Vu la procédure suivante :



Procédure initiale devant la cour :



M. B... V..., Mme U... N..., M. A... H..., M. AB... O..., Mme AD... O..., Mme F... L..., M. W... X..., Mme AA... X..., M. AC... S..., Mme Z... S..., M. Q... G..., M. I... M..., Mme Y... D..., M. R... P..., Mme T... K..., M. AE... E... et M. C... J... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La plaine des fiefs à installer et exploiter un p

arc éolien sur le territoire de la commune de Forges.

Par des mémoires en d...

Vu la procédure suivante :

Procédure initiale devant la cour :

M. B... V..., Mme U... N..., M. A... H..., M. AB... O..., Mme AD... O..., Mme F... L..., M. W... X..., Mme AA... X..., M. AC... S..., Mme Z... S..., M. Q... G..., M. I... M..., Mme Y... D..., M. R... P..., Mme T... K..., M. AE... E... et M. C... J... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La plaine des fiefs à installer et exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Forges.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet 2020, 15 février 2021 et 25 mai 2021, la société Centrale éolienne La plaine des fiefs conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, la ministre de la transition écologique et solidaire a conclu au rejet de la requête.

Par un arrêt n° 20BX00090 du 16 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 septembre 2019 en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement en ce qui concerne, d'une part, les rapaces nicheurs et les oiseaux d'eau, grands voiliers et limicoles migrateurs et hivernants et, d'autre part, la pipistrelle de Nathusius et les espèces de chiroptères dites de " lisières ", suspendu l'exécution des parties non viciées de l'arrêté du 6 septembre 2019 jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 465839 du 22 juin 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société Centrale éolienne La plaine des fiefs, a annulé les article 1er et 2 de l'arrêt n° 20BX00090 du 16 mai 2022 de la cour et a, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée sous le n° 23BX01695.

Procédure après renvoi devant la cour :

Par des mémoires, enregistrés les 30 janvier et 14 juin 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. V... et autres, représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler, à titre principal, l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La plaine des fiefs à installer et exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Forges ;

2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation partielle, de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'arrêté du 6 septembre 2019, avec toutes conséquences de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne La plaine des fiefs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils maintiennent l'intégralité de leur argumentation présentée devant la cour ;

- aucune participation du public n'a été organisée, en méconnaissance des dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus ;

- le montant des garanties financières est insuffisant ;

- l'autorisation litigieuse aurait dû être précédée d'une demande de dérogation à l'interdiction de la destruction des espèces protégées prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors que faute de mesures de réduction, l'impact résiduel du projet sur le faucon crécerelle, la buse variable, le busard Saint-Martin, le busard cendré et le busard des roseaux n'est pas tel que le risque de destruction ne serait pas suffisamment caractérisé pour ces espèces menacées ; la mise en place la nuit d'un balisage rouge ne concerne que les oiseaux migrateurs et n'est pas susceptible de prévenir les collisions des oiseaux nicheurs et en hivernage ; l'arrêt des éoliennes au moment de la réalisation de certains travaux agricoles manque de crédibilité dès lors qu'aucune convention avec les agriculteurs n'a été produite par le pétitionnaire ; la minéralisation des plates-formes des éoliennes ne peut pas pleinement réduire les risques de collision, notamment dans le cas du faucon crécerelle, mais aussi des trois espèces de busards recensés et de la buse variable, dès lors que ces collisions se produisent en altitude et non au sol et que les oiseaux peuvent y évoluer sans être attirés par les proies qui pourraient se trouver au pied des machines ; la mise en place d'un dispositif de détection entraînerait une perturbation intentionnelle de multiples espèces d'oiseaux protégées et suffirait à elle seule à justifier la nécessité d'obtenir une dérogation ;

- en raison du positionnement du projet par rapport aux boisements et des caractéristiques des machines, qui ne respectent pas les exigences de la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM), il existe un risque suffisamment caractérisé de destruction de spécimens de plusieurs espèces de chiroptères sur le site d'implantation du parc éolien autorisé ; les mesures d'évitement et de réduction sont insuffisantes pour prévenir un risque de destruction, dès lors que la zone retenue connaît une abondante activité des chauves-souris, notamment de la pipistrelle commune et de la pipistrelle de Nathusius, qu'elle comporte des éléments attractifs pour les chiroptères, que la taille du rotor est trop importante et une garde au sol insuffisante et que quatre des huit machines surplomberaient des zones à enjeux importants ; la mesure tenant à l'absence d'éclairage des machines n'est pas destinée à diminuer le risque créé par la présence des installations comme le ferait, par exemple, un plan de bridage ; l'efficacité du plan de bridage par espèces n'a pas été évaluée par le bureau d'études.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2024, Mme L..., M. E..., M. P... et Mme D..., représentés par Me Cadro, déclarent se désister purement et simplement de leur requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, la société Centrale éolienne La plaine des fiefs, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la modification de l'article 6 de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 6 septembre 2019 pour actualiser le montant des garanties financières conformément à l'annexe 1 de l'arrêté du 26 août 2011 dans sa version modifiée par arrêté du 11 juillet 2023, à titre infiniment subsidiaire, au sursis à statuer dans l'attente de la régularisation en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et à la mise à la charge solidaire des requérants d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 juin 2024 et 7 février 2025, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- le 23 décembre 2023, la société Centrale éolienne La plaine des fiefs a porté à sa connaissance, conformément à l'article L. 181-14 du code de l'environnement, une modification non substantielle de son projet de parc éolien, autorisé par l'arrêté en litige du 6 septembre 2019, dont il a pris acte par décision du 28 janvier 2025.

Par un courrier du 12 mai 2025, il a été demandé aux parties sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire leurs observations sur l'application de l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement, résultant de l'article 23 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 selon lequel : " La dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 n'est pas requise lorsqu'un projet comporte des mesures d'évitement et de réduction présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l'article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées (...) ".

La société Centrale éolienne La plaine des fiefs a produit des observations enregistrées le 19 mai 2025.

M. V... et autres ont produit des observations enregistrées le 5 juin 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me, Duclercq, représentant la société Centrale éolienne La plaine des fiefs.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 septembre 2019, le préfet de la Charente-Maritime a délivré à la société Centrale éolienne La plaine des fiefs une autorisation pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien comportant huit éoliennes, d'une hauteur de 184 mètres en bout de pale, et trois postes de livraison, sur le territoire de la commune de Forges. Par un arrêt n° 20BX00090 en date du 16 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à son article 1er, annulé l'arrêté du 6 septembre 2019 en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement en ce qui concerne, d'une part, les rapaces nicheurs et les oiseaux d'eau, les grands voiliers et les limicoles migrateurs et hivernants et, d'autre part, la pipistrelle de Nathusius et les espèces de chiroptères dites de " lisières ", et, à son article 2, suspendu l'exécution des parties non viciées jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation. Par une décision n° 465839 du 22 juin 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par la société Centrale éolienne La plaine des fiefs a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 16 mai 2022 de la cour et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Sur le désistement :

2. Les désistements de Mme L..., M. E..., M. P... et Mme D... sont purs et simples. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur l'étendue du litige :

3. Il résulte du dispositif de la décision de renvoi précitée, ainsi que des motifs qui en sont le soutien nécessaire, que la cour se trouve ressaisie des seules conclusions de M. V... et autres, relatives à l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 6 septembre 2019, en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Il s'ensuit que les moyens des appelants présentés après renvoi devant la cour tenant, d'une part, à la méconnaissance de l'article 6 de la convention d'Aarhus, d'autre part, à l'insuffisance des garanties financières, qui ne se rattachent pas à l'arrêté litigieux en tant qu'il ne comporte pas ladite dérogation sont sans incidence sur la solution du présent litige.

Sur la légalité de l'autorisation unique du 6 septembre 2019 :

4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : /a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 411-2-1 du même code, une dérogation " n'est pas requise lorsqu'un projet comporte des mesures d'évitement et de réduction présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l'article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées. "

En ce qui concerne les mesures d'évitement et de réduction :

6. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ". Pour apprécier si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé pour justifier la nécessité d'une telle dérogation, le juge administratif tient compte des mesures complémentaires d'évitement et de réduction des atteintes portées à ces espèces, prescrites, le cas échéant, par l'administration ou par le juge lui-même dans l'exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction.

7. S'agissant de l'avifaune, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que deux ZNIEFF sont localisées au sein de la zone d'implantation potentielle (au nord) : " Marais de Nuaille " (type 1-intérêt biologique remarquable) et " Marais Poitevin " (type 2-potentialités biologiques importantes). Quatre zones de protection spéciales (ZPS) visant à assurer la conservation des espèces d'oiseaux au titre de la directive Oiseaux du 2 avril 1979 sont situées dans l'aire d'étude éloignée, la plus proche étant à 2,3 km au sud du site. 81 espèces d'oiseaux ont été contactées dans la zone d'implantation potentielle, parmi lesquelles 11, inscrites à l'annexe I de la directive Européenne " Oiseaux " n° 79/409/CE du 2 avril 1979 ont été identifiées dans l'aire d'étude immédiate. Inscrites sur les listes rouges nationales, les espèces relèvent, s'agissant du statut de conservation d'une " préoccupation mineure " excepté pour la bécassine des marais, en danger, le bruant jaune, le bruant proyer, la fauvette grisette, le tarin des aulnes, quasi-menacées, la linotte mélodieuse, vulnérable, ces espèces étant dans le même temps peu déterminantes dans la zone naturelle d'intérêt écologique floristique ou faunistique (ZNIEFF) Poitou-Charentes. Le traquet motteux et l'œdicnème criard sont selon la même liste rouge nationale une espèce quasi-menacée, le busard cendré, le busard des roseaux, le pipit farlouse, des espèces " vulnérables ", celles-ci relevant d'espèces déterminantes dans la ZNIEFF Poitou-Charentes. Les enjeux sont forts pour les espèces de rapaces patrimoniales qui se reproduisent sur le site (busard Saint-Martin, busard cendré, busard des roseaux) et modérés pour les autres espèces de rapaces patrimoniales (faucon hobereau, circaète Jean-le-Blanc, milan noir, bondrée apivore, chevêche d'Athéna), les espèces de rapaces non patrimoniales présentes au sein de la ZIP (buse variable, faucon crécerelle) et les passereaux patrimoniaux, qui nichent sur le site. L'activité hivernale et inter nuptiale présente un enjeu modéré pour le busard Saint-Martin et le busard cendré et pour les deux espèces les plus présentes, la buse variable et le faucon crécerelle. L'enjeu est modéré pour l'ensemble des espèces aquatiques, qu'elles soient patrimoniales avec une activité peu marquée sur le site (mouette rieuse, héron cendré, pluvier doré), et faible pour celles, non patrimoniales mais présentes (espèces de goélands), dès lors qu'une partie de la zone d'implantation potentielle est le lieu de vols de transit, de zones d'hivernage ou de zones de pompes. La zone d'implantation potentielle a une faible activité migratoire, tout en étant susceptible d'être utilisée en milieu ouvert comme halte migratoire pour l'ensemble des types d'espèces notamment pour les passereaux, les limicoles et les rapaces, principalement dans la moitié nord du site.

8. La phase de travaux présente un risque brut faible pour l'ensemble des espèces avifaunistiques, excepté pour les passereaux et les rapaces pour lesquels le risque est qualifié de modéré en raison du dérangement pendant la reproduction, de la destruction des nichées et des habitats. La phase d'exploitation du parc présente un risque faible, excepté pour les espèces de rapaces, pour lesquelles le risque est modéré, les éoliennes E4 à E8 étant implantées dans une zone de chasse. Pour les oiseaux d'eau, les limicoles et les grands voiliers, le risque de collision est modéré autour des éoliennes E1, E2, E4 et E5 et le risque de perte d'habitat de faible à modéré. Pour l'ensemble des oiseaux migrateurs, les risques bruts de collision, de perte d'habitat et d'effet barrière sont qualifiés de faibles exceptés pour la bécassine des marais pour laquelle le risque de perte d'habitat est faible à modéré.

9. Pour tenir compte de l'ensemble de ces risques, le pétitionnaire a sélectionné une éolienne qui présente un espace entre le sol et le bout des pales de l'ordre de 48,5 m au minimum, pour réduire les risques de collision pour l'avifaune évoluant dans un milieu ouvert, constitué principalement de parcelles agricoles cultivées. Il a configuré son projet de façon à éviter les zones de risque modéré, excepté pour l'éolienne E8. Le choix retenu de l'implantation du parc permet de maintenir les corridors de cours d'eau et de boisements et nécessitera seulement le défrichement de 161 m linéaire en plusieurs portions entre 19 m et 40 m, soit 2 % des haies arbustives et arborées de la zone d'implantation potentielle. Si les lignes d'éoliennes dans le secteur nord sont orientées dans un axe nord / sud pour éviter les risques d'effet barrière et de collision pour les migrateurs, ce positionnement des éoliennes E1, E2, E4 et E5 n'évitent pas ce risque pour le transit des laridés et de la mouette rieuse en septembre et octobre. Pour le réduire lors des comportements de transit des laridés et pour permettre aux grands voiliers d'anticiper un contournement des obstacles lors de leurs déplacements, les éoliennes E2 et E4, ont été situées en deux lignes différentes et en décalé. Elles seront équipées d'un système vidéo avec effarouchement sonore à 100 mètres des rotors. Le défrichement des haies sera réalisé en dehors de la période de reproduction, entre mi-mars et mi-juillet, sous réserve de l'accord d'un écologue. Les lignes électriques seront enterrées jusqu'au poste de raccordement. Les plateformes des éoliennes seront maintenues à l'état minéral neutre pour en réduire l'attrait pour la petite faune, chassée par les rapaces. Dans ce même but, les agriculteurs ont été sensibilisés au stockage des fumiers pour les tenir a minima à 200 mètres des plateformes. Des accords ont été conclus en 2018 avec six agriculteurs pour repérer et protéger les nids de busard cendré avant les moissons. Excepté le balisage rouge intermittent de nuit exigé par la sécurité aérienne, des flashs lumineux blancs de jour, en cas de faible visibilité, qui peuvent remplir le rôle d'avertisseur d'obstacles, le parc éolien sera éteint pour limiter l'attraction des oiseaux diurnes en phase de migration nocturne.

10. S'agissant des chiroptères, onze espèces ont été contactées de façon certaine, parmi lesquelles le grand rhinolophe, la noctule commune, la noctule de Leisler et la pipistrelle de Nathusius figurent comme étant quasi menacées sur la liste rouge nationale. Le minioptère de Schreiber est classé vulnérable. L'étude d'impact relève une activité chiroptérologique modérée à forte au niveau des lisières entre un boisement et une zone plus ouverte pour quatre espèces : la pipistrelle commune, la noctule de Leisler, la pipistrelle de Kuhl et la barbastelle d'Europe. Les secteurs le long de lisières de boisements ou de haies constituent des zones de chasse et de transit. Les enjeux sont qualifiés de faibles tant pour les espèces migratrices ou de grands déplacements que pour celles résidentes, excepté pour le groupe de pipistrelles, le long des lisières. Les risques bruts, s'agissant de la perte d'habitat, de collision et de destruction de gîtes, sont identifiés comme faibles. Toutefois, le risque brut de collision est modéré pour la pipistrelle de Nathusius, en période de migration automnale, pour les espèces de lisière autour des éoliennes E2, E5, E7 et E8.

11. Pour tenir compte de cette activité chiroptérologique, le projet retenu se situe en milieu ouvert, de 70 mètres à plusieurs centaines de mètres des lisières et des zones humides. Excepté le balisage aéronautique obligatoire, aucune autre source lumineuse ne devrait attirer les insectes et les chauves-souris au sein du parc, grâce à l'installation de cellules à détection de mouvements empêchant le déclenchement des spots. L'écart entre le bout de pale et le sol sera au minimum de 48,5 m, éloigné de plusieurs dizaines de mètres des corridors d'activité des espèces. Des aménagements artificialisés seront réalisés sous les éoliennes, par la pose de revêtements inertes (gravillons) évitant la repousse d'un couvert végétal. Les haies arbustives présentes à proximité des éoliennes seront taillées et entretenues pour limiter leur hauteur. En cas de faible vitesse du vent, l'activité des pales d'éolienne sera stoppée. Un plan de bridage sera mis en œuvre, en l'absence de précipitation, lorsque la vitesse de vent sera inférieure à 6 m/s, la température supérieure à 10°C, à partir de 1h après le coucher du soleil jusqu'à 1h avant le lever du soleil, entre la seconde quinzaine de mai à la fin du mois d'octobre.

12. Conformément à l'avis rendu le 12 juin 2019 par les inspecteurs des installations classées et alors que la mission régionale d'autorité environnementale a rendu un avis tacite le 28 août 2018, l'arrêté d'autorisation renforce les mesures d'évitement et de réduction proposées en interdisant tous travaux de coupe, d'arrachage et de terrassement entre le 15 mars et le 31 juillet. Le plan de bridage sera déclenché dès le 1er avril du coucher au lever du soleil et pourra être renforcé pour couvrir a minima 90% de l'activité des chauves-souris, de même que le système d'effarouchement qui, pour prendre en compte la période d'envol des jeunes rapaces, sera déclenché dès le 1er juillet. Les éoliennes situées à moins de 100 mètres d'opérations agricoles attractives pour la faune volante seront à l'arrêt, lors de la réalisation des travaux de fauche, labour ou moisson, pendant une durée de trois jours entre le 1er juillet et le 31 octobre.

13. Dans ces conditions, eu égard à l'évaluation des enjeux et du risque brut précédemment rappelés, alors même que la mesure de détection et d'effarouchement ne présente pas toutes les garanties d'efficacité, les mesures d'évitement et de réduction ainsi proposées présentent des garanties d'effectivité et le projet litigieux n'apparait dès lors pas présenter un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles s'agissant de l'avifaune et des chiroptères.

En ce qui concerne les mesures de suivi permettant d'évaluer l'efficacité des mesures d'évitement et de réduction :

14. Au cours de la première année d'exploitation du parc, puis tous les dix ans, pendant un an, pour vérifier l'efficacité des mesures mises en place, l'étude d'impact prévoit un suivi de la mortalité des oiseaux et des chiroptères, constitué de plusieurs passages par semaine sur site, et ciblés selon les périodes et les espèces plus particulièrement surveillées. Le suivi de la mortalité, effectué selon les protocoles préconisés par les organismes spécialisés, sera axé principalement d'une part, au cours des périodes printanière et automnale pour vérifier l'impact vis-à-vis de l'éventuelle activité de pariade et de migration des noctules et de la pipistrelle de Nathusius ainsi que lors de conditions favorables à l'émergence et à l'envol d'essaims d'insectes, d'autre part, en période estivale pour vérifier l'impact vis-à-vis de l'activité de chasse des espèces de lisière telles que les pipistrelles mais aussi l'activité des espèces de haut vol. Ce suivi sera poursuivi au cours des deuxième et troisième années d'exploitation en partie nord du projet pour les laridés et la mouette rieuse en période automnale. Lorsqu'un cas de mortalité surviendra, l'espèce, la position du cadavre, son état, le type de blessure, l'évaluation de la date de décès seront analysés. Un suivi comportemental sera effectué en parallèle au cours de la première année d'exploitation, par des journées d'observations pendant la période nuptiale et la migration postnuptiale, pour quantifier les impacts réels et caractériser l'évolution des mouvements d'oiseaux. Le suivi renforcé pour les espèces de busards en période nuptiale se déroulera pendant toute la durée d'exploitation du parc et sera réalisé par équipe chargée de localiser les nids de busards en mai et juin, puis de créer des cages grillagées servant à protéger les nids découverts. Le système automatique anti collision fera l'objet d'un suivi à distance en vue de tester et d'améliorer son efficacité et sera complété d'un suivi comportemental post-implantation au cours de la période la plus sensible sur ce site, soit entre septembre et octobre. Au cours de la première année d'exploitation du parc, un suivi de l'activité des chauves-souris sera réalisé depuis deux nacelles d'éoliennes, la plus proche d'une lisière et entourée par des boisements. La connaissance des niveaux d'activité en fonction de la vitesse du vent permettra d'orienter le choix d'un seuil de vitesse de vent ou d'un éventuel autre facteur pour la modification des mesures de régulation.

15. S'agissant des travaux sur site, le préfet impose le passage d'un écologue, qui, outre une intervention pour valider le calendrier de leur déroulement, sera en capacité si besoin de définir des mesures additionnelles pour en limiter les effets ainsi qu'un bilan en fin de chantier pour vérifier le respect des engagements. Il en sera de même en phase de démantèlement. En phase d'exploitation, l'arrêté litigieux complète les mesures par l'obligation de transmettre à l'administration, aux termes de trois mois cumulés de mise en œuvre, un rapport sur le fonctionnement du bridage " chiroptères ", au terme d'une année couvrant un cycle biologique, les éléments du plan de bridage résultant de l'exploitation des enregistrements en continu à hauteur de nacelle. Le plan de bridage devra être renforcé sans attendre en cas de constat d'un impact environnemental significatif. S'agissant de la protection des rapaces par la mise en œuvre du système vidéo sur les éoliennes E2 et E4 avec modules de détention/dissuasion-effarouchement sonore/ contrôle et enregistrement des collisions potentielles, l'exploitant pendant les quatre années suivant la mise en service remettra à l'inspection des installations classées un bilan de l'efficacité de ce dispositif.

16. Il résulte de ce qui précède que le projet autorisé par l'arrêté litigieux comprend un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité des mesures d'évitement et de réduction et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées.

17. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il était nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées " doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. V... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 6 septembre 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne La plaine des fiefs, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que M. V... et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire de M. V... et autres une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Centrale éolienne La plaine des fiefs et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de Mme L..., M. E..., M. P... et de Mme D....

Article 2 : La requête de M. V... et autres est rejetée.

Article 3 : M. V... et autres verseront, solidairement, à la société Centrale éolienne La plaine des fiefs une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... V..., désigné en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Centrale éolienne La plaine des fiefs et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01695
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx01695 ?
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