La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2025 | FRANCE | N°23BX01440

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX01440


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le président du conseil régional de La Réunion l'a suspendu de ses fonctions pour une durée maximum de quatre mois, sous réserve qu'il fasse l'objet de poursuites pénales.



Par un jugement n°2101091 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 6 août 2021 portant suspension de fonctions de M. C....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, la région Réunion, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le président du conseil régional de La Réunion l'a suspendu de ses fonctions pour une durée maximum de quatre mois, sous réserve qu'il fasse l'objet de poursuites pénales.

Par un jugement n°2101091 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 6 août 2021 portant suspension de fonctions de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, la région Réunion, représentée par Me Lafay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101091 du tribunal administratif de la Réunion du 9 mars 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas été signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'à la date de l'arrêté de suspension, le caractère vraisemblable des faits était établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, M. B... C..., représenté par Me Rakotonirina conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la région Réunion ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car tardive ;

- le jugement comporte les signatures ;

- les faits ne reposaient que sur les accusations de Mme A..., alors qu'il a toujours eu un comportement exemplaire ;

- aucune menace de désordre ne justifiait la mesure de suspension alors qu'il n'exerce ni dans le même secteur géographique ni dans le même domaine d'activité que Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique principal de 2ème classe au sein de la région Réunion, occupe le poste d'agent d'exploitation au sein du secteur Est de la subdivision routière nord. Par un arrêté du 6 août 2021, la présidente du conseil régional de La Réunion a temporairement a suspendu M. C... de ses fonctions. Par un jugement du 9 mars 2023, le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 6 août 2021 de la présidente du conseil régional de La Réunion. La région Réunion relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. C... à la requête d'appel :

2. L'article R. 811-2 du code de justice administrative dispose : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues par les articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ". Selon l'article R. 811-5 du même code, " les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-7 de ce code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à La Réunion (...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai pour introduire une requête d'appel dirigée contre un jugement du tribunal administratif de La Réunion devant une cour administrative d'appel qui a son siège en France métropolitaine est de trois mois lorsque le requérant demeure sur ce territoire.

3. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié et mis à disposition par le moyen de l'application Télérecours à la région Réunion le 9 mars 2023. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la région appelante, dont le siège se situe sur le territoire de La Réunion, bénéficiait du délai de distance d'un mois supplémentaire prévu à l'article R. 421-7 du code de justice administrative, lequel s'ajoutait au délai d'appel de droit commun de deux mois prévu à l'article R. 811-2 du même code. Dès lors, et contrairement à ce que fait valoir M. C..., la requête d'appel de la région Réunion, enregistrée au greffe de la cour le 26 mai 2023, soit dans le délai majoré, de trois mois qui lui était imparti pour contester le jugement attaqué, n'est pas tardive.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte les signatures mentionnées par les dispositions de l'article R. 741-7 précité. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'aurait pas été signé ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision du 6 août 2021 :

5. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions (...) ".

6. La suspension d'un agent public, en application de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé dans ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... adjointe technique territoriale principale de 2ème classe, affectée aux établissements d'enseignement au lycée Mahatma Gandhi, travaille avec l'épouse de M. C.... Elle a été entendue en qualité de témoin dans une affaire opposant Mme C... à un autre agent du service dans lequel ils sont affectés, Mme C... accusant ce dernier d'agression sexuelle lors du service du midi au lycée. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A... avait préalablement indiqué lors de son audition du 31 mars 2021 par la direction des ressources humaines que M. C... était venu s'entretenir avec elle car il était mécontent de son témoignage qui ne confirme pas la version de son épouse. Mme A... a accusé M. C... de l'avoir insultée en raison de son témoignage et d'avoir prononcé des menaces de mort à son encontre, le dimanche 20 juin 2021 dans un bureau de vote, hors temps de travail, d'avoir voulu percuter son véhicule avec sa voiture ce même jour alors qu'elle se rendait à la gendarmerie, avant de se raviser. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'elle a écrit à sa hiérarchie pour signaler les évènements du 20 juin 2021, porté plainte contre M. C... ce même jour et adressé un certificat médical du 21 juin 2021 à la région attestant d'une particulière anxiété. Toutefois, Mme A... est affectée au lycée Gandhi tandis que M. C... est affecté à la direction de l'entretien et de l'exploitation des routes au sein du secteur Est de la subdivision routière nord et ces affectations n'entraînent aucune interaction entre eux dans le cadre de leurs postes respectifs. Ainsi à supposer vraisemblables les faits imputés à M. C..., en l'absence de tout élément allégué par la région Réunion quant à leur incidence sur le fonctionnement de son service ou de celui de Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de son affectation aurait présenté, à la date de l'arrêté en litige, des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours pouvant justifier la suspension de M. C....

8. Il résulte de ce qui précède que la région Réunion n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 6 août 2021 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a suspendu M. C... de ses fonctions. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la région Réunion une somme sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la région Réunion une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la région Réunion est rejetée.

Article 2 : La région Réunion versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Réunion et à M. C....

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Nicolas Normand, président,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLe président,

Nicolas Normand

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01440
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx01440 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award