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11/07/2025 | FRANCE | N°23BX00423

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX00423


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, sous le n° 2100361, de condamner le centre communal d'action sociale de Périgueux à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 et de leur capitalisation, et, d'autre part, sous le n° 2100362, d'annuler la décision du 1er février 2021 par laquelle la présidente du centre communal d'action soc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, sous le n° 2100361, de condamner le centre communal d'action sociale de Périgueux à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 et de leur capitalisation, et, d'autre part, sous le n° 2100362, d'annuler la décision du 1er février 2021 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) de Périgueux a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement nos 2100361,2100362 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 février 2023, 22 avril 2024 et 15 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... A..., représentée par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner le CCAS de Périgueux à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 et de leur capitalisation ;

3°) d'annuler la décision du 1er février 2021 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) de Périgueux a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) d'enjoindre au CCAS de Périgueux de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de prendre toutes mesures utiles à sa protection et de mettre à la charge du CCAS la totalité du montant des frais d'avocat exposés pour sa défense, ou à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du CCAS de Périgueux la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de " vice de motivation " et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus d'octroi de la protection fonctionnelle contestée est insuffisamment motivée ;

- elle a fait l'objet d'agissements répétés caractérisant une situation de harcèlement moral et aurait dû bénéficier de la protection fonctionnelle à ce titre ;

- le CCAS, en s'abstenant de prendre des mesures pour faire cesser les agissements constitutifs de harcèlement moral, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le CCAS a commis une faute dans l'organisation générale du service susceptible d'engager sa responsabilité ;

- elle a subi un préjudice physique et moral, des troubles dans ses conditions d'existence, ainsi qu'une atteinte à son honneur et à sa réputation, dont elle évalue l'indemnisation à la somme de 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice professionnel dont elle évalue la réparation à 20 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 avril 2024 et 15 mai 2024 (non communiqué), le centre communal d'action sociale de Périgueux, représenté par Me Isabelle Carton de Gramont, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 2 500 euros à verser à la commune de Périgueux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les moyens doivent être écartés comme infondés ;

- le CCAS n'a commis aucune faute dans l'organisation de son service de nature à engager sa responsabilité ;

- les préjudices allégués par Mme A... ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carine Farault,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Lefebvre pour le CCAS de Périgueux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., affectée en qualité de directrice adjointe chargée du pôle autonomie et vie sociale du centre communal d'action sociale (CCAS) de Périgueux depuis le 1er janvier 2017, a demandé au CCAS, par un courrier du 23 septembre 2020, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Cette demande a été expressément rejetée par le CCAS le 1er février 2021. Par une réclamation préalable du 25 janvier 2021, réceptionnée le lendemain, Mme A... a demandé à la présidente du CCAS la réparation des dommages qu'elle estime avoir subis du fait des agissements répétés caractérisant des faits de harcèlement moral. Le CCAS a rejeté cette demande par courrier du 5 février 2021. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, qui, par un jugement du 2 février 2023, a rejeté, d'une part, sa demande indemnitaire et, d'autre part, sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par la présente requête, Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des points 3 à 19 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de manière suffisamment précise à l'argumentation de Mme A... selon laquelle elle aurait fait l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral, de nature à engager la responsabilité de l'administration, s'agissant notamment de la gestion des astreintes et des congés, de son régime indemnitaire, de la prise en charge d'une formation, de mesures d'exclusion qu'elle aurait subies, d'une agression dont elle aurait été victime, des missions qui lui étaient confiées et des reproches proférés à son encontre. De même, le point 20 du jugement répond aux moyens soulevés par Mme A... s'agissant de la mise en cause de la responsabilité du CCAS de Périgueux pour faute dans l'organisation générale du service. Par suite, et alors même que le tribunal n'est pas tenu d'analyser en détail chacune des très nombreuses pièces produites par la requérante ni de répondre à tous les arguments soulevés, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient, au regard des différents éléments mentionnés au point précédent, entaché leur jugement d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité du CCAS de Périgueux à raison d'une situation de harcèlement moral :

4. Aux termes des dispositions de l'article L.133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

5. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

6. En premier lieu, Mme A... fait valoir que, sur les mois de décembre 2017, janvier et février 2018, elle n'a effectué que 3 astreintes alors que ses deux autres collègues concernés en ont effectué, chacun, 5 et 9, sur la même période, un tel écart mettant en évidence, selon elle, une rupture d'égalité. Il résulte de l'instruction, en particulier de la fiche de poste de directrice adjointe du pole vie sociale et autonomie occupée par l'intéressée, que ces fonctions comprenaient effectivement la tenue d'astreintes régulières, dites " de décision " pour lesquelles une indemnité spécifique était attribuée. S'il résulte du tableau des astreintes, sur la période en litige, que Mme A... en a effectué moins que ses deux autres collègues, il est toutefois constant que le tableau est élaboré selon les disponibilités de chacun et couvre en l'espèce une courte période de trois mois. Dans ces conditions, cet écart ne met pas en évidence, à lui seul, une rupture d'égalité au détriment de Mme A.... Au demeurant, la tenue d'astreintes ne constitue pas un droit au bénéfice des agents concernés et la fiche de poste de l'intéressée se borne à indiquer l'existence de ces astreintes au titre des sujétions particulières du poste, sans en préciser la fréquence. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, que, comme le soutient Mme A..., l'indemnité liée à l'accomplissement des astreintes était utilisée comme complément de rémunération au sein de la collectivité. S'agissant des congés, dont le planning prévisionnel est élaboré, pour le service, en début d'année civile, il ne pas de l'instruction que Mme A... aurait été contrainte, dans la détermination de ses congés, au-delà des nécessités d'organisation du service ni que des demandes de congés lui auraient été refusées. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'à compter du 1er janvier 2020, alors qu'elle avait été nommée en qualité de responsable du pôle hébergement et animation des séniors, et en particulier en charge de la résidence autonomie, sa fiche de poste indiquait qu'elle serait conduite à assurer des astreintes dites " d'intervention ", qui ne relèvent pas du personnel d'encadrement mais des agents d'exécution, ces allégations ne sont pas non plus établies par les pièces du dossier.

7. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction, notamment des attestations de quatre agents du CCAS, que Mme A... aurait été mise à l'écart et exclue de certains dossiers ou missions ou relations avec les partenaires tant pendant la période où M. D... assurait les fonctions de directeur du CCAS qu'à compter du 1er janvier 2019, date à laquelle Mme C... a été nommée directrice de la structure, il résulte également de l'instruction que des réunions de direction hebdomadaires, associant notamment le directeur et les directrices, adjointes, dont Mme A..., ont été mises en place en novembre 2017. En outre, des réunions hebdomadaires se sont également tenues en septembre 2020, sous la direction de Mme C..., auxquelles Mme A... a assisté. Enfin, une réunion s'est également tenue en sa présence en janvier 2020 notamment en ce qui concerne le contrat aidants/aidés. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait été progressivement évincée, par la direction du CCAS, des différentes missions et responsabilités qui lui avaient été confiées.

8. En troisième lieu, si Mme A... fait valoir qu'à compter de janvier 2018, elle a subi une diminution de sa rémunération mensuelle de 37,25 euros, alors au demeurant que le président du CCAS se serait engagé, par un courrier du 19 mars 2018, à réétudier sa situation dans le cadre du complément indemnitaire annuel, qui n'aurait pas été suivi d'effet, une telle baisse de sa rémunération n'est aucunement établie.

9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la convention conclue le 8 juin 2017 entre l'organisme de formation, le CCAS et Mme A..., que le CCAS avait accordé à Mme A... le bénéfice d'une formation d'évaluatrice externe des organisations de l'économie sociale, certifiée AFNOR, pendant 12 jours sur la période d'octobre 2017 à mars 2018, Mme A... fait valoir qu'à la suite de sa nomination en qualité de directeur, M. D..., qui était opposé à la prise en charge de cette formation par le CCAS mais ne pouvait revenir sur l'accord donné, aurait refusé de prendre en charge les frais de logement, de déplacement ainsi que l'utilisation du véhicule de service et posé des contraintes fortes quant au temps accordé à Mme A... pour se déplacer sur le lieu de la formation situé en région parisienne (une demi-journée). La formation dont a effectivement bénéficié Mme A..., lui a toutefois ouvert la possibilité de mener, en qualité d'évaluatrice externe, l'audit d'autres établissements sociaux et médico-sociaux, activité pour laquelle elle a sollicité une autorisation de cumul d'activité auprès de son employeur. Par suite, Mme A... a pu en tirer un bénéfice à titre personnel par l'exercice d'une activité complémentaire. En outre, il ne ressort pas de la convention signée que le CCAS se serait engagé à la prise en charge de l'intégralité des frais annexes afférents à cette formation, alors d'ailleurs que l'article 9 du décret du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité dans la fonction publique et à la formation professionnelle tout au long de la vie lui ouvre la possibilité de couvrir les frais occasionnés par les déplacements sans l'y contraindre.

10. En cinquième lieu, s'il résulte de l'instruction, en particulier du témoignage d'un agent qui a attesté avoir entendu une dispute, qu'une altercation s'est produite, le 8 novembre 2017, entre M. D..., directeur, et Mme A..., dans le bureau de cette dernière, aucun témoin présent ne permet d'en préciser la teneur et notamment la part de responsabilité des deux protagonistes dans cette dispute, ni d'établir qu'au cours de cette altercation, le directeur l'aurait agressée verbalement et physiquement ainsi que Mme A... l'a rapporté. Il ne résulte donc pas de l'instruction que le supérieur hiérarchique de l'intéressée, par son comportement ou les propos tenus, aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique.

11. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a été lauréate, le 11 décembre 2017, du concours de conseiller socio-éducatif. Elle fait valoir qu'elle n'a accomplie la période de stage réglementaire d'une année qu'à compter de mars 2019 jusqu'en mars 2020 et, qu'en outre, ce stage n'a été suivi d'aucune décision de la part de l'administration, ni de prolongation de stage, ni de titularisation ou refus de titularisation, la plaçant dans une situation d'attente pénible et anxiogène. Toutefois, si le CCAS ne justifie pas, en soutenant que Mme A... n'aurait pas produit l'attestation demandée pour participer à la formation dispensée au cours de l'année de stage, des raisons pour lesquelles Mme A... n'a pu bénéficier de la titularisation dans le corps des conseillers socio-éducatifs, il ne résulte pas de l'instruction que cette mauvaise gestion dans la prise en compte de son concours caractériserait, à l'égard de Mme A..., une situation de harcèlement moral.

12. En septième lieu, Mme A... fait valoir que ses missions ne sont pas clairement définies, que des tâches, sans rapport avec ses missions, lui sont attribuées, et qu'elle a changé d'affectation à plusieurs reprises.

13. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été recrutée le 1er janvier 2017, en qualité de directrice adjointe, en charge du " Pôle vie sociale et autonomie " au sein du CCAS de Périgueux, tandis que Mme C..., seconde directrice adjointe, était en charge du pôle social, toutes deux sous l'autorité du directeur du CCAS. Le directeur du CCAS, recruté en juillet 2017, a été placé en arrêt maladie à compter du 15 octobre 2018 et a quitté la structure le 31 décembre suivant, situation qui a nécessité que le CCAS soit conjointement dirigé par les deux directrices adjointes sur cette période. A compter du 1er janvier 2019, la directrice adjointe du pôle " action sociale ", Mme C..., est également devenue directrice du CCAS. En raison de cette réorganisation, Mme A... a d'abord assuré des fonctions de directrice adjointe de l'ensemble du CCAS, puis, par un courrier du 13 septembre 2019, le président du CCAS lui a précisé que ses missions resteraient identiques à celles pour lesquelles elle avait été recrutée au 1er janvier 2017, soit les missions de " directrice adjointe en charge du pôle vie sociale et autonomie. " Par ailleurs, par une délibération du 8 décembre 2020, l'organigramme du CCAS a été temporairement modifié. Mme A... a alors pris, à compter du 1er janvier 2021, la direction du " pôle hébergement et animations des seniors ", comprenant la résidence autonomie Wilson et restaurant club et les futurs projets ou actions mis en place. Une coordonnatrice santé est devenue responsable du service d'aide d'accompagnement à domicile (SAAD). Enfin, début 2022, le poste de directrice du service hébergement des séniors, occupé par Mme A..., a été supprimé, la résidence Autonomie ayant été rattachée au " pôle autonomie ", sous la responsabilité du service " autonomie des seniors " dirigé par un cadre de santé, et Mme A... a alors été placée en surnombre au sein du CCAS.

14. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que Mme A... soutient, qu'elle aurait dû accomplir des missions étrangères aux fonctions exercées ou qui auraient été d'un niveau inférieur à ses qualifications. Il résulte, en outre, de l'instruction qu'elle avait proposé son aide pour la réalisation de la fastidieuse tache de vérification de 700 dossiers. Et contrairement à ce qu'elle soutient, la tâche de vérification des plannings des agents, pouvait lui incomber au regard de sa fiche de poste comportant la mission de " manager et coordonner les équipes de travail ". Par ailleurs, Mme A... a été associée à chaque réorganisation du CCAS, à l'élaboration de ses nouvelles fiches de postes, ainsi qu'à la répartition des missions. Enfin, alors même que, dans ses fonctions de responsable de la résidence autonomie Wilson, elle n'assurait l'encadrement que de sept agents alors qu'elle était auparavant en charge de plus de cent-vingt agents, ces fonctions correspondent à son cadre d'emploi et son grade. Par suite, si le CCAS de Périgueux a été confronté à une instabilité de l'équipe de direction, impliquant une constante réorganisation de la structure et affectant nécessairement les ressources humaines, ces difficultés ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral à l'égard de Mme A....

15. En huitième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, dont il y a lieu de retenir les motifs exposés au point 18 du jugement, que Mme aurait été victime, ainsi qu'elle le soutient, de tentatives de déstabilisation et de discrédits permanentes de la part de la directrice.

16. En dernier lieu, si Mme A... réfute les faits qui lui sont reprochés, quant à sa manière de servir, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle n'a pas répondu au téléphone durant ses astreintes des 29 octobre, 6 et 24 novembre 2020, mettant ainsi en difficulté les agents concernés. S'agissant de cette dernière astreinte, si elle produit un arrêt de travail à compter du 24 novembre 2020, il est constant qu'elle n'a prévenu personne de son absence lors de cette astreinte. D'autre part, si aucun protocole relatif aux astreintes n'avait été mis en place indiquant aux agents la conduite à tenir, en dépit de demandes de la part de Mme A... en ce sens, il résulte toutefois de l'instruction qu'à plusieurs reprises, lors d'astreintes, Mme A... n'a pas su réagir, alors qu'elle était en fonction depuis plus de trois ans à la date des faits.

17. Il résulte de tout ce qui précède que ces éléments, pris isolément ou dans leur ensemble, ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral. Aucune faute ne peut être caractérisée à ce titre.

En ce qui concerne la responsabilité du CCAS de Périgueux à raison d'une faute générale dans l'organisation du service :

18. Mme A... soutient que la hiérarchie du CCAS de Périgueux a commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires pour améliorer ses conditions de travail face à ses différentes alertes et signalements quant aux dysfonctionnements du service et que cette faute est de nature à engager la responsabilité du CCAS.

19. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que trois directeurs se sont succédé sur la période de janvier 2017, date du recrutement de Mme A... en qualité de directrice adjointe, à janvier 2019, date de nomination de Mme C... en qualité de directrice, avec plusieurs périodes de transition. Cette instabilité de l'équipe de direction a affecté l'organisation du CCAS ainsi que la gestion des ressources humaines, ainsi que le note la chambre régionale des comptes dans son audit de la structure en 2020. Il ressort des attestations émanant d'agents et d'organisations syndicales que cette instabilité a été mal vécue par les agents du service. Mme A..., directrice adjointe, a été particulièrement exposée dans ce contexte d'instabilité, et a dû faire face à plusieurs périodes d'intérim des fonctions de directeur et de modifications d'organigramme. Il résulte également de l'instruction qu'elle a été confrontée, en sa qualité d'ajointe, sous la direction de Mme C..., à des ordres et contrordres peu clairs, la mettant en difficulté dans l'exercice de ses responsabilités en qualité de directrice adjointe. Ainsi, pendant plus de deux ans, Mme A... a travaillé dans une organisation instable et une ambiance délétère, sans que l'autorité administrative n'intervienne pour y remédier. Le comportement de la hiérarchie caractérise ainsi une faute dans l'organisation générale du CCAS de Périgueux.

20. Il résulte de l'instruction que Mme A... a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, ainsi qu'un préjudice professionnel, dont il sera fait une juste appréciation en lui accordant la somme de 5 000 euros. Il y a lieu de condamner le CCAS à lui verser cette indemnité.

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

21. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 5 000 euros à compter du 26 janvier 2021, date de réception de sa demande par le CCAS de Périgueux.

22. La capitalisation des intérêts a été demandée le 25 janvier 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 26 janvier 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

23. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité du CCAS de Périgueux.

Sur les conclusions d'annulation de la décision du 1er février 2021 portant refus de protection fonctionnelle :

24. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

25. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., par courrier du 23 septembre 2020, a demandé à bénéficier de la protection fonctionnelle au motif, selon elle, qu'elle subissait des agissements répétés de nature à caractériser une situation de harcèlement moral. En réponse, la président du CCAS a, par un premier courrier du 30 octobre 2020, accusant réception de la demande de la requérante, indiqué que sa demande serait examinée au regard des dispositions de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983. Puis, par un second courrier du 1er février 2021, faisant référence tant à la demande de Mme A... qu'à son précédent courrier du 30 octobre 2020, la présidente du CCAS l'a informée qu'il ne pourrait être donnée une suite favorable à sa demande au motif que " les faits décrits dans votre courrier n'étant étayés ni d'éléments probants, ni des justificatifs qui permettraient de les conforter ". Par suite, la présidente du CCAS, qui a mis à même Mme A... de connaître les circonstances de droit et de faits qui constituent le fondement de sa décision de refus, a suffisamment motivé sa décision au regard des dispositions citées au point précédent.

26. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 17, que Mme A... n'est pas fondée à solliciter l'annulation de la décision rejetant sa demande de protection fonctionnelle fondée sur le harcèlement moral qu'elle aurait subi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées.

27. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er février 2021 portant refus de protection fonctionnelle.

Sur les frais liés au litige :

28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par la commune de Périgueux et non compris dans les dépens, commune qui n'est d'ailleurs pas partie à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CCAS de Périgueux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Mme A....

Article 2 : Le CCAS de Périgueux est condamné à verser à Mme A... une somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2021. Les intérêts échus à la date du 26 janvier 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le CCAS de Périgueux versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre communal d'action sociale de Périgueux.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Nicolas Normand, président,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Carine Farault

Le président,

Nicolas Normand

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la préfète de la Dordogne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00423
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. NORMAND
Rapporteur ?: Mme Carine FARAULT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx00423 ?
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