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10/07/2025 | FRANCE | N°24BX02890

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 24BX02890


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 avril 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2401025 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête enregistrée le 6 décembre 2024, M. B..., représenté

par Me Malabre, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 avril 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2401025 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2024, M. B..., représenté

par Me Malabre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail, à titre subsidiaire, de prendre une décision à l'issue d'un nouvel examen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 4 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre de la première instance et de l'instance d'appel.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'avis préalable de la commission du titre de séjour ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été rendu collégialement, un des médecins composant ce collège ne l'a pas signé et les deux autres signatures sont des fac-similés;

- cette décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son suivi pluridisciplinaire ne peut être poursuivi effectivement en Arménie, certains médicaments dont la prise ne peut être interrompue y sont indisponibles, et sa situation d'impécuniosité l'empêche d'ailleurs de se procurer ceux qui pourraient être disponibles ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; sa mère, sa sœur, son neveu et sa nièce résident sur le territoire français, et il apporte une assistance à cette dernière compte tenu du handicap dont elle est atteinte ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'un " défaut d'exercice par le préfet de ses pouvoirs d'appréciation ", d'une violation du droit au séjour provisoire au titre de l'asile, du 4ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 33 de la Convention de Genève, et du droit au séjour du demandeur d'asile qui en découle ; alors qu'il avait demandé l'asile, aucune décision juridictionnelle n'était intervenue après que l'OFPRA ait rejeté cette demande ; la circonstance que l'Arménie ait été reconnue pays d'origine sûr ne peut faire obstacle à son droit à un examen individuel de ses craintes, qui ne visent pas l'Etat arménien mais une personne privée influente ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions et stipulations combinées du c) de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, des articles 1er, 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît les mêmes stipulations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2025, le préfet de Haute-Vienne conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à verser 750 euros à l'Etat au titre des frais de procédure.

Il soutient que :

- le requérant n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- l'avis du collège de médecins du 16 avril 2024 comporte toutes les mentions requises par l'arrêté du 27 décembre 2016 ; la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " atteste du caractère collégial de l'avis jusqu'à preuve du contraire, et le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une pièce déposée par l'OFII dans un autre dossier sur le processus de signatures ; le requérant ne produit à l'appui de son recours aucun document probant permettant de démontrer qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ni même le caractère onéreux de celui-ci ;

- la présence en France de M. B... est récente et il a été éloigné pendant l'essentiel de sa vie des membres de sa famille qui y résident ; il ne démontre pas en quoi sa présence aux côtés de son neveu et de sa nièce handicapée serait indispensable ;

- le requérant n'a pas présenté de demande titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, il ne justifie d'aucune considération humanitaire pour être admis exceptionnellement au séjour ;

- sa demande d'asile déposée le 12 octobre 2023 a été rejetée par l'OFPRA

le 5 janvier 2024, par une décision qui lui a été notifiée le 19 janvier 2024 ; le recours devant la CNDA n'avait pas d'effet suspensif et a d'ailleurs été rejeté ;

- l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;

- les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi sont infondés.

Par une décision du 7 novembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York

le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Antoine Rives a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant arménien né le 1er mai 1983, M. B... est entré régulièrement dans l'espace Schengen le 22 septembre 2023, par la Grèce, muni d'un visa de court séjour. Il a déclaré avoir rejoint le territoire français le jour même. Par une décision du 5 janvier 2024, contre laquelle il a formé un recours enregistré le 20 février 2024 devant la Cour nationale du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Le 18 janvier 2024, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Par un arrêté en date du 29 avril 2024, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement n° 2401025 du 17 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif

de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées à celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins, nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, auquel un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur qui ne siège pas au sein du collège, est préalablement transmis. A cet effet, l'article 1er de ce même arrêté prévoit que " le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 16 avril 2024 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins. Cette mention qui indique le caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce. D'autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, cet avis comporte le nom des trois médecins ayant siégé, ainsi que leur signature. La circonstance qu'il s'agirait d'un fac-similé est sans incidence au regard des garanties dont l'OFII a encadré le processus de recueil des avis et signatures du collège de médecins. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté en ses deux branches.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une cardiomyopathie dilatée avec valvulopathie aortique, d'une hypertension pulmonaire, d'une hépatite C en cours de traitement, ainsi que d'un trouble anxieux réactionnel et d'une gammapathie monoclonale IgA Kappa, laquelle doit nécessiter une exploration par myélogramme. Pour contester l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, dont le préfet s'est approprié les termes, sur la possibilité pour l'intéressé de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, celui-ci se borne à faire valoir que les spécialités requises pour son suivi pluridisciplinaire ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, que certains médicaments nécessaires à son traitement seraient difficilement accessibles, et que leur coût excéderait le montant de l'allocation mensuelle pour handicap dont il bénéficierait en Arménie. Toutefois, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ces allégations, formulées de manière générale et non étayées, ne permettent pas d'infirmer le sens de cet avis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection du droit à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France le 22 septembre 2023, soit moins d'un an avant l'édiction de l'arrêté contesté. Il ne justifie pas, au regard des pièces qu'il produit, entretenir des liens personnels et familiaux d'une intensité et d'une stabilité suffisantes avec sa mère, sa sœur, sa nièce et son neveu résidant sur le territoire français, alors qu'il a passé l'essentiel de sa vie en Arménie. En outre, si sa nièce présente un handicap nécessitant une scolarisation en classe ULIS et un accompagnement par un SESSAD, les pièces produites au dossier ne permettent pas de faire regarder la présence de son oncle auprès d'elle comme indispensable à sa prise en charge, quand bien même le père de cette enfant est décédé brutalement quelques jours après l'entrée en France de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation personnelle de

M. B..., doit être écarté. En tout état de cause, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que des stipulations de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, doivent être écartés pour les mêmes motifs.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Ainsi qu'il a été exposé au point 7, le requérant n'établit pas que sa présence sur le territoire français serait indispensable à la prise en charge du handicap de sa nièce, quand bien même il irait la chercher à l'école chaque jour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ",

" travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission exceptionnelle au titre de sa vie privée et familiale.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

13. M. B... soutient que le préfet de la Haute-Vienne aurait dû saisir la commission du titre de séjour en vertu des articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois le préfet n'est tenu, en application de l'article

L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que dans les cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. En l'occurrence, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 7, le préfet n'avait pas à consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur la demande du requérant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence d'une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". L'article L. 542-2 du même code dispose que :

" Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 (...) ". L'Arménie est inscrite sur la liste des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

16. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par

M. B... le 3 novembre 2023 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rendue en procédure accélérée le 5 janvier 2024, sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à compter de cette date, sans qu'il soit besoin d'attendre l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Au demeurant, par une décision du 26 juin 2024, cette juridiction a définitivement rejeté la demande d'asile de l'intéressé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 doit être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 5 de la directive

du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " Lorsqu'ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :(...) c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement ".

18. Si M. B... soutient que son éloignement à destination de son pays d'origine méconnaîtrait les stipulations précitées, les documents médicaux produits ne démontrent pas que les soins que nécessite son état de santé seraient indisponibles en Arménie, ainsi qu'il a été précédemment exposé.

19. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... et ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur le pays de renvoi :

20. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en conséquence d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni qu'il encourrait du fait de son état de santé des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie. Ses autres craintes ne sont pas étayées et n'ont au demeurant pas été reconnues fondées par la Cour nationale du droit d'asile, qui a rejeté son recours par une ordonnance du 26 juin 2024.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

Antoine Rives

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

Pour le greffier d'audience décédé

La greffière de chambre

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02890


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02890
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Antoine RIVES
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24bx02890 ?
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