Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et F... A... C... et la société civile immobilière (SCI) Le Plapé dont ils sont les coassociés ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le maire de Sainte-Mère a délivré un permis d'aménager à la société civile immobilière (SCI) des Champs en vue de créer un lotissement de six lots à bâtir ainsi que la décision du 17 juillet 2022 par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté.
Par un jugement n° 2201791 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 avril 2024 et 6 février 2025, M. et Mme A... C... ainsi que E..., représentés par Me François Tandonnet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 21 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le maire de Sainte-Mère a délivré un permis d'aménager à la SCI des Champs en vue de créer un lotissement de six lots à bâtir ainsi que la décision du 17 juillet 2022 par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le dossier de demande de permis d'aménager était incomplet au regard des exigences posées par l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme en ce que la notice explicative n'évoque pas la présence du monument historique situé à proximité du terrain d'assiette du lotissement ni celle de leur propriété alors pourtant qu'elle jouxte le projet ; cette notice n'indique pas davantage en quoi le projet s'insère dans l'espace agricole avoisinant ;
- par voie d'exception, le plan local d'urbanisme de la commune, approuvé par une délibération du 14 décembre 2016, est entaché de plusieurs illégalités ; d'une part, la délibération a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ; d'autre part, il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant que la parcelle en litige est classée en zone AU1 en contrariété avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme ; enfin, ce classement en zone AU1 est contraire aux dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ;
- le permis d'aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que, la voie de desserte étant trop étroite, l'afflux de circulation induit par le projet est de nature à porter atteinte à la sécurité des usagers de cette voie ;
- le permis d'aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés le 1er juillet 2024 et le 30 janvier 2025, la SCI des Champs, représentée par Mathieu Gény, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire distinct enregistré le 1er juillet 2024, la SCI des Champs demande à la cour de condamner M. et Mme A... C... et E... à lui payer in solidum une somme 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ainsi qu'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de M. et Mme A... C... n'a d'autre objet que de bloquer délibérément la réalisation de son projet de lotissement alors qu'ils ont acquis la propriété voisine en connaissance de cause, la révision du plan local d'urbanisme qui classe le terrain d'assiette en zone AU1 ayant été approuvée deux ans auparavant ;
- elle a engagé des frais financiers importants, d'un montant de 24 330 euros, provenant d'un compte courant d'associé et d'un apport en capital ; par ailleurs, les coûts de production dans la construction augmentent, comme en atteste les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques ;
- elle est ainsi fondée à demander la réparation de ce préjudice évalué à 45 000 euros, ainsi que d'un préjudice moral évalué à 5 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 octobre 2024 et le 21 janvier 2025, la commune de Sainte-Mère, représentée par Me Thomas Sire, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des époux A... C... et de E... une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
A titre principal :
- la requête, qui se borne à reproduire les écritures de première instance sans formuler une critique circonstanciée du jugement attaqué, méconnait les dispositions des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative et est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé ;
A titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel :
- la demande de première instance des époux A... C... est tardive dès lors que le recours gracieux, exercé par la seule SCI Le Plapé, n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux à leur égard ; en outre, ils ne justifient pas d'un intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; il en est de même pour E... ;
- en tout état de cause, aucun des moyens soulevés au soutien de la demande n'est fondé.
Par une ordonnance du 31 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de M. et Mme A... C...,
- les observations de Me Bonnel, représentant la commune de Sainte-Mère,
- et les observations de Me Garizé, représentant la SCI des Champs.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A... C... et E... a été enregistrée le 30 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 mars 2022, le maire de Sainte-Mère (Gers) a délivré à la SCI des Champs un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement dénommé " Les érables " composé de six lots à bâtir sur la parcelle cadastrée section AM n° 339p d'une superficie de 8 295 m², incluse dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 2 " quartier sud " classée en zone AU1 du plan local d'urbanisme. M. et Mme A... C..., voisins du projet, ainsi que la SCI du Plapé dont ils sont les coassociés, ont saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 17 juillet 2022 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux formé à son encontre. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 21 février 2024 ayant rejeté leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les dispositions tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un ou plusieurs lots d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité administrative de refuser le permis d'aménager ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la conformité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du projet d'aménagement et de développement durables, que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Sainte-Mère ont défini quatre orientations générales qui tendent à accueillir une population nouvelle, à préserver le cadre rural des lieux en étant respectueux du paysage et des points de vue du château, à doter le village d'espaces publics et de circulation de qualité en créant une centralité favorable au lien social, et enfin à conforter l'économie locale. La première de ces orientations, pour répondre à la croissance constante de la population communale, promeut le développement de formes d'habitats variés en vue de construire 28 logements au cours de la décennie envisagée, en deux phases d'ouverture à l'urbanisation des terrains nécessaires. La deuxième orientation répond à la singularité de la composition du village, comprenant un bois commun composé de chênes et un château en promontoire, visible tant depuis le nord en provenance d'Agen que depuis le sud en provenance de Lectoure, et pour cela, propose d'identifier les éléments naturels et architecturaux à préserver et d'adopter un règlement permettant de développer le bâti en assurant le maintien de la qualité des points de vue. La dernière orientation tend à pérenniser l'activité agricole importante dans la commune en " limitant les prélèvements de terres agricoles pour la construction neuve ". En l'espèce, l'ouverture à l'urbanisation et le classement en zone AU1 de la partie nord-est de la parcelle cadastrée section AM n° 339, antérieurement classée en zone A, fait l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 2 " quartier sud " et constitue la première des deux phases d'extension d'urbanisation du territoire communal. Ce projet d'aménagement destiné à la création des premiers nouveaux logements, placé à plus de 400 mètres du château, éloignés des principaux éléments de patrimoine protégés, consomme une faible superficie de 8 295 m² des terres agricoles couvrant plus de 790 hectares, représentant presque 84 % du territoire communal. Au vu de ces éléments, l'ouverture à l'urbanisation de cette petite portion de la parcelle cadastrée AM n° 339 répond sans incohérence aux orientations précitées du projet d'aménagement et de développement durables. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-20 de ce code : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Il ressort des pièces du dossier que si la parcelle cadastrée section AM n° 339p ouvre à l'ouest et au sud sur un vaste secteur agricole, elle est accolée, à l'est, aux parcelles bâties situées du sud-ouest du bourg de Sainte-Mère, dans la continuité de la partie urbanisée de la commune. Eu égard tant aux caractéristiques propres de cette parcelle qu'aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables d'ouverture modérée à l'urbanisation, de consommation réduite des terres agricoles et de préservation des éléments de patrimoine protégés de la commune, dont ne fait pas partie la propriété des requérants, le classement en zone AU1 de cette parcelle cadastrée section AM n° 399p n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ou d'un règlement sanitaire départemental, sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en vue de la construction d'une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
8. Les requérants prétendent que l'arrêté en litige méconnaitrait la règle de distance devant être respectée entre les habitations et les bâtiments agricoles, en l'occurrence une unité de de canards à gaver implantée sur la parcelle cadastrée section AM n° 153. Toutefois, pour cette installation classée dont le nombre de canards à gaver est inférieur au seuil de la rubrique 2111 de la nomenclature, l'article 2.1 de l'annexe II de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration relevant des rubriques n°s 2101, 2102 et 2111, la distance devant séparer les constructions les unes par rapport aux autres est de 50 m et non de 100 m comme le prétendent les requérants. Or, alors même que l'implantation des futures constructions n'est pas connue à la date d'approbation du plan local d'urbanisme, en l'espèce, le classement en zone constructible de la parcelle cadastrée section AM n° 399p ne méconnait pas cette règle de distance dès lors que la limite séparative est éloignée de plus de 50 m du premier bâtiment agricole de l'unité de canards à gaver. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ne peut donc qu'être qu'écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".
10. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle, ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote, n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui a participé à l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune en qualité de maire de Sainte-Mère et qui a pris part au vote de la délibération du 14 décembre 2016 approuvant le document d'urbanisme en qualité de conseillère municipale, est propriétaire de la parcelle cadastrée section AM 339 dont une partie est devenue constructible par l'effet de cette même délibération. Il ne ressort toutefois pas de ces mêmes pièces du dossier, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, qu'en tant qu'élue concernée, celle-ci aurait exercé une influence sur les débats qui ont eu lieu ni sur l'adoption du classement de la parcelle, alors que, d'une part, il est constant que la délibération considérée a été prise à l'unanimité des onze membres de ce conseil dans une commune d'à peine plus de 200 habitants. D'autre part, le classement en zone AU1 d'une petite partie de la propriété de l'élue répond aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables en faveur d'une extension mesurée de l'urbanisation aux fins d'accueillir une population nouvelle dans la continuité du bâti existant tout en préservant le cadre rural du village et en étant respectueux du paysage. L'extension de l'urbanisation ainsi recherchée par les auteurs du plan local d'urbanisme répond à l'intérêt communal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre du permis d'aménager :
12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords et indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les parties retenues pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; / d) Le traitement des parties du terrain situées en limite du projet ; (...). "
13. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager serait incomplet ou que des pièces seraient insuffisantes, imprécises ou inexactes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.
14. Il ressort des pièces du dossier que la notice de présentation du projet d'aménagement n'évoque pas la propriété des requérants située au nord du projet ni la présence du château classé de Sainte-Mère, dont le périmètre de protection inclut le terrain d'assiette du lotissement à venir. Toutefois, et d'une part, comme l'ont relevé les premiers juges, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas identifié la propriété de E... au titre des immeubles bâtis à protéger pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural tels que visés à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. L'absence de mention de la propriété de E... dans la notice du dossier de permis d'aménager est cependant compensée par la vue aérienne insérée dans cette notice, qui, combinée avec le plan d'état des lieux et le plan de composition, a permis au service instructeur d'apprécier en connaissance de cause la conformité du projet de lotissement aux règles d'urbanisme applicables en matière d'insertion. D'autre part, l'absence de mention dans cette même notice du château classé n'a pas induit en erreur le service instructeur pour l'application des mêmes règles, dès lors que l'architecte des bâtiments de France a bien été consulté et a rendu un avis assorti de prescriptions auxquelles l'article 2 du permis d'aménager en litige renvoie. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la notice indique bien que le terrain d'assiette du lotissement est accolé, à l'est, à des propriétés bâties et, à l'ouest, à un vaste espace agricole. Elle précise également que la limite sud du lotissement sera bordée d'une haie arbustive de même que les limites séparatives de chacun des lots, satisfaisant ainsi aux exigences du d) du 2° des dispositions énoncées au point précédent. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis d'aménager doit être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
16. Il ressort des pièces du dossier que le chemin qui dessert le terrain d'assiette du projet est d'une largeur légèrement inférieure à trois mètres et comporte des accotements enherbés. A partir de la route de la Plaine, ce chemin dessert trois maisons situées en amont du lotissement projeté et la propriété des requérants, située en aval de celui-ci. Eu égard au faible flux de circulation induit par la construction de huit logements, dès lors que l'accès au lotissement est situé en un point assurant une visibilité correcte des usagers du chemin et alors que le service d'incendie et de secours n'a émis aucune réserve à propos de ces conditions d'accès, le maire de Sainte-Mère n'a pas entaché son appréciation du risque d'atteinte à la sécurité des usagers de ce chemin d'une erreur manifeste et le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis ou les prescriptions spéciales accompagnant ce permis, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction ou l'aménagement est envisagé et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que le projet, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
18. Le terrain d'assiette du projet est situé à environ 400 mètres du château de Sainte-Mère et, à l'est, dans la continuité des maisons d'habitation composant le bourg. Il est prévu un espace vert au droit du chemin qui sépare le lotissement de la propriété des requérants. Par ailleurs, ce lotissement comporte un nombre limité de constructions, principalement constitué de maisons individuelles et il ne ressort pas des pièces du dossier, alors qu'une haie arbustive borde la propriété de M. et Mme A... C..., qu'il sera porté atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
19. En dernier lieu, aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose qu'un permis d'aménager soit conforme au rapport de présentation d'un plan local d'urbanisme ni même compatible avec celui-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que la voie interne de desserte du lotissement ne respecterait pas le rapport de présentation est inopérant et doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que les époux A... C... et E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Sainte-Mère du 31 mars 2022 et de la décision du 17 juillet 2022 rejetant le recours gracieux formé à son encontre.
Sur les conclusions indemnitaires de la SCI des Champs :
21. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".
22. Dans les circonstances de l'espèce, l'exercice du droit au recours exercé par M. et Mme A... C... et E... contre le permis d'aménager délivré à la SCI des Champs ne traduit pas un comportement abusif de leur part. Dès lors, les conclusions indemnitaires présentées par la SCI des Champs sur le fondement des dispositions citées au point précédent doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions liées à cette demande indemnitaire, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Mère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande les requérants au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce et au même titre, il y a lieu de mettre à la charge des époux A... C... et de E... une somme de 800 euros à verser à la commune de Sainte-Mère et la même somme à la SCI des Champs.
DECIDE :
Article 1er : La requête des époux A... C... et de E... est rejetée.
Article 2 : Les époux A... C... et E... verseront une somme de 800 euros à la commune de Sainte-Mère sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les époux A... C... et E... verseront une somme de 800 euros à la SCI des Champs sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI des Champs sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et les conclusions y afférentes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... C..., M. B... A... C..., à E..., à la SCI des Champs et à la commune de Sainte-Mère.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00854