Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du
17 mars 2021 par lequel le maire de Lacanau a délivré à M. G... un permis de construire en vue de l'extension d'une habitation située 64 Lotissement Green Land ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.
Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2024, sous le n° 2400287, et des pièces enregistrées les 19 février 2024, Mme C... représentée par Me Baltazar, demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 7 décembre 2023 ainsi que l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le maire de Lacanau a délivré à M. G... un permis de construire en vue de l'extension d'une habitation ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;
- de mettre à la charge de la commune de Lacanau le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- en écartant d'office comme irrecevable sur le fondement de l'article R 600-5 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UZ11 du règlement du PLU sans en avoir informé les parties préalablement, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UZ6 dès lors qu'il impose à tout bâtiment de s'implanter à une distance minimale de 5 mètres de l'alignement de la voie alors que l'extension projetée s'implante à 4,22 m de la voie et que n'étant pas située en bordure d'une route départementale elle ne peut bénéficier de la dérogation prévue pour de tels projets ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté comme irrecevable l'argument relatif aux pentes des toitures, qui ne constituait pas un moyen nouveau mais une branche du moyen déjà soulevé tiré de ce que le service instructeur n'avait pas été en mesure d'apprécier la conformité du projet aux dispositions de l'article UZ 11 du PLU en raison de l'insuffisance du dossier de permis de construire ; en l'espèce aucun plan ne précise la pente du toit ce qui n'a pas permis de vérifier sa conformité aux règles du PLU ;
- le projet méconnait l'article UZ 13 du règlement du PLU dès lors qu'aucune plantation d'arbre de haute tige n'est prévue alors qu'il est prévu la création d'une surface de plancher de 81,5 m2.
Par mémoire en défense enregistré le 8 avril 2024, M. G..., représenté par Me Achou-Lepage, demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- subsidiairement, de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en vue de permettre la régularisation du projet ;
- de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir, le projet ne modifiant pas les conditions d'occupation et de jouissance du bien de la requérante ;
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par mémoire en défense enregistré le 4 février 2025, la commune de Lacanau, représentée par Me Dubois, demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt pour agir de la requérante ;
- le jugement est régulier ;
- les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,
- les conclusions de M. D... F...,
- les observations de Me Moleres, représentant Mme C... épouse E..., de Me Dubois, représentant la commune de Lacanau et de Me Caparros, représentant M. G....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 mars 2021, le maire de Lacanau a délivré à M. G..., un permis de construire en vue de l'extension d'une surface de 81, 5 m2 d'une habitation individuelle située 64 lotissement Green Land. Mme C..., propriétaire voisine du projet, après avoir demandé en vain au maire le retrait de cette autorisation, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de l'arrêté du 17 mars 2021. Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande d'annulation. Par la présente requête, Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est propriétaire de la parcelle immédiatement contiguë au terrain d'assiette du projet, sur laquelle se trouve son habitation située à une vingtaine de mètres du projet. Or, si comme le soutient M. G..., la façade ouest de l'extension projetée est aveugle et ne créée donc aucune vue vers la propriété de la requérante, alors que la façade sud ne crée de vue que sur sa propre parcelle, séparée de celle de Mme C... par de nombreux arbres, il ressort des pièces du dossier que la nouvelle construction, d'une hauteur de 6m55, supérieure de 2 mètres à la construction existante, sera visible par l'appelante au-delà de la cîme des arbres, qui sont situés seulement à une dizaine de mètres. Il en résulte que Mme C..., en sa qualité de propriétaire voisine du projet, justifie suffisamment de son intérêt pour agir.
Sur la régularité du jugement :
5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, que par courriers du
30 octobre 2023, le tribunal a demandé aux parties à l'instance de bien vouloir produire les pièces du dossier de permis de construire mentionnant la pente de la toiture. Par courrier du 3 novembre 2023, qui a été communiqué aux autres parties, mais qui n'est pas visé dans le jugement, le conseil de M. G... a opposé l'irrecevabilité du moyen tiré de la violation de l'article UZ 11 relatif aux pentes de toit dès lors qu'il était soulevé pour la première fois par Mme C..., postérieurement au délai de deux mois suivant la communication du premier mémoire en défense. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a soulevé d'office l'irrecevabilité de ce moyen nouveau tiré de la violation de l'article UZ11 du PLU relatif aux pentes des toitures, sans en informer les parties.
6. Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2021 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article UZ 6 du règlement du PLU de Lacanau, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " Dans les secteurs UZd : Les bâtiments doivent être implantés : à une distance d'au moins 5,00m de l'alignement sur la voie.(...)Il peut être dérogé à ces règles de reculs : - pour les extensions de constructions existantes et pour les annexes, lorsque celle-ci sont déjà situées au sein des reculs précités, à condition : -de ne pas étendre la construction en deça de la distance de recul minimale de la construction existante par rapport à la route départementale ; - de ne pas être situé au sein d'un emplacement réservé(...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste à édifier une extension de l'habitation existante sur le terrain d'assiette, pour une surface de 81 m2. Cette extension située dans le prolongement de l'habitation existante, qui empiète elle-même légèrement dans la marge de recul fixée par les dispositions précitées du règlement du PLU par rapport à l'alignement, est ainsi implantée à moins de 5 mètres de l'alignement de la voie du lotissement, qui n'est pas une route départementale. Or, comme le soutient la requérante, les dispositions précitées de l'article UZ 6 du règlement du PLU réservent expressément aux constructions implantées le long d'une voie départementale la possibilité de déroger aux règles de recul qu'elles fixent. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que le projet autorisé méconnait les dispositions précitées de l'article UZ 6 du règlement du PLU.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article UZ 11 du règlement du PLU de Lacanau : " 1. Pour les constructions de type traditionnel qui ne seraient pas traitées en toiture terrasse : Dans les secteurs UZd, UZe et UZi : la pente des toits doit être comprise entre 20 % et 45 %. La couverture doit être réalisée en tuile de terre cuite naturelle. (...)".
10. Si la requérante soutient qu'aucun des plans joints au dossier de permis de construire ne précise la pente du toit et que cette insuffisance n'a pas permis au service instructeur d'apprécier la conformité du projet avec les dispositions précitées du règlement du PLU, il ressort des pièces du dossier de permis de construire que les plans de coupe de la construction ainsi que le plan de masse représentant les toitures du bâtiment existant et de l'extension projetée, permettaient au service instructeur de vérifier le respect des dispositions précitées de l'article UZ 11. Par suite, le moyen doit être écarté.
11. Enfin, si la requérante soutient que l'article UZ 13 du même règlement, qui prévoit la plantation d'un arbre de haute tige pour 50 m2 de planchers construits, a été méconnu aucune plantation n'étant prévue au projet, il ressort des mentions figurant sur le plan masse de la demande d'autorisation, qu'est prévue la plantation d'un arbre de haute tige " type chêne vert ou merisier ". Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que seul le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UZ 6 du règlement du plan local d'urbanisme est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire en litige.
Sur les conclusions à fin de régularisation
13. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
14. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
15. L'illégalité visée au point 8 tirée de la méconnaissance de l'article UZ 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lacanau est susceptible de faire l'objet d'une régularisation. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à M. G... et à la commune de Lacanau un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme C... jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à M. G... et à la commune de Lacanau pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice tiré de la méconnaissance de l'article UZ 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lacanau.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. B... G... et à la commune de Lacanau.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
La présidente-assesseure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente, rapporteure,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX00287 2